On dirait bien que le Bloc québécois vient de trouver une nouvelle bouée de sauvetage.
Enfin, trouver, c’est beaucoup dire. Disons plutôt que l’on vient de lui lancer une nouvelle bouée, gracieuseté cette fois de Julie Couillard.
En 2003, le Bloc était menacé sinon de disparition, tout au moins de
marginalisation sévère par l’arrivée de Paul Martin à la tête du pays. Gilles Duceppe et ses députés ont toutefois sauvé leur peau grâce au scandale des commandites.
Avec la montée en force des conservateurs au Québec et leur récolte surprenante de 10 circonscriptions aux dernières élections, le Bloc semblait une fois de plus au bord du précipice. Mais le dieu de la politique est bon pour les bloquistes. Il leur a envoyé Julie Couillard.
Ce n’est pas un hasard si les bloquistes ont tant insisté auprès de certains médias pour qu’éclate le «Couillardgate». Ils savaient fort bien qu’entre les libéraux et leurs odeurs de commandites et les conservateurs entachés par une affaire sexo-politico-criminelle, les électeurs reviendraient vraisemblablement vers le Bloc.
Les plus récents chiffres de sondages internes des conservateurs démontrent en effet un déplacement du vote vers le Bloc, au grand dam des bleus qui touchaient presque au but après des années de disette.
Les conservateurs ne manquent pas d’argent, c’est bien connu, mais un gros fond de guerre sans soldat, ça ne sert pas à grand-chose. Or, le recrutement est nécessairement plus difficile dans une province pour un parti qui a perdu son ministre le plus populaire, emporté par une affaire trouble. Davantage encore si vous ajoutez des soupçons de corruption.
On parle ici du Québec, épicentre du scandale, mais rien ne permet aux conservateurs de croire que cette histoire les aidera à remonter la pente en Ontario, l’autre province où ils doivent absolument percer s’ils veulent garder le pouvoir ou rêver d’une majorité.
Le Couillardgate fait mal aux conservateurs parce qu’il met le doigt sur le point le
plus sensible de Stephen Harper : la probité. C’est en promettant de faire le ménage des moeurs politiques douteuses des libéraux que M. Harper a réussi à se hisser dans le fauteuil de premier ministre. Le nettoyage, l’intégrité, la transparence, c’était la première priorité de son programme en cinq points.
Avec le Couillardgate dans les pattes, ce n’est plus la peine pour les conservateurs d’élaborer une stratégie de campagne à partir de ce grand ménage.
Chaque fois que Stephen Harper prononcera le mot intégrité, on entendra le Bloc, les libéraux et le NPD entonner en écho le nom de Julie Couillard.
Au Québec, le Bloc redevient donc la valeur refuge. Ailleurs, les libéraux consolident leurs acquis, mais rien de plus pour le moment. Normalement, les libéraux devraient jubiler. Il n’en est rien. Ils ont tout simplement hâte que la session finisse, au plus tard dans une semaine, pour rentrer dans leurs terres en espérant un hypothétique renversement du gouvernement cet automne.
Des ténors du caucus libéral, dont Bob Rae et Michael Ignatieff, ont de nouveau imploré Stéphane Dion de renverser le gouvernement Harper cette semaine (il avait l’occasion de le faire en votant contre le projet de loi sur l’immigration, mais il a préféré, une fois de plus, laisser passer). Le timing, en principe, était idéal: un gouvernement empêtré dans une sale affaire, dont l’aile québécoise en rade, de nouvelles révélations tous les jours, des projets de loi impopulaires dans l’est du pays, des ministres et un premier ministre qui ont l’air d’avoir des choses à cacher.
En principe, parce que dans les faits, le problème des libéraux reste entier: leur chef, Stéphane Dion, ne «lève» pas.
Voici comment un député libéral résumait la situation il y a quelques jours: « Nous allons mieux, nous avons un rythme et les conservateurs ont été dans les câbles pendant presque toute la session. Si seulement le chef performait mieux
dans les sondages… »
Si seulement, en effet. Ce n’est pas un mince détail que le chef de l’opposition officielle, seule véritable solution de rechange au gouvernement, n’arrive pas à tirer profit de la pire crise vécue par le gouvernement en 30 mois.
C’est même pire que ça. Non seulement Stéphane Dion n’arrive pas à gruger dans l’assiette des conservateurs, mais ceux-ci continuent de lui manger la laine sur le dos.
Un exemple frappant : le prix de l’essence. Chaque printemps depuis quelques
années, c’est la même chose : le prix du carburant augmente et, donc, les contribuables râlent, l’opposition se déchaîne et les médias sautent dans le débat.
Sauf que normalement, c’est le premier ministre qui se retrouve dans l’embarras, pas le chef de l’opposition comme c’est le cas depuis 10 jours.
En ayant laissé le gouvernement détourner son plan de taxe sur le carbone (qu’il n’a toujours pas présenté) au point de le réduire à une caricature de hausse du prix de l’essence à la pompe, M. Dion est devenu le Bonhomme Sept-Heures des automobilistes.
De toute façon, les libéraux ne sont pas prêts partir en campagne électorale, point.
Au Québec, il leur manque encore (quoiqu’en dise la sénatrice Céline Hervieux-Payette) une bonne trentaine de candidats, sans compter que le diable est aux vaches dans certaines des circonscriptions qui ont trouvé un candidat.
Quand le Parti libéral du Canada n’arrive plus à trouver un candidat dans Outremont, c’est que les choses ont atteint un point critique.
La liste des candidats rêvés était longue, comprenant notamment les noms de
Bernard Derome, de Charles Tisseyre, et du biologiste-écologiste et collaborateur de La Presse, Jean Lemire, mais la récolte, elle, reste à ce jour désespérément mince.
Gilles Duceppe va passer un bel été, bien calé dans sa bouée inespérée.
Couillard à la rescousse du Bloc
Ce n’est pas un hasard si les bloquistes ont tant insisté auprès de certains médias pour qu’éclate le «Couillardgate»
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