2003: Jean Charest promet en campagne électorale de ne pas hausser les frais de garde en CPE, alors à 5 $. Quelques mois après avoir pris le pouvoir, son gouvernement annonce toutefois une hausse de 2 $.
2014: Philippe Couillard, en campagne électorale, s'oppose à la hausse de tarifs de garde à 9 $ annoncée par le gouvernement Marois. Il parle d'un « choc tarifaire pour les familles » et s'engage à indexer les tarifs. Quelques mois plus tard, son gouvernement envisage une forte augmentation des tarifs de garde, pouvant atteindre 20 $, selon le revenu des parents.
Nous nous sommes malheureusement habitués aux promesses brisées par les partis politiques qui courtisent les familles et la classe moyenne avant les élections, pour mieux les flouer après. Cela ne rend pas plus acceptable la volte-face de Philippe Couillard, d'autant qu'à la hausse tarifaire envisagée s'ajoute le principe de modulation selon le revenu, qui mettrait fin à l'universalité du programme des garderies subventionnées.
Le Parti libéral qui, sous Jean Charest, se vantait d'avoir fait du Québec le « paradis des familles » s'apprête ainsi à mettre fin au principe fondamental de ce régime. Sans surprise, le regroupement des garderies privées non subventionnées applaudit.
Après son accession au pouvoir, en 2003, le gouvernement Charest avait aussi pensé à instaurer un régime de frais modulé selon les revenus, mais l'idée avait été rejetée au nom du principe de l'universalité.
Il semblerait que le gouvernement Couillard appliquera le même principe de modulation selon le revenu au programme de procréation assistée, lui aussi dans le tordeur budgétaire. Les libéraux sont donc en train d'instituer un nouveau principe: des services publics payants en fonction du revenu.
Si Philippe Couillard voulait instaurer de tels changements fiscaux et tarifaires, il aurait dû en aviser les Québécois en campagne électorale. Il aurait pu, au moins, s'abstenir de courtiser les familles en promettant de s'en tenir à l'indexation des frais de garde.
L'affaire est grave parce qu'il ne s'agit pas ici d'une simple hausse de tarifs, mais bien d'un profond changement dans la relation entre le gouvernement et les contribuables. Notre société fonctionne en vertu d'un « deal » entre l'État et le citoyen: plus vous gagnez d'argent, plus vous payez des impôts, mais tous, indépendamment du salaire, ont droit aux mêmes services au même tarif. Le gouvernement Couillard veut briser ce « deal ».
Lors de la dernière campagne électorale, Philippe Couillard et ses candidats économiques nous promettaient un « effet libéral » advenant leur élection. Près de sept mois plus tard, le seul effet réel qu'on ressent, c'est une panique pré-budgétaire, un genre de « syndrome de la compression » qui se répand à vitesse grand V dans tout l'appareil d'État et chez les contribuables.
M. Couillard s'était aussi engagé à ne pas augmenter le fardeau fiscal des Québécois. Allez dire cela aux parents qui ont des enfants dans un CPE...
Pas une journée ne passe sans qu'une nouvelle rumeur ne sorte dans les médias, qu'un nouveau ballon d'essai politique ne soit lancé, qu'une décision controversée ne soit débattue, démentie ou confirmée à Québec. Le gouvernement Couillard voudrait inquiéter la population (en particulier les citoyens les plus vulnérables de la société) et provoquer la mobilisation massive des syndicats et des groupes sociaux qu'il ne s'y prendrait pas différemment.
Cette mobilisation pourrait d'ailleurs être alimentée par un parti-pris évident de ce gouvernement pour le secteur privé, notamment les écoles privées, épargnées très rapidement de la ronde des « efforts budgétaires » par le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc. Il y a eu aussi, quoiqu'il ne s'agit pas ici d'une décision budgétaire, cette étrange entente avec une école hassidique jugée illégale, mais qui pourra néanmoins poursuivre ses activités religieuses.
Certains groupes, c'est bien connu, jouissent d'un pouvoir de persuasion plus fort et obtiennent plus facilement une oreille attentive à Québec. Ce n'est malheureusement pas le cas de la majorité des contribuables, qui voient s'approcher la prochaine ronde de compressions comme un météorologue voit la prochaine tempête se former sur les écrans radar.
En plus de briser une importante promesse électorale, le gouvernement Couillard se lance dans des réformes majeures sans avoir fait ses devoirs. Puisque ce gouvernement a mis sur pied un comité sur la fiscalité, pourrait-il brosser le portrait juste des contribuables québécois? Qu'est-ce que la classe moyenne? Quel poids fiscal fait-on porter à cette classe moyenne? Qui est riche? Quelle est la capacité réelle de payer des familles? Quel est leur niveau d'endettement? Leur avenir financier et leur préparation à la retraite? Le gouvernement semble croire qu'une famille dont le revenu annuel tourne autour de 75 000 $ a largement les moyens d'absorber de nouvelles hausses. Il serait temps de laisser de côté les tableaux statistiques et d'aller parler au vrai monde, question d'en apprendre un peu sur les « vraies affaires ».
Philippe Couillard, neurochirurgien devenu premier ministre, ne pratique plus depuis des années, mais il semble avoir gardé ses vieux réflexes de médecin spécialiste.
En gros, il dit aux Québécois: relaxez, je vais vous endormir, je vais couper quelques morceaux et vous verrez, tout ira mieux lorsque vous vous réveillerez.
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