À écouter ce que l’on dit actuellement sur les différentes formes d’expression de l’opinion publique, on en viendrait à croire qu’il y a incompatibilité entre la démocratie et l’économie.
Il semble désormais entendu que les manifestations étudiantes et autres concerts de casseroles qui ont ponctué les derniers mois ont causé un tort immense à l’économie québécoise. Il y a deux semaines, des médias affirmaient que des hôteliers, des restaurateurs et des festivals accusaient une chute de 25 %, 40 % et même 50 % de leur chiffre d’affaires. La semaine dernière, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a publié les résultats d’un sondage auprès de ses membres où 11 % des répondants affirmaient avoir subi des pertes moyennes de 12 565 $ en raison du conflit étudiant. Des analystes financiers se sont même risqués à lui attribuer une récente hausse de 0,04 point de pourcentage de l’écart entre les taux d’intérêt réclamés au Québec et à l’Ontario pour financer leurs dettes.
Aux États-Unis, ce sont surtout les élus du Congrès américain qui sont accusés depuis des mois d’empêcher leur pays d’adopter des mesures de relance économique et d’assainissement budgétaire claires et suffisantes. L’an dernier, leurs chicanes partisanes avaient mené à une impasse sur la question du relèvement du plafond de la dette qui s’était traduite par une décote du pays.
C’est toutefois en Europe que l’on entend le plus de critiques à l’endroit de l’opinion publique. Pour plusieurs, il ne fait pas de doute que les pays aux prises avec une crise de leurs dettes souveraines le sont par leur propre faute et doivent maintenant accepter de se soumettre au même grand ménage, bien que la nature et les causes de la crise dans chacun de ces pays soient souvent bien différentes. Toute opposition des populations est interprétée comme le fait de gens aveugles ou irresponsables dont il ne faut pas trop écouter les protestations.
Les Grecs représentent l’archétype de cette vision des choses. Lorsque leur premier ministre, George Papandreou, avait proposé de leur soumettre par référendum un énième plan de sauvetage, les autres gouvernements européens s’étaient empressés de le faire changer d’avis, puis de le faire lui-même remplacer. Tout le monde a poussé un soupir d’exaspération devant l’incapacité des Grecs de former un gouvernement après les élections générales du mois dernier. On craint maintenant que la reprise de ces élections, le week-end prochain, n’amène le rejet des plans d’austérité et l’inévitable sortie du pays de la zone euro avec la réaction en chaîne que cela peut produire.
Faire avec
Au risque de se répéter, rappelons que ces populations ne sont pas les seules responsables de la crise en cours. Que tous ceux qui leur font la leçon aujourd’hui, y compris leurs propres gouvernements, sont ceux-là mêmes qui étaient convaincus d’avoir trouvé la recette du bonheur économique universel jusqu’à ce que survienne la pire crise financière et économique des 80 dernières années. Que même les Prix Nobel d’économie ne s’entendent pas entre eux sur la meilleure façon de remettre sur pied les économies développées. Et que, quoi qu’en disent les banquiers, les ministres, les gens d’affaires et autres experts patentés, ce sont encore et toujours les simples citoyens qui supportent l’essentiel des dommages causés par la crise et qui supporteront l’essentiel du fardeau des fameux sacrifices qu’on dit inévitables.
Comme les gouvernements doivent se faire élire de temps en temps, mais aussi que les politiques d’austérité ne donnent pas les résultats promis, les dirigeants européens se montrent de plus en plus disposés à entendre ce qu’a à leur dire la rue.
Les solutions actuellement envisagées en Europe risquent toutefois de soulever de nouveaux problèmes en matière démocratique. On semble convenir, en effet, que pour mettre en place une plus grande solidarité économique entre les pays, ces derniers devront consentir aussi à une plus grande coordination de leurs politiques fiscales et budgétaires. Il est notamment question que les gouvernements soumettent leurs budgets aux autorités européennes avant de les présenter à leurs Parlements respectifs et que des projets d’investissement dans certains pays soient financés par des titres de dette garantis par tous les autres. Le problème, soulignait récemment dans un texte d’opinion le directeur du Center for European Policy Studies, Daniel Gros, est que tous ces pays sont souverains et démocratiques, et qu’à ce titre, aucune règle européenne ne pourra jamais contraindre leurs populations à mettre en pratique ces solutions si elles ne le veulent pas.
En attendant, le Grand Prix de Montréal et les FrancoFolies semblent être malgré tout parvenus à éviter la catastrophe annoncée ce week-end en dépit de quelques incidents regrettables. On rapportait même que plusieurs hôtels affichaient finalement complet pour l’occasion. Les organisateurs de la 18e Conférence de Montréal, qui s’ouvre aujourd’hui, disent, de leur côté, n’avoir jamais eu autant d’inscriptions. Quant aux prochains bouchons sur le pont Champlain, parions qu’ils n’auront, comme d’habitude, rien à voir avec de quelconques manifestations.
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