NOTE : le dossier BILAN CHAREST du mois de mars est disponible pour les abonnés de L'Action nationale
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ÉDITORIAL
Ottawa a totalement confisqué l'avenir du Québec. La décision de Stephen Harper de déposer un budget en pleine campagne électorale dévoile de la manière la plus crue la véritable logique politique dans laquelle est désormais enferré le Québec. Manœuvre à l'évidence planifiée avec le concours du gouvernement Charest, le geste témoigne non seulement de la plus sournoise médiocrité politicienne mais encore et davantage de la conduite de reddition des inconditionnels du Canada qui sont en train de «normaliser» la politique québécoise.
Pour se maintenir au pouvoir, les libéraux du Québec couchent avec les maîtres-chanteurs. Plus clairement et plus radicalement que jamais, ce parti et ceux qui le dirigent auront fait le choix de livrer notre peuple. C'est une politique de la dépendance et de la soumission qu'ils pratiquent désormais sans retenue, sans enrobage idéologique. Ils veulent gérer le Québec selon les exigences d'Ottawa. Et ne reculeront devant rien pour succursaliser notre Assemblée nationale.
Les menaces brandies par Jean Charest au début de la campagne au sujet des mesures de rétorsion financière en cas de victoire péquiste n'avaient rien d'un abus de langage. Notre Premier sous-ministre disait la vérité. Ces scénarios ne sont pas de la politique fiction. Ils sont prêts. Au lendemain du référendum volé, Ottawa a clairement entrepris de déstabiliser les finances publiques du Québec. Et cela se poursuit de plus belle avec un faucon qui agira avec une détermination plus grande encore que celle de Chrétien pour briser le Québec, pour casser sa capacité de cohésion nationale. Les propos de Charest n'avaient que la maladresse d'être trop explicites. Il ne les a pas tant retirés d'ailleurs, qu'il n'a cherché à engluer ce qui ressortait d'évidence : son consentement, pour ne pas dire sa complicité active. Ce gouvernement de la petitesse n'en finit plus de brader l'intérêt national pour mieux garder le Québec en laisse. Qu'a-t-il cédé en retour des faveurs du maître du jeu ?
C'est Ottawa qui, désormais, fixe les paramètres de la politique québécoise. Les trois grands partis en lice sont totalement à la remorque des choix et du cadre financier qu'imposera au Québec le gouvernement conservateur. Plus que jamais, gérer la province signifiera s'accommoder de ce que le Canada lui laisse. Ce consentement à la dépendance se drapera dans les satisfecit à propos du déséquilibre fiscal. On les entend déjà ces inconditionnels du Canada se réjouir de la générosité dont Harper fera preuve à l'égard de la province avec notre argent. On les devine les exclamations sur les perspectives nouvelles qui s'ouvrent, on les sait d'avance les nuances que les beaux-esprits vont nous faire à nous présenter tout ça comme un début de commencement, comme une preuve que cela va finir par s'améliorer et qu'il vaut la peine de continuer de quémander.
En se présentant devant l'électorat avec un programme de bon gouvernement le Parti québécois s'est totalement laissé ficeler. En quoi se démarquera-t-il de Charest ? Par des choix différents dans l'allocation de ce qu'Ottawa nous autorise à faire de nos impôts ? Pour mieux aménager notre dépendance ? Pour tenter en vain de limiter les dégâts, à coup sûr - et c'est louable - mais ce n'est pas là prendre l'offensive. Bourgault disait qu'il faut viser le pouvoir, non pas pour faire mieux mais pour faire autre chose.
C'est une campagne dont on aura évacué le sens du réel. Les partis provinciaux sont captifs du simulacre et ne débattront que pour faire semblant, en attendant que, la dernière semaine venue, l'ordre du possible soit déterminé. Ailleurs et par d'autres.
