1 – » Macron m’a tuer «
Deux attentats viennent de bouleverser la vie des Français. Deux destins ont explosé sur le devant de la scène. D’une part, un attentat intérieur a révélé la grandeur d’un homme qui, par un acte de bravoure et de folle générosité a illuminé bien des Français. D’autre part, un pseudo attentat contre un ex-agent double russe dans une petite bourgade anglaise – ou plutôt une mise en scène qui, visiblement, oscille entre la comédie et la mauvaise littérature policière – pseudo-attentat, donc, qui a ébranlé en profondeur, bien que d’une manière encore peu visible aux yeux des ignorants, les fondements et les frontières non seulement de la République, mais de l’Europe tout entière. « Macron m’a tuer ».
Dans un premier temps, les Français ont entendu le responsable de la parole présidentielle demander du moins la prudence face à des accusations exorbitantes des Anglais à l’encontre de la Russie. Il convenait, disait-il, d’attendre l’issue d’une enquête impartiale afin d’identifier le coupable. Mais il n’a pas fallu vingt-quatre heures pour que nous assistions, incrédules, à une rotation à cent quatre-vingts degrés de la position de la France. Sans la moindre explication le Président Macron a pris la tête des accusateurs sans preuve de la brochette d’une vingtaine d’Etats européens sur vingt-sept qui, avec une unanimité touchante et qui tient du miracle, se sont mis à chanter en chœur et sur tous les tons : « La Russie est très probablement coupable ».
Tout est dans le « très probablement » qui signe irréfutablement la manipulation et l’impossibilité de donner un minimum de vraisemblance à une scène dans laquelle nous avons vu deux enquêteurs vêtus de combinaisons de martiens, destinées à les protéger des vapeurs mortelles et perfides du gaz « très probablement » fabriqué par les méchants russes et répandu sur un père et sa fille qui se reposaient innocemment sur un banc public. En effet, les scientifiques chargés du prélèvement de la substance vénéneuse étaient accompagnés, comme le montre l’image officielle diffusée sur internet, par trois policiers anglais stationnés à moins d’un mètre du lieu prétendument infecté mais simplement revêtus, eux, d’uniformes classiques. Ils portaient certes un casque, mais leur visage découvert était apparemment insensible au redoutable novitchok !
Il convient de remarquer que, préalablement à la moindre enquête, les officiels anglais connaissaient, par la vertu d’un second miracle en course sur les talons du premier, le nom de la substance chimique utilisée. Novitchok évoque par homophonie Kazatchok, le nom d’une danse russe. Oyez, bonnes gens, le nom est russe, le coupable est russe. Personne n’a trouvé suspect que les Anglais connaissent si bien le nom et les effets de ce poison alors que l’enquête n’avait même pas commencé.
Bien qu’il fût censé s’agir d’une substance destinée à provoquer des crimes de masse, les consignes officielles distribuées à la population environnante afin de se prémunir de la contagion se résumaient à se munir de lingettes! Enfin, depuis ce dramatique épisode, personne n’a eu de nouvelles fiables des présumées victimes – toujours vivantes – mais le consul de Russie à Londres s’est vu interdire le droit de rendre visite à la jeune citoyenne de la Fédération de Russie Yulia – comme le prévoit le droit international!
2 – Les créateurs de » fake news »
C’est pour mémoire que je rappelle cette accumulation de détails invraisemblables. Ils appellent deux remarques. La première est que cette affaire illustre de manière idéale le mode d’emploi de la fabrication de fausses nouvelles aujourd’hui dénommées Fake News. Nous avons découvert in vivo dans quelles arrière-cuisines sont concoctées les nouvelles fabriquées ex nihilo et dans quels chaudrons mijotent les fameux « Fake News » dont nous voyons que les Etats en sont les principaux créateurs et qu’ils répandent au gré de leurs intérêts sur la planète entière.
La seconde remarque consiste à analyser le processus de l’emballement et de l’hystérie préalable à l’accusation, tous deux nécessaires à la réussite de l’opération. C’est là que le grégarisme, appelé également solidarité européenne, joue le rôle décisif que les chefs d’orchestre anglo-saxons savent utiliser avec la maestria qui est la leur dans leur maniement alternatif de la carotte et du bâton.
La réussite est au rendez-vous grâce au constat que la bureaucratie européenne a tué à la fois le désir d’indépendance des nations et le souvenir de leur ancienne souveraineté. L’Union Européenne a transformé les Etats qui la composent en eunuques d’une fausse Chapelle Sixtine de la démocratie. Blottis en un conglomérat sans boussole et sans destin, ils sont devenus une sorte de poulpe qui se meut mollement, dans lequel émergent ici ou là des ilots plus fermes, mais sur l’ensemble duquel le pouvoir grossier et brutal des USA – ou celui des loups-garous de la perfide Albion – ont pu efficacement mettre la main et le diriger à leur guise.
3- En marche arrière
Comment le peuple français a-t-il pu tomber subitement dans le triple piège de la sottise, de la lâcheté et du déshonneur? Comment l’alliance de la sottise avec le grégarisme fonctionne-t-elle? Pour tenter de le comprendre, il faut observer que sous la direction d’un Président de la République censé « en marche« , la France est soudainement tombée à bras raccourcis et à coups renouvelés sur son ami le plus fidèle depuis trois siècles , celui qui, avec Frédéric II, puis aux côtés de la Grande Catherine, avait aidé Diderot à conduire jusqu’à son terme la grande aventure de l’Encyclopédie.
