Avec les mauvaises nouvelles qui s’accumulent au Parti québécois depuis que le scrutin a été déclenché, la joute oratoire qui aura lieu à Québec, dans l’édifice du Parlement, constitue probablement la dernière bouée de sauvetage de la formation souverainiste.
Cet événement représente un moment marquant dans une campagne électorale. Il peut parfois produire un effet qui en modifie profondément l’allure initiale. L’élection d’avril 2003 en est un bel exemple. Les téléspectateurs avaient alors été témoins d’une astuce brandie par Jean Charest qui devait décontenancer son adversaire péquiste. On connaît la suite…
La présente élection générale affiche une tendance qui devient inquiétante pour le Parti québécois : ses nombreuses promesses et annonces politiques laissent de marbre les électeurs québécois. Malgré les efforts louables des péquistes, les sondages dévoilent que leurs appuis diminuent. Il arrive un moment dans un scrutin où une tendance s’emballe de manière irréversible, entraînant sans son sillage l’ensemble des votes des indécis. Ignorés sont alors les partis qui étaient en difficulté en début de campagne. Le PQ semble à un cheveu de subir ce terrible sort.
Inutile de dire que l’état-major péquiste doit concocter un plan d’attaque irrésistible en prévision du débat. André Boisclair ne peut se contenter de présenter à l’électorat les éléments de sa « feuille de route. » Le chef péquiste doit, dans un langage simple et clair, démontrer que ses adversaires ne sont pas les personnes adéquates pour faire progresser le Québec. Le leader du PQ devra surtout éviter de donner l’occasion à Mario Dumont d’utiliser ses traditionnelles répliques populistes.
Le chef de l’ADQ profitera assurément des échanges sur le projet souverainiste pour répéter que ce sujet ne règle pas les préoccupations quotidiennes « de monsieur et madame tout le monde. » Pourtant, pendant qu’il quémandera des permissions à Ottawa - lui-même a dit qu’il devra le faire lors de son passage à l’émission « Maisonneuve en direct » du 28 février dernier - les problèmes du Québec demeureront entiers. Ce gaspillage d’énergie qui engloutit des fonds publics ne comble pas en effet les « vrais besoins » des Québécois. On est loin ici de développer l’autonomie du Québec…
Mario Dumont qui reproche à ses adversaires d’avoir gaspillé l’argent des contribuables lorsqu’ils étaient au pouvoir, d’avoir simulé le déficit zéro et engraissé la dette publique, doit divulguer son cadre budgétaire. Le député de Rivière-du-Loup qui veut réduire la taille de l’État, refuse en effet de chiffrer ses objectifs qui lui permettraient de financer ses promesse électorales. Quel toupet! Pire, le chef adéquiste donne carrément dans l’ésotérisme en répliquant que cet exercice est « idéologique! » Quelle réponse futile! Celui qui a passé les dernières années à critiquer l’absence de rigueur des dirigeants québécois s’oppose maintenant à afficher la sienne jugeant l’opération abstraite. La rigueur n’est pas une science occulte, mais une qualité. Le dirigeant péquiste doit talonner Mario Dumont dans sa fuite.
Les gens ne croient plus au Père-Noël : ils croient au bon père de famille qui fait un budget et le respecte, comme l’a déjà vociféré le chef adéquiste. Or, un budget est réalisable uniquement lorsqu’on connaît ses revenus. Une jouissance qu’un Québec provincial ne connaîtra jamais. Impuissant, Mario Dumont lui-même a fini par déclarer qu’il attendra de connaître les détails du budget fédéral du 19 mars, avant de divulguer son cadre financier. Le chef de l’ADQ trompe ainsi les gens avec son projet autonomiste puisqu’il montre publiquement qu’il dépend du bon vouloir d’Ottawa. Son concept autonomiste, à géométrie variable, ne tient donc pas la route. « S’effoirer sans s’indigner » convient nettement mieux comme slogan adéquiste plutôt que l’insipide « s’affirmer sans se séparer. » André Boisclair doit révéler cette duperie aux téléspectateurs avec énergie.
Le dirigeant du Parti québécois pourrait juguler l’hémorragie partisane dont est victime sa formation politique à l’aide d’une bonne performance au débat des chefs. L’ennui, c’est qu’il n’a qu’une chose à offrir comme alternative : un référendum. L’homme sera à coup sûr attaqué sur son intention d’en tenir un malgré les remous que cela provoque. Pire : sa récente déclaration voulant qu’il y aura « autant de référendums que le voudront les Québécois » font de lui le « référendiste » qu’il dit ne pas être. Car c’est en effet André Boisclair qui projette d’en imposer un à la population alors qu’elle n’en veut pas. Pas de doute que cette dernière bourde risque de lui coûter cher le 13 mars prochain. On accusera son parti de se livrer à de « l’obsession référendaire. » Si les Québécois craignent profondément un troisième référendum, c’est qu’il n’y en aura pas d’autres, quoi qu’en dise monsieur Boisclair.
Si le dirigeant péquiste pense réellement que ce sont les Québécois qui décident au sujet de leur avenir politique, il devrait alors les laisser également choisir le mode d’accession à l’indépendance qui leur convient. André Boisclair n’a pas plus l’autorité d’édicter aux indépendantistes quelle démarche démocratique ils doivent employer pour faire du Québec un pays. Pas avec moins de 30% d’appui, alors que la souveraineté en recueille plus de 45%. Ce dernier point sera cependant l’objet d’un autre débat : après l’élection.
Patrice Boileau
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