Dans ce contexte, il n'est guère étonnant de constater la perplexité de l'électorat dont les sondages font état. Au moment d'écrire ces lignes - début mars - les choix semblent encore bien volatiles. On pourrait s'épancher longtemps sur les statistiques électorales et les scénarios des sondeurs. La chose essentielle pourtant, c'est que cette campagne électorale se déroule dans atmosphère de fin d'époque. Toute notre classe politique s'y révèle en porte-à-faux, incapable de se tenir à la hauteur des exigences historiques. Le seul résultat certain, c'est que le Québec va en sortir affaibli plus que jamais. Non pas tant divisé contre lui-même qu'instrumentalisé au service de la politique des autres.
La minorisation et son cortège de médiocrité sont en marche. Cette campagne électorale se déroule sur l'acceptation béate du fait que le Québec tout entier reconnaît choisir son gouvernement en renonçant par avance à définir les finalités, en consentant à inscrire ses priorités dans l'ordre des moyens qu'on lui dicte. Toute sa classe politique accepte de composer avec un cadre et des paramètres idéologiques que le Québec ne contrôle plus. Y compris le PQ. On ne pouvait en trouver plus triste illustration, cette campagne montre bien que le mouvement d'émancipation nationale a perdu l'initiative historique. Ployant sous une guerre de propagande et des manœuvres d'étranglement financier, la nation ne débat plus pour elle-même et sur son avenir, elle est enfirouâpée dans la rhétorique alors que le centre de gravité de sa politique ne se trouve plus à l'Assemblée nationale.
La nation ne se représente plus elle-même dans la maîtrise du terrain de sa lutte. Cela illustre de façon cruelle jusqu'à quel point le PQ a gaspillé son temps de réflexion. Ses déboires électoraux ne sont qu'une conséquence d'une conduite erratique eu égard à son option et à l'ensemble des tâches qu'il aurait dû faire pour la garder au centre de la définition de la situation. Il a été incapable de tenir une critique du régime dans les catégories de son option, se perdant dans la plomberie du déséquilibre fiscal, de la péréquation, etc. En politique le manque de discipline intellectuelle se paie cher. À l'évidence, ce parti s'est présenté dans cette bataille dans un état d'impréparation idéologique que ses habitudes et sa culture velléitaires ont aggravé. Il n'a pas su profiter de son passage dans l'opposition pour repenser globalement son approche dans la nouvelle conjoncture.
Il s'est contenté d'un étapisme revampé, manière encore de ne pas nommer le véritable rapport d'adversité et de s'imaginer pouvoir voguer vers un autre référendum sans qu'Ottawa n'intervienne pour le déstabiliser. Refusant de poser le conflit des légitimités, il est resté englué dans une approche bonne-ententiste qui l'empêche de poser clairement les rapports de force et, du coup, de mobiliser en faisant appel au dépassement et en pointant des enjeux concrets de politique nationale. Il est resté prisonnier de la gestion provinciale et n'a pu tenir d'autre discours que celui du bricolage des moyens au lieu d'en appeler à ce que l'intérêt national requiert. L'idéal qu'il brandit, les aspirations à l'indépendance qu'il cherche à incarner ne sont pas en phase avec le contexte électoral parce qu'il a fait des choix qui donnent trop de prise à la définition de la situation qu'Ottawa impose et qui sont très bien relayés par des phalanges d'inconditionnels qui peuvent compter sur l'effarante indigence du commentaire médiatique.
La donne est désormais simple, même si elle n'est pas réjouissante : les indépendantistes doivent choisir la voie qui leur apparaîtra fournir le plus de possibilités de reprendre l'initiative historique. En acceptant de manigancer avec Harper et en jouant de la menace pour mieux souscrire à la politique de la rétorsion, le Parti libéral a franchi un seuil au-delà duquel sa loyauté au Québec est à jamais entachée. C'est le parti de la servilité. Il ne faut pas qu'il revienne au pouvoir.
L'Action démocratique, pour sa part, ne préfigure que la politique dans un espace folklorisé. Mario Dumont est un politicien retors qui n'hésite devant aucune manœuvre clientéliste et son parti ne coalisera que l'insatisfaction, le désarroi et l'impuissance. Il ne faut pas sous-estimer la part de l'électorat qui loge à cette enseigne. Un peuple ne régresse pas dans l'élégance et l'exaltation : il se replie dans ses doutes, se console dans les fanfaronnades et ratatine dans la confusion et une médiocrité que l'ADQ nous sert avec la fausse assurance des peureux qui sifflent dans les cimetières.
