Deux mythes sont profondément ancrés dans l’esprit de la plupart des Américains ; ils sont extrêmement dangereux et peuvent entraîner une guerre contre la Russie. Je crois donc crucial de détruire ces mythes avant qu’ils ne finissent par nous coûter des millions de vies et des souffrances indicibles. Dans mon dernier article pour Unz Review, j’examinais les raisons pour lesquelles les forces armées étasuniennes sont loin d’être aussi avancées que la machine de propagande américaine voudrait nous le faire croire. Bien que cet article soit une analyse des technologies militaires russes, je n’ai donné qu’un seul exemple, en passant, de ces dernières en comparant le T-50 PAKFA à l’US F-35 (si vous voulez vraiment avoir une idée de la catastrophe du F-35, lisez ceci et ceci). Premièrement, je suis généralement réticent à me focaliser sur des systèmes d’armes parce que je crois fermement que dans la grande majorité des guerres du monde réel, les tactiques sont beaucoup plus importantes que les technologies. Deuxièmement, Andrei Martyanov, un expert sur les questions militaires et la guerre navale russes a récemment écrit deux articles excellents sur les technologies militaires russes (voir ici et ici), qui donnaient beaucoup plus d’exemples (allez voir le blog de Martyanov). Après avoir lu certains commentaires postés sous les articles de Martyanov et les miens, je pense qu’il est important, en fait essentiel, de faire passer le message à ceux qui sont encore parfaitement conditionnés par la machine de propagande pour rejeter immédiatement tout idée de vulnérabilité des États-Unis ou, encore plus, d’infériorité technologique. Je ne me fais aucune illusion sur la capacité de ceux qui regardent encore la boîte à images idiotes d’être arrachés à leur stupeur léthargique par les avertissements de Paul Craig Roberts, William Engdahl, Dmitry Orlov, Andrei Martyanov ou moi-même. Mais je pense aussi que nous devons continuer à essayer, parce que le parti de la guerre (le Parti unique néocon) essaie apparemment avec opiniâtreté de déclencher un conflit contre la Russie. Donc ce que je propose de faire aujourd’hui est de relier les notions de « guerre contre la Russie » et de « souffrance immédiate et personnelle » en montrant que, si la Russie est attaquée, deux des symboles les plus sacrés des États-Unis, leurs porte-avions et leur territoire même seraient immédiatement attaqués et détruits. Le mythe des porte-avions Je dois avouer que même pendant la Guerre froide, j’ai toujours vu les porte-avions américains comme des cibles faciles que les Soviétiques auraient détruits assez aisément. J’ai formé cette opinion sur la base de mon étude des tactiques soviétiques anti-porte-avions et de conversations avec des amis (des condisciples) qui servaient effectivement sur des porte-avions américains. J’aurais aimé avoir le temps et la place pour entrer dans une description détaillée de ce à quoi aurait ressemblé une attaque soviétique de l’époque de la Guerre froide sur un groupe de combat de porte-avions américains, mais tout ce que je dirai est qu’elle impliquerait des essaims de missiles lourds, sol-air et navals, en provenance de directions différentes, certains frôlant les vagues, d’autres tombant de très haute altitude, tous à des vitesses énormes, combinés avec des missiles lancés depuis des sous-marins, et même des torpilles. Tous ces missiles seraient « intelligents » et reliés entre eux : ils partageraient les données des capteurs, attribuant des cibles (pour éviter des doublons), utilisant des contre mesures, recevant des corrections de trajectoire, etc. Ces missiles seraient lancés à distance de sécurité par des bombardiers supersoniques ou par des sous-marins. Le ciblage se ferait via des satellites et des technologies navales avancées de reconnaissance. Mes amis de l’US Navy étaient très conscients de tout cela et ils riaient de leur propre propagande officielle (Reagan était alors au pouvoir), qui affirmait que l’US Navy « porterait la guerre aux Russes » en déployant des porte-avions. Contrastant directement avec cela, mes amis m’ont tous dit que la première chose que ferait la Marine américaine serait d’évacuer immédiatement tous les porte-avions