Le 22 juin 1990, à la veille de la Fête nationale, le Canada anglais rejetait l’Accord du Lac Meech et refusait de reconnaître le Québec comme société distincte. Devant ce déni de leur existence, les Québécois ont réagi avec dignité. Une vague humaine sans précédent a défilé à Montréal autour d’un magnifique slogan : le Québec est notre seul pays. On attendait l’indépendance pour 1992.
Les temps ont changé. Vingt ans plus tard, la souveraineté n’a jamais parue aussi éloignée. Les Québécois ne cherchent plus à résoudre la question nationale parce qu’ils ne se la posent plus. Selon la formule convenue, ils ont tourné la page.
Que s’est-il donc passé ?
D’abord, les souverainistes ont perdu le référendum de 1995. Cette défaite s’est transformée en déroute. Fracturée en profondeur, l’idée d’indépendance ne s’en est jamais remise. Alors qu’elle exprimait hier le nationalisme à son meilleur, la souveraineté est devenue victime de la rectitude politique, supplément d’âme d’un modèle québécois en déclin. La coalition nationaliste a cédé la place à un souverainisme de gauche s’essoufflant dans la mythologie de la génération boomer.
Ensuite, le Canada s’est radicalement transformé. Il s’est laissé avaler par le multiculturalisme de 1982 dans lequel le Québec est appelé à se dissoudre. Le Canada de Trudeau est à prendre ou à laisser. Les fédéralistes l’ont pris pour ensuite devenir les gestionnaires de notre régression. Le fédéralisme québécois de Robert Bourassa a cédé la place au fédéralisme canadien de Jean Charest.
Enfin, de nouveaux enjeux ont émergé. Ils ne divisent plus la société entre souverainistes et fédéralistes mais portent sur des questions comme l’école, le modèle québécois ou les accommodements raisonnables. Ces enjeux ne parviennent pas à s’exprimer dans le système politique et s’échouent dans le consensus mou d’une élite en rupture avec le pays réel. La conséquence ? Les Québécois décrochent du débat public.
Le Québec a changé d’époque
Pourtant, la question nationale n’est pas désuète. Le Québec dans le Canada est voué à une marginalisation démographique et politique inéluctable. Et la crise des accommodements raisonnables a rappelé que le Québec conserve un vieux fond nationaliste qui s’active aujourd’hui dans la critique du multiculturalisme. Mais pour renaître, la souveraineté devra s’émanciper de ceux qui la servent si mal. Les nationalistes ne devront plus parler de la société dont ils rêvent, mais du Québec réel. Ils devront se désintoxiquer de la rectitude politique.
D’un Québec à l’autre
Le Québec a changé d’époque
MEECH - 20 ans plus tard...
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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