Corruption et cie (suite)

Commission Charbonneau et financement illégal des partis politiques

Agence QMI
Jacques Lanctôt
12/10/2012
Mark Bourque, ce policier de la GRC, se consacrait, donc, à autre chose que défendre l'unité canadienne et cela me rassura. Un détail, entre autres, éveilla mes soupçons sur l'intégrité de ses patrons.
Dans sa chasse aux corrompus, Mark Bourque et son équipe avaient réussi à pénétrer secrètement dans la demeure d'un important ministre du cabinet Chrétien, à Ottawa, et à y installer des micros. Ce ministre, originaire lui aussi de la Sicile, en menait large, semble-t-il. On avait observé qu'il recevait, tous les vendredis, la visite de deux dirigeants connus de la mafia canadienne.
Pour activer les micros d'écoute électronique à distance, Mark Bourque avait besoin de l'autorisation de ses supérieurs. Or ceux-ci n'ont jamais accepté. «Nous ne nous intéressons pas à sa vie privée, se défendit le sergent de la GRC, nous ne voulons qu'entendre le contenu des conversations lorsque ces deux dirigeants de la mafia viennent visiter le ministre.»
Rien n'y fit, ses patrons refusèrent, et on ne sut jamais ce qui se tramait derrière les rideaux de la demeure de ce ministre libéral fédéral. Rappelons-nous qu'il a fallu presque deux ans avant que ce même corps policier accepte de remettre les enregistrements et les vidéos filmés au café Cosenza et qui démontrent de toute évidence la collusion entre la mafia et un certain pouvoir politique.
Mark Bourque était manifestement un enquêteur gênant et entêté. Il me révéla qu'une succursale montréalaise d'une banque québécoise bien connue était mêlée à des opérations de blanchiment d'argent. Plusieurs fois par semaine, un individu se présentait à la même succursale pour y déposer d'énormes quantités d'argent.
Les dépôts étaient si imposants que le directeur de la succursale dut affecter un employé à cette seule tâche de compter l'argent de ce mystérieux épargnant. Le manège dura presque un an.
Bien sûr, Mark Bourque rencontra le directeur de la banque en question pour le prévenir qu'il blanchissait ainsi de l'argent sale et que cela était illégal, mais le directeur lui répondit que l'argent provenait de revenus de casinos que possédait cet individu au Venezuela. Or, il n'y avait pas de casino dans ce pays. Cet argument n'impressionna guère le directeur de la banque qui continua d'en faire à sa tête.
Il fallut finalement un ordre de la cour, signé par un juge, pour mettre un terme au blanchiment d'argent dans cette banque montréalaise. Entre-temps, cette honorable institution bancaire avait suffisamment accumulé de liquidités et elle pouvait désormais vendre des devises américaines à d'autres banques.
«Parmi les plus grands promoteurs de criminalité au pays, affirmait Mark Bourque, il y a les avocats de la défense et le système bancaire.» Ce genre de déclaration n'était pas celle que voulait entendre ses patrons. Mark Bourque ne reçut aucune médaille pour son acharnement à traquer la mafia.
Au contraire, il fut muté au service des VIP (la protection rapprochée des visiteurs de marque au Canada) et dut abandonner ses enquêtes sur le milieu interlope à Montréal. Qu'a-t-on fait de cette montagne de renseignements qu'il m'a dit avoir accumulés? On peut imaginer qu'ils ont été envoyés à la déchiqueteuse.
De guerre lasse, Mark Bourque, ainsi «tabletté», se résigna à prendre sa retraite. Peu de temps après, il accepta de participer à une mission humanitaire en Haïti. Il fut tué par un mystérieux sniper, alors qu'il circulait dans une jeep, près de Cité-Soleil.
Règlement de compte ou pur hasard? Le saura-t-on jamais? Une chose est sûre : il a emporté avec lui toutes ces informations sur le blanchiment d'argent et la collusion entre la mafia et le pouvoir politique. Et cela doit faire l'affaire de plusieurs personnes.


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