de l’Atlantique Nord et de les amener dans des eaux beaucoup plus sûres au sud de ce qu’on appelle le passage du GIUK. Donc voici l’affreuse vérité : les porte-avions sont conçus pour renforcer la domination de l’Empire anglosioniste sur des petites nations essentiellement sans défense (comme l’Irak de Saddam Hussein). Personne dans l’US Navy, du moins pas à la fin des années 1980, ne considérait sérieusement le déploiement de groupes de combat de porte-avions à proximité de la péninsule de Kola pour « apporter la guerre aux Russes ». C’était de la propagande pure. Le public ne le savait pas, mais tout le personnel de l’US Navy connaissait la vérité. Ce qui était vrai alors l’est encore plus aujourd’hui et je ne peux imaginer personne au Pentagone élaborant sérieusement des plans pour attaquer la Russie avec une aviation basée sur des porte-avions. Mais même si l’US Navy n’a aucune intention d’utiliser ses navires contre la Russie, cela ne signifie pas que les Russes ne peuvent pas les rechercher activement et les détruire, même très loin de la Russie. Après tout, même s’ils sont totalement dépassés pour une guerre entre des superpuissances, ces porte-avions représentent des cibles extraordinairement chères, dont la valeur symbolique reste immense. La vérité est que ces bateaux sont la cible la plus lucrative que tout ennemi pourrait espérer : (assez) petites, (assez) faciles à détruire, réparties en plusieurs endroits sur le globe – les porte-avions américains sont presque des « morceaux des États-Unis, mais beaucoup plus proches ». Présentation du missile hypersonique Zircon 3M22 Tout d’abord, quelques données de base sur ce missile (provenant de Wikipédia anglais et russe) : Tout ceci est déjà très impressionnant, mais voici le fait le plus important à propos de ce missile : il peut être lancé depuis presque n’importe quelle plateforme, des croiseurs, bien sûr, mais aussi des frégates et même de petites corvettes. Il peut être lancé par des sous-marins nucléaires et diesel-électriques. Ainsi que par des bombardiers à longue portée (Tu-160), à moyenne portée (Tu-22M3), des avions de combat / bombardiers à moyenne portée (SU-34) et même, selon certains rapports, par des chasseurs aériens multi-rôle (SU-35). Enfin, ce missile peut aussi être basé à terre. En fait, il peut être lancé à partir de toute plateforme capable de lancer le célèbre missile de croisière Kalibr et cela veut dire que même un navire marchand ou de pêche pourrait transporter un conteneur avec un missile Zircon caché à l’intérieur. En langage clair, voici ce que cela signifie : Permettez-moi de le répéter : à peu près n’importe quel bateau ou avion russe aura dès maintenant la capacité de couler un porte-avion américain. Dans le passé, ces capacités étaient limitées à des navires spécifiques (classe Slava), à des sous-marins (classe Oscar) ou à des avions (Backfires). Les Soviétiques disposaient d’un nombre important mais restreint de telles plateformes et ils étaient limités par les lieux où ils pouvaient les déployer. Cette époque est terminée. Désormais, un essaim de Zircon 3M22 pourrait surgir partout sur la planète à tout moment et sans aucun avertissement – une vitesse de 5 000 miles à l’heure ne laisse à la cible aucun temps de réaction, même minime. En fait, l’attaque pourrait être si rapide qu’elle ne laisserait même pas le temps à la cible de savoir qu’elle est attaquée. Rien de ce qui précède n’est un grand secret, d’ailleurs. Écrivez simplement « Zircon missile » dans votre moteur de recherche favori et vous obtiendrez beaucoup de résultats (131 000 sur Google ; 190 000 sur Bing). En effet, de nombreux spécialistes ont déclaré que le Zircon signait la fin du porte-avions comme plateforme de la guerre moderne. Ces affirmations sont largement exagérées. Comme je l’ai écrit ci-dessus, les porte-avions sont des outils idéaux pour terrifier, menacer, intimider ou encore attaquer des petits pays sans défense. Même des pays de taille moyenne auraient beaucoup de mal à faire face à une attaque provenant de porte-avions américains. Donc je pense que tant que le monde continue à utiliser le dollar US et, par conséquent, tant que l’économie étasunienne continuera