Dans son édition du 28 mars, le quotidien français [Le Monde a publié un texte de l'écrivain canadien d'origine américaine, David Homel->631]. Via cet écrit, Homel tente d'expliquer, tant bien que mal, la source
des déboires des éditeurs québécois en France. Selon ce dernier, si
le Québec parvient à exporter efficacement ses artistes de la scène
comme les chanteurs à voix et les groupes du style des Cowboys
fringants, côté littérature, force est de l'admettre, les affaires
sont plutôt décevantes. Si cela est, avance Homel, ce serait tout
simplement parce que le Canada, et le Québec par le fait même,
seraient trop tranquilles pour produire des écrits de nature à
intéresser vraiment les Français. Afin d'étayer ses dires, il affirme
que « la paix sociale, qui suscite l'envie internationale, n'est pas
forcément une bonne chose pour les écrivains qui rêvent de marchés
étrangers. Il vaut mieux être ressortissant d'un pays difficile, qui
fait la "une" des quotidiens ». En articulant un tel discours, Homel fait carrément la preuve qu'il ne comprend
absolument rien de la réalité des éditeurs qui sont moins «
tranquilles » au Québec.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, David Homel y va tout d'abord
d'une remise en contexte à l'intention de quelconques Français qui ne
connaîtraient rien du Québec, en racontant que ce dernier territoire
constitue la seule province majoritairement francophone du Canada (ça
nous fait une belle jambe!), cette fédération fortement décentralisée
qui fait preuve d'une générosité remarquable en laissant d'importantes
compétences à ses provinces... Il faut vraiment être un fédéraliste des
plus obtus pour présenter ainsi la présente conjoncture canado-québécoise. Remettons donc les pendules à l'heure.
Pour ce faire, il
nous apparaît impératif de dire que le fédéralisme canadien est
présentement engagé dans une dynamique de centralisation accélérée des
pouvoirs politiques aux mains de la capitale fédérale, Ottawa. Pire.
Depuis le dernier référendum, le Canada a exploré maintes avenues en
mesure de bloquer de façon anti-démocratique le cheminement des
Québécois vers l'indépendance. Ainsi, l'on ne trouve aucune indication dans la Loi C-20, pierre
angulaire de cette stratégie perfide, quant à la majorité nécessaire
pour que le Canada reconnaisse une victoire des forces souverainistes,
ni d'indications par rapport à ce qui constituerait une question
suffisamment claire pour le fédéral. Ce dernier décidera après coup,
se laissant ainsi toute la latitude voulue pour dire que ce ne sera de
toute façon jamais assez. Il semblerait même que Stéphane Dion, le
ministre libéral qui a imposé l'adoption de cette retorse loi,
conseille plusieurs régimes européens qui sont eux aussi aux prises
avec des minorités turbulentes comme peut l'être le Québec parfois. Et
vive la mise en marché de « l'anti-démocratisme » canadien !
Afin d'expliquer pourquoi le Québec littéraire ne peut percer le
marché français, David Homel soutient que notre langue écrite n'est
pas de qualité suffisante pour ce faire et qu'il vaudrait donc mieux,
pour les écrivains d'ici, écrire tout bonnement en anglais en espérant
que leurs livres « anglo-québécois d'origine franco-québécoise »
soient ensuite traduits par des éditeurs français qui s'y
retrouveraient enfin dans notre français pas très propre. Homel espère
ni plus ni moins que les écrivains du Québec imitent son bon ami Yann
Martel, auteur de L'histoire de Pi, ce Québécois d'origine qui écrit
en anglais, prouvant de ce fait qu'il est un colonisé de première.
Inviter les écrivains québécois à lui emboîter le pas ne constitue
rien d'autre qu'un révoltant appel à l'assimilation du Québec français
à la seule culture qui puisse se vendre si l'on se fie à Homel, c'est-à-dire la culture anglophone ! Très peu pour moi, ne vous en
déplaise ! Et je tiens à dire que le jour où Marie Laberge, Gilles Vigneault ou Michel Tremblay écriront en anglais,
l'heure de la révolution aura bel et bien sonné !
Homel déplore aussi que les thèmes qui suscitent l'intérêt des
écrivains québécois soient très intimes : la famille et ses
problèmes, la quête de soi, le passage au stade adulte, les
difficultés de l'adolescence, bref, une littérature purement féminine
qui ne peut que très difficilement s'exporter. Ce qu'évite bien
d'écrire Homel, et en cela il est tout à fait fidèle aux pratiques
propagandistes en vogue dans sa famille idéologique par trop attachée
au nation-building canadian, c'est que les maisons d'édition du Québec
sont en très grande majorité financées par le Conseil des arts du
Canada. Pour s'attirer les bonnes grâces du maître canadien qui
distribue féodalement les deniers nécessaires à la survie de la
littérature québécoise, mieux vaut donc, pour elles, publier de la
littérature castrées et « castrantes » que de la littérature de
combat, cela tombe sous le sens.
Le cœur du problème, c'est là qu'il se situe et nulle part ailleurs !
Malheureusement, les éditeurs québécois ne peuvent pas compter sur la
Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)
pour remédier à la situation. Il faut savoir que le passage des
libéraux à la tête de l'État canadien (1993-2006) s'est caractérisé
par la création d'un scandaleux déséquilibre fiscal qui prive, bon an
mal an, l'État québécois de sommes d'argent importantes, le laissant
exsangue face aux importantes dépenses qu'il doit effectuer pour
assurer les services qu'il doit à la population du Québec. La Culture
a été à peu près le premier secteur, déjà lésé soit-dit en passant, à
écoper. Les artisans du Québec ont ainsi été privés d'un soutien qui
aurait pu, peut-être, contrebalancer un tant soit peu l'effet aliénant
des subventions liberticides du fédéral et qui sont destinées à
acheter la capitulation des éditeurs québécois dans le combat que mène
Ottawa contre la liberté made in Québec.
Comme si ce n'était suffisant, il faut savoir également qu'un éditeur
québécois qui désire connaître le succès avec tout nouveau projet
d'édition au Québec doit compter sur la collaboration des médias. À
peu près seuls les livres qui sont bien couverts médiatiquement se
vendent au Québec ! Les éditeurs d'ici font donc des pieds et des
mains pour intéresser les trop rares critiques littéraires du Québec à
leurs réalisations. Et ce n'est certainement pas la littérature de
combat qui attirera leur attention puisque ces mêmes critiques
littéraires oeuvrent tous pour des entreprises de presse qui sont la
propriété de fédéralistes de droite. Principalement la famille
Desmarais qui fait des affaires d'or au Québec, comme en France
d'ailleurs.
Il est difficile de nier, quand on est honnête, que ce sont ces
entraves à la liberté d'expression qui font que la littérature est
sage comme une image au Québec. Mais pour être capable de l'écrire
tout en espérant être lu, je me dois moi aussi de me tourner vers
l'étranger pour y envoyer mes textes, là où j'ai une chance de
contourner la malsaine, mais Ô combien efficace, censure canadienne...
Tout ça pour dire qu'Homel a tort lorsqu'il affirme, comme il le fait
dans son texte, qu'à « pays tranquille, littérature tranquille »
puisque la vérité est plutôt qu'à « pays canadien, littérature
québécoise contrôlée »...Et pour les fédéralistes canadiens, contrôler
la littérature du Québec, cela veut dire la rendre docile, et
conséquemment tranquille...
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