On peut croire en la Providence chrétienne, au destin scellé de l'Homme, à sa marche inéluctable vers son futur ou au matérialisme historique de Marx ; on peut remarquer de simples événements quotidiens et les interpréter comme signes d'un projet supérieur ; on peut enfin s'amuser de ce que l'histoire nous apporte, tout prendre sans concession et rire de tout, car voilà tout ce qui nous reste.

Ainsi en est-il de M. Philippe Couillard, dont on apprend qu'il est descendant de Guillaume Couillard, sieur de l'Espinay, premier colon anobli en Nouvelle-France, par le roi Louis XIV. Voilà donc le 41ème premier ministre de la province de Québec, médecin de son état, héritier d'une noble lignée, première souche en Canada français ; voilà donc l'enfant de la terre, le bourgeon des Amériques, fier porteur héréditaire des plus profondes racines coloniales ; voici enfin notre chef à tous, noble aussi de son prénom Philippe, porté par plusieurs rois avant lui.

D'ailleurs M. Couillard porte toujours son nom de sieur, de l'Espinay, dont l'étymologie se retrouve probablement entre les épines. Tout titre de noblesse vient accompagné d'armoiries, que Couillard l'ancêtre choisit ainsi : "D'azur, à la colombe au vol étendu et versé d'or tenant en son bec un rameau d'olivier de sinople" (sur fond bleu, la colombe ailes déployées et branche d'olivier au bec, fonce tête en bas) et d'une devise : Dieu aide au premier colon. Il conviendrait d'ajouter que Dieu aide autant au dernier colon.

Il est un détail négligeable que le patronyme Couillard, signifiant tout d'abord « qui a de gros testicules », désignât ensuite un engin militaire offensif du Moyen Âge, sorte de catapulte, munie d'une longue perche placée sur un axe, avec à une extrémité deux bourses servant de contre-poids ; machine de guerre utilisée lors de sièges pour détruire les fortifications, pouvant aussi projeter des cadavres d'animaux malades pour contaminer les réserves d'eau de la place assiégée.

Au moins, on sait à quoi s'en tenir pour les quatre prochaines années !