à créer de l’argent à partir de rien et à le dépenser comme s’il n’y avait pas de lendemain, les porte-avions auront un brillant avenir devant eux, même si c’est moralement répugnant. Et, bien sûr, l’US Navy n’utilisera pas de porte-avions pour menacer la Russie. Je répète, la presse américaine a informé sur le potentiel meurtrier du Zircon, mais ce qu’elle mentionne rarement (jamais ?), c’est la conséquence politique et stratégique de son existence : désormais, la Russie aura une cible facile et de très grande valeur pour les États-Unis, qu’elle pourra détruire quand elle veut. Vous pouvez imaginer la flotte de porte-avions étasuniens comme dix otages que les Russes peuvent abattre à tout moment. Et voilà l’essentiel là-dedans : une telle attaque ne serait pas une attaque contre le territoire des États-Unis, ni une attaque nucléaire, mais le choc psychologique résultant d’une telle attaque pourrait être comparable à une frappe nucléaire (limitée) sur le territoire étasunien. Ceci, d’une part, entravera beaucoup la volonté de la Russie de tenter une telle attaque puisque cela l’exposerait à des représailles très graves (incluant éventuellement des frappes nucléaires). Mais d’autre part, en termes de « maîtrise de l’escalade », cet état de fait donne un important avantage à la Russie puisque les États-Unis ne disposent d’aucune cible russe d’une valeur symbolique équivalente à celle d’un porte-avion américain. Un autre aspect de cette question est souvent ignoré. Les analystes occidentaux parlent souvent d’une stratégie russe de « dissuasion par interdiction » et d’« interdiction d’accès » à certaines zones (Anti-Access Area Denial – A2AD). La plupart du temps, c’est le genre de langage qui vous permet d’obtenir une promotion et une augmentation de salaire dans les think tanks des États-Unis et de l’OTAN. Il y a tout de même une part de vérité dans le fait que les missiles russes avancés procurent à la Russie un moyen très peu coûteux de menacer des actifs américains, même extrêmement chers. Pire, la Russie est prête (en fait avide) pour exporter ces missiles (assez bon marché) dans d’autres pays. Je trouve amusant de voir comment les politiciens étasuniens sont dans un état d’hystérie permanente à propos du risque de prolifération nucléaire, mais n’arrivent pas à réaliser que des missiles conventionnels anti-navires sont une menace énorme et beaucoup plus probable. Certes, il y a des traités limitant l’exportation de missiles, comme le MTCR, mais ils ne s’appliquent qu’à des missiles d’une portée supérieure à 300 km. Les missiles balistiques et de croisière devenant plus petits, plus meurtriers et plus faciles à dissimuler, avec des portées (relativement) faciles à étendre, les traités comme le MTCR sont de plus en plus obsolètes. Résultat : tant que la dissuasion tient, attaquer les porte-avions américains n’a absolument aucun sens pour la Russie ; mais dès que la dissuasion aura échoué, pouvoir le faire n’importe où sur la planète procure à la Russie une capacité extrêmement souple et puissante de maîtrise de l’escalade à laquelle les États-Unis ne peuvent pas répliquer symétriquement. Frapper le Saint des Saints – la « patrie » américaine Si vous pensiez que c’est mal [mais envisageable, NdT] de discuter de frappes sur les porte-avions américains, nous entrons ici pleinement sur le territoire du Docteur Folamour et allons parler de quelque chose que les Américains trouvent absolument impensable : des attaques sur le territoire des États-Unis. Certes, pour le reste de l’humanité, toute guerre, par définition, inclut une possibilité très réelle d’attaques sur les villes, les cités et les populations. Mais pour les Américains, qui sont habitués à infliger la violence et la mort loin de leurs villes et de leurs cités paisibles, l’idée d’une frappe dévastatrice contre le territoire des États-Unis est quasiment inconcevable. Le 9/11, la perte de 3 000 innocents a jeté l’immense majorité des Américains dans un état de choc total qui a eu pour résultat une sur-réaction massive à tous les niveaux (ce qui était, bien sûr, exactement le but de cette opération, sous fausse bannière, des États profonds américain et israélien). Exactement comme