Souvenons-nous qu’à l’heure où, pour la première fois de son histoire, la France présente le spectacle d’une civilisation sur le point de perdre la tête, ce n’est pas sa propre tête qu’elle perd, mais celle que, d’ores et déjà un maître étranger a substituée à la sienne. Je lance un bref appel à une prise de conscience de ce qu’il est suicidaire de partir en guerre contre ses amis de trois siècles, et cela sous le sceptre d’un Etat étranger et, de plus, sous la houlette du maître d’une Europe asservie depuis 1945, donc depuis près de soixante-dix ans.
4 – Les nouveaux bourgeois de Calais
Cette fois-ci, nous sommes au bord du gouffre. Un pas de plus et l’abîme happera la civilisation de la raison. Mais, par chance, l’heure du plus grand danger est également celle où la raison est condamnée à son exploit le plus mémorable. Quand l’empire guerrier qu’on appelle l’OTAN expulse subitement une centaine de diplomates russes, quand, après une rencontre qui présente tous les signes d’un complot en bande organisée sous la houlette des maîtres anglo-américains, les principaux Etats européens se coalisent afin d’accepter, sans la moindre enquête et donc sans preuve la « très probable » culpabilité russe de l’empoisonnement de son ex-espion, le gouffre est en vue. Alors, nous voyons que, toujours avec le même enthousiasme, les comploteurs se ruent dans l’abaissement collectif et piétinent allègrement leurs législations propres et le droit international.
Puis, dans une honteuse litanie, la vingtaine de conjurés éructent des sanctions contre la Fédération de Russie sous la forme d’expulsions de diplomates, tout en se promettant de faire pire à l’avenir. L’Allemagne se croit aussitôt dans l’obligation absolue d’y voir l’ordre d’expulser quatre diplomates et une France – dont Mme Soljenitsyne se désolait d’avoir à en dénoncer la petitesse et la servitude à la suite de la goujaterie du Président Macron lors de son refus de saluer les écrivains russes présents au salon du livre – la France, donc, expulse elle aussi, quatre diplomates russes, comme pour effacer les ultimes traces de sa grandeur d’autrefois. Il faut sonner le tocsin et se préparer au pire.
Seuls quelques petits Etats européens ont eu l’audace de résister à la meute asservie. Ainsi, la Slovaquie et le jeune Chancelier d’Autriche, Sebastian Kurz, ont eu le courage de publier un communiqué dans lequel ils refusent expressément de suivre la horde des « sanctionneurs« . Mais plus discrètement la plupart des petits Etats de l’Union Européenne ont résisté aux injonctions des grands aboyeurs.
5 – La guerre médiatique contre la Russie
La russophobie pathologique des médias dont l’unanimité ne peut pas être le fait du hasard. Pourra-t-elle conduire un jour au pire si même le montage grotesque de Salisbury donne lieu à la gigantesque comédie géopolitique actuelle? Elle pourrait déboucher, pensent certains, sur un nouveau Sarajevo, dans l’apathie dramatique d’une classe politique muette, terrorisée par le couperet des justiciers médiatiques et d’un peuple désinformé et assommé par le bombardement orchestré de slogans anti-russes?
Le monde moderne est né de l’alliance de la raison avec un esprit critique au combat. Le monde moderne est né de l’évidence que l’intelligence mise sur le droit chemin ne rencontre la logique que par une suite de coups d’éclat. La pensée est un combat soutenu, la conquête du vrai savoir est une guerre de tous les instants face aux pouvoirs et aux obscurantismes du moment.
Quand le chef de l’Etat se veut le pilote de la République laïque, tout en ne combattant que les terroristes hexagonaux, alors que ceux de l’extérieur sont soutenus, qualifiés benoîtement « d’opposants » et qu’un ministre les a félicités de « faire du bon boulot« , le lecteur de mon site ne comprendrait pas que je demeure fidèle à mon habitude d’espacer mes interventions de quinze jours en quinze jours. Je mets donc mon texte en ligne dès ce mercredi 28 mars.
6 – Une lueur d’espoir
L’ultime réconfort : l’histoire de la France est jalonnée de géants de la raison, mais ces géants ont tous été des Titans de la méthode. La semaine prochaine je m’interrogerai sur le génie révolutionnaire de la France. Révolution, révolution, que de balivernes on raconte en ton nom à l’heure où l’on chante les mérites d’une contrefaçon de révolution, celle de mai 1968. Je tenterai de rappeler que les vraies révolutions sont cérébrales par nature et par définition et qu’il nous faut commencer par réapprendre ce qu’est une révolution intellectuelle, donc à en retrouver le souvenir.
Les derniers évènements auront illustré la perversité, les abaissements et les humiliations que recèle la stratégie de la dissuasion par la panique: il aura suffi que le souverain actuel de l’épouvante mondialisée expulse ou fasse expulser une centaine de diplomates russes pour qu’un groupe d’Etats satellisés s’ingénie à lui complaire par une imitation frénétique de son maître entre deux spectacles de sa domestication universelle.
L’esclavage a trouvé un nouveau visage à l’échelle du globe terrestre, et cet esclavage a le visage de l’Europe. En 1830 il avait suffi d’un coup de chasse mouche pour légitimer l’invasion de l’Algérie par la France, parce que l’humanité appartenait encore à une espèce fière de se montrer sûre d’elle-même et dominatrice à l’école de la guerre.
Aujourd’hui l’Europe mène par procuration une guerre de sa lâcheté et de sa sottise et elle découvre que toute sa « bravoure » revient à humilier sans risques un ancien ami au nom des chefs d’un OTAN déchaîné .