Confusion au sein de la députation bloquiste

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Tribune libre

Grave erreur de perspective et de primauté : le groupe des sept députés dissidents subordonne l’indépendance à la « défense des intérêts du Québec », selon la formule ronronnante.  Inversion suicidaire conduisant à la fragmentation.


L’indépendance, c’est l’étoile Polaire qui doit guider l’action quotidienne de nos représentants en faveur de la libération et de l’épanouissement du Québec, dans tous les dossiers. En effet, le premier article du programme du parti stipule clairement : « Le Bloc québécois est un parti indépendantiste. »


Manifestement, certains n’ont pas encore fait le bilan correct de la déconfiture du BQ lors de l’élection générale de 2011.  Ce fut essentiellement l’aboutissement de longues années perdues à voguer sur le thème de la « défense des intérêts du Québec », au détriment de la promotion ardente de l’indépendance. Dérive idéologique, à laquelle il faut ajouter la dérive stratégique de la tentation malsaine et inféconde des alliances électoralistes avec des partis fédéraux radicalement hostiles à l’indépendance du peuple québécois.


Par ailleurs, le « transparlementarisme » de Martine Ouellet a favorisé dans le discours indépendantiste une plus grande intégration des thèmes politiques habituellement débattus séparément sur les scènes provinciale et fédérale, notamment dans le domaine de la protection de l’environnement. Le refus de reconnaître dans cette situation extraordinaire de la chef du Bloc une tribune double pour promouvoir l’indépendance constitue un navrant manque d’imagination et d’audace.


Tous ces remous régressifs sont l’indice de l’incapacité inconsciente de certains souverainistes à aller jusqu’au bout de la démarche d’affranchissement politique.  Ils préfèrent que les représentants bloquistes fonctionnent docilement à l’intérieur du cadre fédéral établi en offrant le service minimum de la « défense des intérêts du Québec ».  Les nationalistes « mous et impurs » qui voteraient en 2019 pour une députation obnubilée par la prédominance des intérêts sectoriels de la « province de Québec », ne vont-ils pas d’abord voter pour la Coalition Avenir Québec en 2018 ? Toutefois, sans combat pour l’indépendance, l’intérêt général pour les intérêts particuliers s’effondre.


Tant que le pouvoir fédéral envahissant ne sera pas définitivement chassé du Québec par la volonté populaire, il est de la plus haute importance pour les indépendantistes de réveiller cette dernière en investissant efficacement le champ de bataille — provisoire par définition — de la Chambre des communes à Ottawa plutôt que de laisser les postes et les ressources à l’ennemi. En vue de l’élection générale fédérale de 2019, la crise s’avérera utile si elle produit la transformation ultime du Bloc en une troupe de choc vouée à la libération nationale.


Un dernier point, et non le moindre. La simple critique du gouvernement fédéral, qui consiste à lui reprocher de faire des dépenses exagérées ou insuffisantes dans tel ou tel domaine, ne suffit plus.  Elle est même devenue lassante pour les citoyens ordinaires.  Surtout, elle donne l’impression que le régime canadien serait ajustable ou réformable.  Foin du Sisyphe souverainiste heureux de remonter indéfiniment la colline Barrack le nez collé sur la pierre précieuse des sondages, en bon carriériste !  Les sondages sont faits pour être changés, comme l’affirme Martine Ouellet.  Il faut donc opérer une rupture tant psychologique que politique.  Opposer le futur régime républicain fondé sur la volonté populaire éveillée au froid régime fédéral d’inspiration monarchiste.  Le programme actuel du BQ ne consacre que deux lignes au projet républicain (article 7.6) ; ce dernier devrait faire l’objet d’une section complète du programme, élaborée par le parti réuni en congrès. Les membres participeront sûrement avec enthousiasme à un tel projet positif.  Avec, comme horizon, d’éventuels états généraux sur la fondation de la République du Québec.  Ainsi, le Parti québécois serait aiguillonné à sortir son objectif fondamental des limbes de l’Histoire.



Marc Labelle


Membre du Bloc québécois, du Parti indépendantiste et du Parti québécois



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  Se voulant agent de transformation, Marc Labelle présente sur les valeurs et les enjeux fondamentaux du Québec des réflexions stratégiques, car une démarche critique efficace incite à l’action salutaire. Ses études supérieures en sciences des religions soutiennent son optique de penseur libre.





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2 commentaires

  • François Ricard Répondre

    3 mars 2018

    Un député du Bloc élu à Ottawa par une minorité de son électorat a le devoir , en notre système parlementaire,de représenter toutes les personnes de son comté et non seulement ceux et celles qui ont voté pour lui.Il ne saurait restreindre son rôle au seul aspect "indépendance". S'il le fait, il doit en avertir l'électorat pendant la campagne électorale. Ce faisant, ses chances d'être élu seront sûrement amoindries.


    Et il faut mettre de côté cette tactique improductive d'un référendum gagnant. Il n'y aura pas de référendum miraculeux.


    Il faut couper les liens avec le Canada. Lien par lien. Il faut construire notre pays.Projet par projet.Depuis l'avènement de Charest, on est à déconstruire ce que nous avions. Il faut y mettre un frein. Et retourner à l'édification de l'État du Québec."L'état devient ce que nous faisons".


    • Marc Labelle Répondre

      4 mars 2018

      Qu’est-ce que cette logique de minoritaire qui enjoint le candidat du BQ à craindre l’affichage de l’identité indépendantiste de son parti ? Les députés libéraux fédéraux ou québécois, cachent-ils leur option fédéraliste sous prétexte qu’il y a des électeurs souverainistes dans leur circonscription ?
      Qu’est-ce que cette fixation sur le référendum, dont je n’ai pas parlé ? Il semble pourtant clair dans l’esprit de nombreux souverainistes depuis quelque temps déjà, surtout après le référendum catalan, que le référendum ne sera que le point d’aboutissement formel du processus d’accession à l’indépendance. Que ce processus commencera par une démarche constituante pour faire participer directement le peuple à son affranchissement. Les OUI Québec y travaillent depuis plusieurs années.
      Certes, avant l’établissement de l’assemblée constituante, un gouvernement souverainiste devra dès sa prise de pouvoir commencer à « couper les liens avec le Canada », comme vous l’affirmez. Mais on ne pourra pas refaire le Québec déconstruit dans le cadre du régime canadien voué à notre disparition, en mode accéléré depuis 1982. Les fruits autonomistes de la Révolution tranquille sont condamnés à dépérir entièrement, à moins d’un urgent sursaut collectif. Or, quelques années devraient suffire pour réaliser ce triple mouvement télescopique : 1. les gestes de rupture, 2. la constituante, 3. le référendum.
      Vous avez souvent répété ici et ailleurs qu’il fallait construire le Québec projet par projet. Je vous invite à nous dire concrètement quelles seraient les « planches de salut de la maison Québec », pour reprendre votre métaphore.
      Je prends l’initiative d’en proposer une : dès sa prise de fonctions, un gouvernement souverainiste crée la Cour suprême du Québec. Celle-ci est dotée de l’autorité ultime en tout ce qui concerne les intérêts vitaux du Québec. D’abord sa langue. La Charte de la langue française est restaurée dans toute son ampleur, y compris la clause Québec, et son application étendue, par exemple à toutes les entreprises, peu importe le nombre d’employés, et aux cégeps.