avec les porte-avions, les dangers d’une sur-réaction américaine pourraient servir de dissuasion à toute attaque sur le territoire des États-Unis. Mais, exactement comme avec les porte-avions, ce n’est vrai que tant que la dissuasion tient. Si le territoire russe fait l’objet d’une attaque américaine, cela indiquerait clairement que la dissuasion a échoué et que les forces armées russes devraient alors passer du mode dissuasion au mode combat. À ce stade, la sur-réaction américaine à une attaque bénigne ou pour encaisser des pertes pourrait, paradoxalement, déboucher sur un réveil de dernière minute indiquant à tout le monde que ce qui se passera ensuite sera vraiment dévastateur. Présentation du missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat (ICBM) Bien qu’on en sache officiellement très peu sur le Sarmat et le Yu-71, internet est en réalité rempli d’hypothèses éclairées qui nous donnent une assez bonne idée du genre de système dont nous parlons ici. Vous pouvez penser au RS-28 Sarmat comme à un successeur du déjà redoutable missile RS-36 Voevoda (SS-18 Satan dans la classification étasunienne) : c’est un missile balistique intercontinental lourd, très puissant, avec de multiples véhicules de rentrées pouvant cibler de manière indépendante (ogives) : La dernière caractéristique, sur la capacité OGCh, est essentielle, puisqu’elle signifie que contrairement à la plupart des ICBM soviétiques / russes, le Sarmat ne doit pas survoler le pôle Nord pour frapper les États-Unis. En fait, le Sarmat pourrait survoler le pôle Nord, ou autre chose, dans n’importe quelle direction et atteindre quand même n’importe quelle cible aux États-Unis. Là-bas, cette capacité est, en elle-même, plus que suffisante pour vaincre toute technologie actuelle et prévisible de missile anti-balistique (ABM) américaine. Mais ce qui est mieux, ou pire, selon votre point de vue : les véhicules de rentrées / ogives du Sarmat sont capables de voler en orbite basse, manœuvrer et subitement plonger sur leurs cibles. La seule manière de surmonter une telle attaque serait de protéger les États-Unis par un système ABM capable de les couvrir à 360°, quelque chose qu’ils sont encore à des dizaines d’années de réaliser. Et seulement pour ajouter à ces caractéristiques déjà impressionnantes, chaque Sarmat peut porter 3 à 24 (selon la personne que vous interrogez) véhicules de glisse hypersoniques Yu-71. Présentation du véhicule de glisse hypersonique Yu-71 (c’est-à-dire Objet 4202) De nouveau, ce n’est pas vraiment un sujet non couvert par les médias et vous pouvez trouver de nombreux articles décrivant ce qu’est un véhicule de glisse hypersonique (VGH) et comment il peut être utilité (le meilleur article que j’ai pu trouver en anglais est celui de Global Security, intitulé « Objekt 4202 / Yu-71 / Yu-74 »). Voici un résumé de ce que nous pensons savoir sur ce VGH : Ce dernier point est très intéressant. Il signifie qu’étant données les vitesses atteintes par le VGH Yu-71, il n’est pas nécessaire de l’équiper d’une ogive conventionnelle (hautement explosive) ou nucléaire. L’énergie cinétique générée par sa grande vitesse est suffisante pour produire une explosion semblable à celle d’une grosse ogive conventionnelle ou d’une petite ogive nucléaire. Et maintenant, rassemblons tout ça Avez-vous noté les similarités entre le missile Zircon et la combinaison Sarmat + Yu-71 ? Dans les deux cas, nous avons : Il est surprenant de constater que tandis que les décideurs américains discutaient de leur programme de Prompt Global Strike (frappe planétaire surprise), les Russes ont effectivement développé leur propre version de cette capacité, beaucoup plus rapidement que les États-Unis et pour une fraction du coût. Ce sont des moyens idéaux pour « amener la guerre à domicile » et encourager un pays, qui jouissait d’une impunité totale quant à sa politique, à penser sérieusement aux conséquences de chercher des noises à la mauvaise cible. Pour rendre les choses potentiellement encore plus dangereuses pour les États-Unis, la géographie même, qui les a protégés si longtemps, est en train de devenir une vulnérabilité majeure. Actuellement, 39% de la population américaine vit dans des comtés