Le 1er février 2010, nous publiions un article traitant des annulations de dettes et de suspensions de paiement dans le passé, aussi bien à propos de pays du Nord que de pays du Sud. Aujourd’hui, nous actualisons cet article en s’appuyant sur les succès récents accomplis par l’Equateur et l’Islande.
Dans un premier temps, nous relations d’une première forme de non-paiement de dette par l’intermédiaire des ‘répudiations de dette’ à travers les exemples des Etats-Unis, de l’URSS et du Mexique de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle qui consistaient essentiellement en un refus de payer les dettes des anciens régimes au pouvoir. De même, nous traitions des suspensions de dette issues d’un ‘arbitrage favorable’, soit après négociations entre les pays concernés (Cuba), soit après l’intervention d’une organisation intergouvernementale (la Turquie et la Cour Permanente d’Arbitrage de la Haye), soit après qu’une décision judiciaire nationale ait été rendue (le Costa Rica et la Cour Suprême américaine). Aussi, dans le cadre d’un rapport de force ‘Nord-Sud’, nous abordions les annulations concédées par les puissantes dominantes, deux suites aux dégâts majeurs causés par les guerres mondiales (la Pologne en 1918, l’Allemagne en 1953), et deux dans des conditions similaires issues de l’apartheid sud-africain (la Namibie en 1995, le Mozambique en 1999). Enfin, dans une dernière partie, nous dressions les différentes initiatives des PED menées depuis 1985 en matière de suspension de paiement de la dette depuis l’exemple de Cuba en 1986 jusqu’à l’Argentine plus récemment en passant par la tentative d’établir un front commun contre le paiement des dettes coloniales lancée par Thomas Sankara lors de son discours à Addis-Abeba en 1987 devant l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA).
Aujourd’hui, nous actualisons cet article en s’appuyant sur les succès récents accomplis par l’Equateur et l’Islande. Alors qu’ils étaient notamment menacés par leurs créanciers de ne plus pouvoir accéder aux marchés financiers, ces deux pays ont pris, sous des formes différentes, la décision unilatérale de ne pas céder à leurs exigences, et pourraient faire figure à l’avenir de nouveaux modèles à suivre pour les pays se trouvant sous l’emprise de leur dette et de leurs créanciers.
L’Equateur :
L’Equateur a suspendu unilatéralement le remboursement d’une partie de sa dette publique sous forme de titres et a imposé aux créanciers un rachat au rabais. Cet acte ne constitue pas en soi une véritable restructuration de sa dette d’abord car il n’y a pas eu d’échanges de titres, et surtout parce que il y a pas eu de négociation avec les créanciers.
Sept mois après avoir été élu, le président équatorien Rafael Correa a décidé de faire procéder à une analyse de la dette du pays et des conditions dans lesquelles elle s’était constituée. À cette fin, une commission d’audit de la dette (CAIC) composée de 18 experts, dont le CADTM faisait partie, a été mise en place à partir de juillet 2007. Après 14 mois de travail, un rapport a été remis. Il montrait notamment que de nombreux prêts avaient été accordés en violation des règles élémentaires.
En novembre 2008, le nouveau pouvoir, prenant appui sur ce rapport, a décidé de suspendre le remboursement de titres de la dette venant à échéance les uns en 2012, les autres en 2030. Finalement, le gouvernement de ce petit pays est sorti vainqueur d’une épreuve de force avec les banquiers nord-américains détenteurs de ces titres de la dette équatorienne. En effet, il a racheté pour 900 millions de dollars des titres, appelés ‘bonos Global 2012-2030’, valant 3,2 milliards de dollars, soit une décote de 65% par rapport à la valeur initiale. Si on prend en compte les intérêts que l’Équateur ne devra pas verser puisqu’il a racheté des titres, qui arrivaient à échéance en 2012 ou en 2030, le Trésor public équatorien a économisé en tout environ 7 milliards de dollars. Cela a permis de dégager de nouveaux moyens financiers permettant au gouvernement d’augmenter les dépenses sociales dans la santé, l’éducation, l’aide sociale et dans le développement d’infrastructures de communication.
En définitive, cette suspension unilatérale a été dans l’ensemble très profitable puisque malgré les inquiétudes préalables, cela n’a pas empêché l’Équateur d’avoir de nouveaux accès aux marchés financiers, bénéficiant même de taux d’intérêts beaucoup plus favorables que des pays ayant procédés à une renégociation avec leurs créanciers comme l’Argentine ou le Venezuela (7% pour l’Équateur contre 12 à 15% pour ces derniers).
L’Islande :
L’Islande a été l’un des premiers pays balayés par la crise financière de 2007-2008 qui a provoqué l’effondrement de leur système bancaire privé. Les trois principales banques du pays, privatisées en 1999, s’étaient développées en se lançant dans des activités hasardeuses, à tel point que le bilan des banques islandaises était plus de 10 fois supérieur à la production annuelle de richesse islandaise. L’une d’elles, Lansbanki, avait créé une branche, Icesave, qui offrait une rémunération alléchante pour les comptes courants ouverts en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
Lors de la débâcle de 2008, la banque a fait faillite. Les gouvernements hollandais et britannique sont intervenus pour protéger l’épargne de leurs citoyens, et se sont ensuite retournés contre les autorités islandaises pour être remboursés des 3,9 milliards d’euros engagés. Par deux fois, la population s’est mobilisée pour manifester son refus de payer cette dette. Par deux fois, devant la pression de la rue, une loi votée au Parlement pour le règlement du différend, a été soumise par le président à référendum et rejetée massivement (à 93% lors du référendum de mars 2010 et à près de 60% lors de celui d’avril 2011). C’est donc bien sous le poids de la pression populaire que les autorités islandaises ont mis en faillite ces institutions bancaires privées.
Bien que cela est conduit à une fin de non-recevoir pour les gouvernements britanniques et néerlandais, l’Islande n’a depuis subit aucunes représailles. Par ailleurs, afin d’éviter une fuite massive de capitaux, ces derniers ont tout bonnement était soumis à un contrôle total par les autorités islandaises.
Dans le cas de l’Islande, il ne s’agit donc pas non plus de restructuration de dette, mais bien d’un acte unilatéral souverain de refus de payer des indemnités réclamées par deux puissances économiques beaucoup plus fortes qu’elle. Pourtant, là encore, l’Islande a connu par la suite un regain économique particulièrement supérieur aux pays européens étant notamment rentrés dans des procédures de négociation.
Remi Vilain , Eric Toussaint , Damien Millet
http://cadtm.org/Des-exemples-de-suspensions
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