Par Matthew Brzozowski et John Richards
Le texte qui suit résume une étude de l'Institut C.D. Howe qui sera publiée aujourd'hui. John Richards enseigne dans le programme de politiques publiques de l'Université Simon Fraser et est associé de recherche à l'Institut C.D. Howe. Matthew Brzozowski est professeur adjoint au département de sciences économiques de l'Université Western Ontario.
Que faire au sujet de la garde d'enfants est devenu un sujet de débat national. Les positions sont durcies, souvent selon des lignes idéologiques, entre les parents qui préfèrent un programme universel de garde et ceux qui préfèrent recevoir l'argent directement et prendre leurs propres décisions. Comment choisir?
Les partis politiques fédéraux, les libéraux en 2004 et les conservateurs en 2006, ont proposé des visions opposées, offrant d'un coté des places subventionnées en garderie, et de l'autre de nouveaux transferts aux parents de jeunes enfants.
Dans une étude récente de l'Institut C.D. Howe, nous mettons de coté ce débat politique pour nous concentrer sur une question fondamentale: quelles leçons peut-on tirer de la multitude d'évaluations de programmes de garderie existants?
D'après notre interprétation des résultats de ces évaluations, Ottawa ne devrait pas encourager les provinces à introduire des programmes universels de garderie comme celui du Québec. Cependant, des programmes ciblés vers les familles défavorisées pourraient générer d'importants bénéfices. Cette option a jusqu'à maintenant été largement ignorée par les politiciens fédéraux.
Les études montrent que les garderies aident les parents à intégrer le marché du travail. Le revenu gagné par ces travailleurs additionnels compte comme un bénéfice. Le bénéfice mesurable majeur pour les enfants est une meilleure performance à l'école. La plupart des études montrent des gains significatifs pour les premières années d'études, mais une dilution des gains par la suite.
Comme pour les bénéfices, il y a deux grandes catégories de coûts. Une extrapolation des coûts du système québécois de centres de la petite enfance (CPE) suggère des coûts d'environ 8 milliards de dollars pour un système pancanadien. Cependant, la garde d'enfants est un service intensif en main-d'oeuvre, et une hausse du ratio gardien(ne)s à enfants pourrait faire augmenter considérablement cette estimation.
La plupart des études qui montrent des bénéfices pour les enfants ont été faites aux États-Unis sur des programmes ciblés vers les enfants " à risque " dans des familles pauvres ou monoparentales. Qu'en est-il des enfants non " à risque "? Généralement, les bénéfices sont moindres. Ceux-ci semblent être proportionnels à l'écart entre la qualité du milieu familial et celle du centre de garde comme environnement d'apprentissage.
Aussi, certaines études suggèrent l'existence de coûts psychologiques associés aux garderies pour les enfants d'âge préscolaire et leurs parents. Un bon exemple est une étude récente qui a utilisé l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) pour comparer les jeunes québécois âgés de 0 à 4 ans venant de familles biparentales avec des jeunes similaires du reste du Canada. Tel que mesuré par l'ELNEJ, l'hyperactivité parmi les 0 à 4 ans a diminué dans tout le Canada entre 1994 et 2003, mais moins au Québec qu'ailleurs. Aussi, pendant qu'initialement les jeunes au Québec étaient moins anxieux que les jeunes dans le reste du Canada, l'écart s'est refermé après l'introduction du programme universel de garderie. Finalement, l'utilisation accrue des garderies a provoqué davantage d'infections du nez et de la gorge que chez les enfants en dehors du Québec.
Listes d'attente
Dans le cas des CPE, la demande excède l'offre de places au prix courant, provoquant des listes d'attente. Plusieurs analystes ont documenté le fait que les familles plus aisées semblent avoir plus de facilité à obtenir une place que les familles moins nanties. Parmi les familles avec un revenu de plus de 60 000 $ en 2001, près de trois de leurs enfants sur 10 étaient dans une place subventionnée, tandis que parmi les familles avec un revenu de moins de 40 000 $, seulement 1 sur 10 l'était.
Ces résultats soulèvent de sérieux doutes à savoir si, pour les familles biparentales, les bénéfices d'un programme national de garderie en vaudraient les coûts, autant financiers que psychologiques. De plus, que les familles plus aisées aient de plus grandes chances d'obtenir l'accès aux places subventionnées signifie qu'un tel programme est peu susceptible d'aider les familles " à risque".
Voilà qui nous conduit à trois recommandations:
Premièrement, les provinces devraient veiller à ce que des catégories ciblées de familles susceptibles d'être désavantagées dans la préparation des enfants aux études aient accès à des programmes de garderie de bonne qualité.
Deuxièmement, les services de garderie devraient être situés dans des quartiers comportant un taux élevé de familles " à risque ". À la place de frais universels fixes par enfant, les frais devraient varier en fonction du revenu.
Troisièmement, pour que les garderies produisent des résultats positifs, une réglementation régissant la qualité s'impose, mais il n'y a pas de raison d'établir un monopole d'État. Un certain degré de compétition entre les fournisseurs de services de garde pourrait faire augmenter la qualité d'ensemble du service et aider à contenir les coûts. Les familles éligibles aux allocations de garde d'enfant devraient avoir le choix entre des centres subventionnées par l'État, des garderies accréditées exploitées par des organismes de bienfaisance, religieux ou sans but lucratif, et les sociétés à but lucratif autorisées.
CPE: des failles
Ottawa ne devrait pas encourager les provinces à introduire des programmes universels de garderie comme celui du Québec
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