Les dirigeants européens sont confrontés à un défi qui étant colossal est simple à formuler: soit ils prennent la voie débouchant sur la gouvernance économique commune, soit ils jettent l'éponge parce qu'ils sont incapables de s'entendre. Si cette dernière hypothèse l'emporte, alors l'euro sera condamné au bûcher d'ici deux ans. Fin de partie.
Les titres qui coiffent les articles que les journaux européens consacrent ces jours-ci à la spirale monétaire témoignent de l'angoisse économique, au demeurant brutale, qui traverse toute l'Union européenne. En voici quelques exemples: «Zone euro: changer ou mourir», «Faut-il brûler l'euro», «Réparations urgentes», ou encore celui qui orne une analyse de 13 pages (!) parue dans Der Spiegel, «La mère de toutes les bulles: les dettes nationales pourraient plonger la zone euro en faillite».
On l'aura compris, tous témoignent de l'inquiétude qui circule aussi bien dans les réseaux économiques que dans les chancelleries. Sa nature, sa cause? Le fédéralisme intrinsèque à la monnaie unique doit se traduire par un fédéralisme économique supposant une supervision, qui pour l'instant ne dit pas son nom, des budgets nationaux, une harmonisation fiscale, une réduction des écarts de compétitivité, la mise sur pied d'un dispositif permanent de gestion des crises. Quoi d'autre? Accorder à Bruxelles davantage de surveillances macro-économiques.
Ces propositions, qui grefferaient de nouveaux pouvoirs à ceux que détient déjà Bruxelles ou, dit autrement, qui entraîneraient une délocalisation de certains pouvoirs nationaux, ces propositions donc, ont fait hurler certains. La Suède plus que tout autre qui a martelé un «pas question». En Allemagne, en France et dans certains pays du Nord, on s'oppose avec une certaine fermeté à la permission qui serait accordée à la Commission européenne de poser un regard sur les grandes lignes des budgets des pays avant que les parlementaires de ces pays les aient étudiées et discutées.
À Londres, tout occupé à négocier un programme de gouvernement avec les libéraux-démocrates, le nouveau premier ministre Dave Cameron ne s'est pas prononcé. Mais quand on sait que les conservateurs dont il est le chef ont fait campagne sur moins d'Europe, voire sur le rapatriement de certains pouvoirs actuellement entre les mains d'une fonction publique bruxelloise qu'ils fustigent depuis des lunes, quand on sait qu'ils écartent à jamais toute adoption de l'euro, quand on sait cela, la riposte britannique aux solutions envisagées est facile à deviner.
Simultanément à ces allers-retours entre Bruxelles et les diverses capitales du continent, on a assisté à un étrange épisode. Voilà, après la digestion ardue d'un plan d'austérité par les députés grecs, le Portugal et la France ont annoncé que la restructuration budgétaire était à l'ordre du jour. L'Espagne? Le premier ministre, José Luis Zapatero, a décliné son plan d'austérité qui s'additionne aux resserrements de vis annoncés antérieurement. L'étrangeté? Les Bourses ont chuté dans la foulée de ces annonces conséquentes, elles, aux chutes de la semaine précédente provoquées, elles, par l'indiscipline budgétaire de ces pays.
Il en a été ainsi, tenez-vous bien, parce que les marchés jugent désormais que ces cures de jansénisme financier vont ajouter de la crise à la crise. Qu'elles vont prolonger la récession dans certains pays, qu'elles vont favoriser la déflation. Et que, ce faisant, ces cures vont causer certains dommages aux exportations de produits Made in Germany, aux produits financiers des banques britanniques et françaises, etc. Bref, c'est la quadrature du cercle.
Hélas! Malgré la déstabilisation de la zone euro, mais aussi de l'Union européenne, certains dirigeants inclinent plus vers le repli que vers une gestion commune du risque, plus sur les ressorts protectionnistes que sur l'essentiel, la vitale harmonisation fiscale que réclamait il y a une vingtaine d'années Jacques Delors! À la décharge de ces dirigeants, il faut bien admettre que les opinions publiques sont très remontées contre l'Union européenne. En Allemagne, on parlait la semaine dernière d'une flambée du sentiment antieuropéen. C'est dire l'urgence qu'il y a à effectuer des changements propres à redonner au politique certains des pouvoirs alloués à l'économique pour être dans l'air du temps d'une époque révolue. Celle qui prévaut aujourd'hui exige un retour de balancier.
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