situés directement sur les côtes. En fait, la densité de la population dans les comtés du littoral est plus de six fois supérieure à celle des comtés intérieurs correspondants (source). En 2010, le Bureau du recensement américain a publié un rapport fascinant intitulé “Coastline Population Trends in the United States : 1960 to 2008” (Tendances de la population côtière aux États-Unis : 1960 à 2008), qui montre que les comtés côtiers fournissent une « concentration intense d’activité économique et sociale ». En fait, un très grand nombre de villes américaines, de centres industriels et de liens économiques sont situés près de la côte, faisant d’eux des cibles idéales pour les frappes de missiles de croisière conventionnels qui pourraient être lancées depuis de très grandes distances (y compris à partir du large). Et nous ne parlons pas de missile de croisière futur, hypothétique, nous parlons des mêmes missiles de croisière Kalibr que les Russes ont utilisés contre les Takfiris en Syrie. Regardez cette vidéo très bien faite qui explique comment les missiles de croisière Kalibr peuvent être dissimulés quasiment n’importe où et utilisés avec des effets dévastateurs sur des cibles militaires et / ou civiles : En réalité, le territoire des États-Unis est extrêmement vulnérable à toute forme d’attaque. Ce n’est qu’en partie dû aux progrès russes en termes de technologie militaire. Par exemple, les pratiques de fabrication ou de livraison « juste à temps » destinées à minimiser les coûts et les stocks sont extrêmement dangereuses du point de vue de la stratégie militaire, car il faut très peu de perturbations (par exemple dans le réseau de distribution) pour provoquer des conséquences catastrophiques. De même, la concentration élevée de certaines industries dans des zones spécifiques des États-Unis (le pétrole dans le golfe du Mexique) ne fait qu’affaiblir davantage la capacité du pays à prendre des mesures punitives en cas de guerre. La plupart des Américains qui regardent la TV rejetteront tout ce qui précède en disant que « celui qui viendra nous emmerder, nous lui botterons le cul » ou quelque chose d’aussi raffiné. Il y a quelque vérité là-dedans. Mais ce que cette mentalité indique également, c’est une totale incapacité à agir dans un scénario où la dissuasion a échoué et où « l’autre type » vient vous chercher. Cette mentalité est l’apanage des civils. Ceux qui sont chargés de la défense de leur pays ne peuvent tout simplement pas penser de cette manière et doivent regarder au-delà du « seuil de dissuasion ». Ils seront ceux à qui on demandera de réparer le désordre sanglant quand les civils auront morflé. Georges Clemenceau aurait dit un jour : « La guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des militaires. » Je crois que c’est l’exact opposé qui est vrai, la guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des civils, en particulier les néocons américains (dont la grande majorité n’a jamais revêtu l’uniforme) qui prétendent toujours que la prochaine guerre sera facile, sûre et indolore. Vous souvenez-vous de Ken Adleman et de sa célèbre promenade de santéen Irak ? Le même genre de racaille est au pouvoir aujourd’hui et ils veulent nous faire croire que la prochaine guerre sera aussi une promenade de santé, ou qu’être sur une trajectoire de collision à grande vitesse avec la Russie est une chose que les États-Unis peuvent se permettre et dans laquelle, par conséquent, ils devraient s’engager. L’effet combiné du mythe de la supériorité militaire américaine résulte dans un sentiment américain de détachement ou même d’impunité, qui n’est adossé à aucune réalité. Je souhaite seulement ardemment que le peuple des États-Unis ne découvre jamais à quel point il se trompe. Entretemps, le chef d’état-major russe, le général Gerasimov, a annoncé que la Russie a achevé ce qu’il a nommé un « système de dissuasion non nucléaire » basé sur les missiles Iskander-M, Kalibr et X-101. Selon le général Gerasimov, les forces armées russes détiennent aujourd’hui suffisamment de systèmes de haute précision pour frapper n’importe quelle cible jusqu’à une portée de 4 000 km. De plus, Gerasimov a déclaré que le nombre de plateformes capables