Quant à Québec solidaire, même s'il sert quelques idées généreuses, il ne s'est guère affranchi de ce qu'il reproche au PQ et ne propose comme démarche de sortie du Canada qu'une longue promenade sur les boulevards de la parlote. Le programme de ce parti reste en phase avec la politique velléitaire qui a contaminé le combat national. Il nous renvoie encore aux palabres, se berçant lui aussi des mirages étapistes voulant que la politique d'émancipation se conduise à coups d'argumentaires pimentés des récentes modes pédagogiques.
Ni le PQ, ni Québec solidaire n'ont abordé cette campagne en proposant une politique nationale comme alternative à la gestion provinciale. Tous deux s'imaginent faire combat en négligeant le fait fondamental qu'en politique, le meilleur argument, c'est l'intérêt, c'est lui seul qui mobilise vraiment. Et notre intérêt, il est national et ne se peut définir que dans l'espace de la rupture. Les problèmes qui déboulent maintenant ne se règleront pas avec les solutions bricolées auxquelles Ottawa nous condamne, même au lendemain d'un budget « généreux ». Plus le temps passe et plus les redressements seront difficiles et coûteux, la politique fédérale désarticulant nos structures sociales et économiques en dépouillant le Québec de ses leviers et en sapant ses capacités stratégiques (les ports, les aéroports, les centres de recherche, les infrastructures industrielles, etc.). Il aurait fallu faire campagne sur ce qu'il faut amorcer maintenant pour préserver l'avenir, pas pour respecter les consignes canadian. On nous refait le coup des civières...
En composant, sous couvert de pragmatisme, avec le cadre fixé par Stephen Harper, les souverainistes se sont condamnés à gigoter dans l'incantatoire et à s'agiter dans le virtuel, dans la promesse d'un programme national qui ne saurait être défini qu'au lendemain d'un éventuel référendum. D'où l'étrange climat d'irréel qui marque cette campagne. D'où également l'immense frustration qu'elle engendre dans tout l'électorat et chez les indépendantistes en particulier.
Il y a un risque réel que le parti des abstentionnistes choisisse encore le gouvernement, comme cela s'est passé en 2003. Il faut rappeler que la politique du pire ne servira pas notre intérêt national. En dépit de toutes ces vicissitudes et du risque véritable qu'il ne soit qu'un parti en sursis, le PQ apparaît dans les circonstances comme le moins mauvais choix à faire pour éviter de se laisser totalement enfermer dans la politique minoritaire. Il apparaît encore comme le véhicule qui offre, à court terme, le plus de chances de reprendre l'initiative historique. C'est encore avec lui, presque malgré lui, qu'il demeure encore possible d'organiser une riposte véritable, pour autant qu'il soit possible de l'arracher à la mollesse idéologique et à l'étapisme auquel il se cramponne. Ce n'est pas assuré, loin de là. Mais on peut toujours miser sur la réaction que déclencherait à Ottawa son élection, une réaction qui lui couperait court les candides illusions d'un long chemin tranquille vers un autre référendum et qui ouvrirait un espace politique pour le combat indépendantiste.
Souhaitons que la frousse qu'il éprouve en ce début de campagne lui soit salutaire, peu importe la suite des choses.
Les Québécois ne prennent pas encore la mesure de ce qui s'annonce quant à leur destin dans le Canada. L'ampleur des problèmes qui confrontent notre société conjuguée à la vigueur de l'offensive que nous prépare Ottawa ne nous laissera pas des décennies pour réagir en temps utile. La présente campagne ne parviendra pas, de toute évidence, à faire comprendre et évaluer la nature des urgences. Il faut donc voter en pensant à la prochaine fois. Dans la claire conscience que le temps nous est compté.
Des élections sous tutelle
Ottawa a totalement confisqué l'avenir du Québec.
Chronique de Robert Laplante
Robert Laplante173 articles
Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]
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