Il y a beaucoup de monde dans la maison souverainiste. Mais ceux qui l’ont bâtie n’y ont plus leur place.
L’ORIGINE DU MOUVEMENT SOUVERAINISTE
La maison souverainiste a été construite par des nationalistes ethniques. Tout nationalisme, qu’on le veuille ou non, est d’abord ethnique. L’indépendance, c’est l’affaire des Canadiens français du Québec auxquels peuvent se joindre, bien entendu, d’autres Québécois dits de souche et des immigrants bien intégrés. C’est une génération bien instruite de l’histoire et de l’évolution constitutionnelle du Québec et du Canada qui a mis en marche le mouvement souverainiste. Une génération lasse d’être humiliée tant au niveau linguistique qu’économique, une génération amoureuse de la langue française qui souhaitait voir survivre un peuple francophone en Amérique du Nord. Une génération qui voulait de façon pacifique avoir sa revanche sur l’histoire. C’est l’époque où Claude Gauthier chantait: «Je suis de nationalité canadienne-française et ces billots je les ai coupés à la sueur de mes deux pieds dans la terre glaise et voulez-vous pas m’embêter avec vos mesures à l’anglaise». Le mouvement souverainiste, c’était d’abord et avant tout l’affaire des Canadiens français du Québec.
Parizeau a eu tort de désigner les votes ethniques comme une des causes de la victoire du NON au référendum de 1995. Les immigrants ne sont pas venus au Québec pour nous aider à réaliser notre indépendance. C’est le trop grand nombre de Canadiens français du Québec qui ont voté NON qui explique la défaite du OUI.
DU NATIONALISME ETHNIQUE AU NATIONALISME TERRITORIAL
Tous les nationalismes étant suspects depuis la dernière guerre, le mouvement souverainiste, constatant son incapacité à convaincre une majorité substantielle de Canadiens français du Québec et voulant obtenir l’appui d’un bon nombre de Québécois de langue maternelle autre que française, a résolu de se distancier du nationalisme ethnique en se référant au concept de nationalisme territorial ou civique. La souveraineté devenait l’affaire de tous les citoyens habitant le Québec partageant des valeurs communes et une même langue, le français. Claude Gauthier changea alors son texte: «Je suis de nationalité québécoise française»... On voulut à ce point séduire les Québécois de langue maternelle autre que française qu’on en est venu à accorder moins d’importance au seul caractère identitaire supposément commun: la langue française. La Société Saint-Jean-Baptiste et son président Mario Beaulieu, par exemple, qui exigeaient que le spectacle officiel de la fête nationale se déroule exclusivement en français, furent désormais catalogués comme ringards et dépassés, vestiges d’un nationalisme méprisable, le nationalisme ethnique. C’est l’époque du NOUS inclusif à tout prix. C’était aussi l’époque où l’on affirmait haut et fort que les Québécois partageaient des valeurs communes, distinctes des valeurs canadiennes. On aurait pu, à la limite, remplacer le concept de nationalisme par celui de patriotisme à l’américaine. Les résultats des dernières élections ont cependant démontré que les valeurs des Québécois ne sont pas aussi consensuelles qu’on voudrait le croire, les électeurs se partageant en quatre groupes presque égaux: nationalistes ethniques et civiques avec le BLOC; socialistes avec le NPD; multiculturalistes (francophones, anglophones et non francophones) avec le PLC; conservateurs avec Harper.
Plusieurs nationalistes ethniques, ne se reconnaissant plus dans cette orientation du mouvement vers un nationalisme territorial et civique, ont quitté la maison qu’ils avaient construite.
UN MOUVEMENT NÉCESSAIREMENT DE GAUCHE
Le nationalisme ethnique qui anima plusieurs fondateurs du PQ risquait aussi de nuire à l’image de ce parti. Le nationalisme ethnique a mauvaise presse; n’est-il pas identifié à la droite identitaire à la source des horreurs de la dernière guerre? Le PQ résolut donc de s’afficher comme un parti de gauche résolument progressiste. Et la maison fut envahie par une foule de gauchistes qui ne peuvent imaginer un Québec indépendant autrement que socialiste. Le mouvement fut ainsi instrumentalisé par une certaine gauche qui voit l’indépendance comme un moyen et non une fin. Et c’est particulièrement vrai pour Québec solidaire, où la dimension sociale du programme est plus importante que la réalisation de l’indépendance.
Plusieurs nationalistes plutôt de droite, nationalistes ethniques et même civiques, ne se reconnaissant plus dans cette orientation du mouvement vers la gauche, ont aussi quitté la maison.
L’INDÉPENDANCE EST-ELLE POSSIBLE ?
Il y a des gens de diverses tendances dans la maison du mouvement souverainiste. Malheureusement, les nationalistes ethniques n’ont plus leur place dans la maison qu’ils ont construite. Qui peut croire que l’indépendance puisse se réaliser sans eux? Car la souveraineté ne peut trouver sa motivation véritable que dans une forme de nationalisme ethnique.
Louis Dion
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