de lancer ces missiles s’est multiplié par douze tandis que le nombre de missiles de croisière de haute précision a augmenté d’un facteur de 30. Le général Gerasimov a également expliqué que les capacités combinées du missile de croisière Kalibr, du système de missiles de défense côtière mobile Bastion et du système de défense aérienne S-400 ont permis à la Russie de contrôler totalement l’espace aérien et maritime de la mer Baltique, de celle de Barents, de la mer Noire et de la Méditerranée (vous parlez d’une zone de déni d’accès A2AD !). Gerasimov a conclu son exposé en disant que « le développement d’armes de haute précision a permis de faire passer le poids principal de la dissuasion stratégique des forces nucléaires aux forces non nucléaires ». Pour évaluer complètement les implications de ce qu’a dit Gerasimov, considérez ceci : la dissuasion est, par définition, l’acte de décourager une action ou un événement en instillant le doute ou la peur des conséquences. Donc ce que dit vraiment Gerasimov est que la Russie possède suffisamment de capacités conventionnelles, non nucléaires, pour infliger des conséquences inacceptables aux États-Unis. C’est quelque chose d’absolument nouveau, qui fait fondamentalement changer les règles du jeu. Plus important, c’est la déclaration officielle, par un haut responsable russe, que les États-Unis n’ont aucune supériorité technologique et qu’ils sont vulnérables à une contre-attaque dévastatrice, même conventionnelle. En une seule petite phrase, le général Gerasimov a mis fin aux deux mythes les plus importants de la théorie géostratégique américaine. Gardez à l’esprit que, contrairement à leurs homologues américains, les Russes aiment généralement sous-évaluer leurs capacités militaires. Vous verrez les médias russes se vanter que les systèmes d’armement russes sont « tout à fait géniaux et les meilleurs au monde », mais le personnel militaire en Russie cultive le secret et sous-estime ses réelles capacités face à l’ennemi. En outre, alors que les jeunes officiers peuvent dire presque tout ce qu’ils veulent, les officiers importants sont tenus à des règles très strictes et doivent peser soigneusement leurs mots, en particulier les officiers d’active. Donc lorsque le chef d’état-major déclare officiellement que la Russie possède maintenant une capacité de dissuasion stratégique conventionnelle – vous pouvez le croire. Hélas, les médias occidentaux sont toujours empêtrés dans le mode « idiot congénital »que nous avons constaté pendant le passage du porte-avion russe Amiral Kouznetsov de l’Atlantique Nord à la Méditerranée : d’une part, le navire était présenté comme un vieux rafiot rouillé, tandis que d’autre part, les forces de l’OTAN le filaient comme s’il était sur le point de frapper Londres. De même, les politiciens étasuniens présentent la Russie comme une « station service de carburants » tout en affirmant, en même temps, que cette « station service » a la capacité de décider qui sera l’occupant de la Maison Blanche. Ce genre de déclaration n’est pas seulement inutile, c’est extrêmement dangereux. D’une part, les positions style « les Russes sont des brutes arriérées » favorisent les attitudes arrogantes et présomptueuses. D’autre part, parler en permanence de fausses menaces russes provoque la situation très dangereuse de « crier au loup », dans laquelle toutes les menaces russes possibles (y compris très réelles) sont rejetées comme de la pure propagande. Évidemment, la réalité est tout à fait différente et très simplement binaire : la Russie ne représente absolument aucune menace pour les États-Unis, ni pour personne d’autre (y compris les trois mini-États baltes). Mais si un politicien occidental décide qu’il est plus intelligent et plus fort que Napoléon ou Hitler et qu’il finira par mettre les Russes à genou, alors lui et son pays seront détruits. C’est vraiment aussi simple que ça. The Saker
Aparté
Si le sujet de la capacité de survie des porte-avions vous intéresse, consultez cet article russe traduit par un membre de notre communauté, c’est un exemple typique de la manière dont les Russes ne croient pas une seconde que ces navires américains soient des cibles si difficiles à détruire.