Près de 80 ans séparent Séparatisme de Dostaler O’Leary de La jeunesse au pouvoir de Julien Langella et pourtant les similarités sont frappantes. Écrits sur deux continents séparés par un océan dans deux siècles séparés par une révolution technologique et sociétale, ces deux ouvrages représentent le cri d’une jeunesse catholique nationaliste. Ce qu’on veut : que la jeunesse assume son rôle de meneur au sein de la nation et mette fin à la politique fade et insipide des partis actuels, dans un système qui relève davantage de la gérontocratie que de la démocratie. Pour Dostaler O’Leary, il faut un idéal pour soulever les jeunes et cet idéal est la fondation d’un État catholique français en Amérique.
« Ce qu’il faut, c’est cristalliser toutes nos énergies nationales autour d’une idée, d’un mythe que tout Canadien français doit défendre : l’indépendance nationale. » – Dostaler O’Leary
Pour lui, le projet autonomiste ou d’un état au sein de la Confédération est un leurre, une utopie, seule une séparation claire et nette permettra à notre peuple de voler de ses ailes et par la suite, d’entreprendre des alliances avec le Canada. Et contrairement à ce qu’en disent certains, ce n’est pas un idéal porté par une répulsion ou un anti (anti-Anglais, anti-fasciste ou anti…), mais une doctrine positive :
« Ce n’est pas la haine de l’anglais qui nous pousse à demander la constitution d’un État autonome canadien-français, mais avant tout l’esprit de conservation. » – Dostaler O’Leary
Car, faut-il le préciser, pour O’Leary, l’indépendance sert à préserver la nation canadienne-française et non pas un vague concept de nationalité civique comme le Parti Québécois le préconise. Pour lui, la race canadienne est née suite à la conquête, isolée de sa métropole. C’est comme le dit également Lionel Groulx, une race française, paysanne et profondément catholique dont seules ses vertus font qu’aujourd’hui la langue de Molière est toujours parlée sur les berges du Saint-Laurent. Sa définition de la nation n’est donc pas celle des partis actuels. Il s’inspire de Renan et de Bainville plutôt que de Gobineau, mais ajoute que la nation a une âme, un cœur. Il note qu’elle doit être homogène ce qui fait qu’il y a certes des Canadiens français et des Anglo-canadiens, mais nul Canadien. D’ailleurs, « le Canada n’est pas plus une nation que l’Europe en est une. » Cette conception ethnique de la nation n’est pas le seul point qui le distingue des politiciens actuels, notamment des péquistes : pour lui tout n’est pas basé sur l’économie et il se garde bien d’ailleurs de faire la promotion de l’indépendance pour des raisons pécuniaires à la manière d’un Claude Legault.
« Il est faut, nous dit-il, de prétendre que le bien-être économique résoudra tous nos problèmes; l’économique est un facteur dans la vie d’un peuple, mais dans un peuple organisé, ce facteur n’est pas le plus important! » – Dostaler O’Leary
Quel contraste avec nos gestionnaires néopoliticiens actuels qui ne peuvent prendre une décision sans invoquer un impératif monétaire! Il n’hésite donc pas à s’en prendre à la haute finance et la ploutocratie. Lucide, il constate bien avant que les portes de l’immigration massive ne s’ouvrent que l’immigration est instrumentalisée par Ottawa pour « noyer l’influence française ».
Que dirait-il aujourd’hui?
Au point de vue historique, l’auteur surprend en se montrant très indulgent envers les Patriotes. Il va même jusqu’à souhaiter que ses contemporains suivent leur exemple. Il sait pourtant que plusieurs étaient davantage républicains que nationalistes, mais pour lui, « il est faux, absolument faux, de prétendre que cette rébellion, que l’on eût appelée révolution si elle eût réussi, ait été essentiellement à base de principes libéraux. Nos ancêtres, nous le répétons encore, n’avaient le temps ni de disserter, ni de discuter philosophie. Ce qui les anima d’abord et avant tout, ce fut l’amour bien compris de la Patrie. Cette rébellion fut nationale avant toute autre chose. Le peuple en avait assez d’être gouverné contre lui-même par une clique d’étrangers sans principes. »
Il y a dans cette analyse un certain révisionnisme historique justifié par une tentative de récupération qu’on constate d’autant plus dans son éloge à Papineau dont l’attachement aux Lumières et aux Loges n’est plus à prouver. Pour lui, c’est un « homme peuple » qui incarne les aspirations du peuple. Il admet bien qu’il n’était pas un chef militaire ce qui a causé sa perte, mais cela n’enlèverait pas sa valeur à l’homme. Malgré son appui aux Patriotes, il ne condamne pas le clergé qui s’était opposé à eux, car il le fit de façon sincère pour « défendre avant toute chose les intérêts supérieurs de la morale catholique. »
Vint ensuite l’Acte d’Union qui pava le chemin à la Confédération actuelle qui bafoue nos droits et nous humilie. Certains traitres, comme Wilfrid Laurier et les Trudeau s’il les avait connus, y trouvent leur compte en vendant leur nation au nom de la bonne entente, mais les masses canadiennes-françaises se voient financer un système qui cherche à les détruire. C’est dans ce contexte qu’une jeunesse nationaliste motivée par la survie canadienne-française s’élève et prend part à des organisations comme Jeune-Canada et les Jeunesses Patriotes. Ce projet, comme le dira des décennies plus tard Bernard Landry, prime sur la couleur politique ou le parti et d’ailleurs, c’est l’esprit de parti, esprit de clocher particulier au monde politique qui explique le marasme actuel. D’où son objectif de faire de ce nouvel état un état corporatiste catholique, se basant un peu sur le modèle du Portugal de Salazar. Car pour lui, aucun doute possible, « la révolution nationale sera catholique ou ne sera pas. »
Pour O’Leary, « il ne doit pas y avoir de cloisons étanches entre les deux » (religion et état). Il ne veut pas imposer une théocratie, mais bien un régime inspiré du Catholicisme et vu que cette religion est incompatible avec le libéralisme, la doctrine sociale de l’Église devrait être appliquée. Pour l’auteur, qui cite Brasillach, Béraud et autres mal-pensants, la faillite du libéralisme et des idées de 1789, ainsi que de leurs idéologies dérivées que sont le communisme et le socialisme, n’est plus à prouver. D’ailleurs, il prédit la chute de la démocratie qui n’est qu’une fumisterie imposée aux peuples en leur faisant croire que ce régime leur assurerait la liberté et l’égalité tant politique que sociale. Seulement, tout comme c’est le cas avec la presse, elle est dominée par la haute finance « judéo-anglo-américaine » qui défend ses intérêts plutôt que ceux du peuple. Il ose également dénoncer les élections où les partis parviennent à l’emporter avec une minorité, une situation encore à déplorer de nos jours. Les griefs sont nombreux contre le système en place qui avilit l’homme et en appelle à ses plus bas instincts. Pour lui, c’est un régime tyrannique et perfide qui se cache sous un masque pour nous tromper. Un régime où un homme fort et responsable dirige, nomme et assume est donc nettement préférable. Celui-ci aurait les mains libres et ne serait pas enchainé par la Finance et pourrait ainsi agir pour l’intérêt général.
Avec des idées loin de ce que la pensée moderne nous impose, il n’est pas étonnant que les souverainistes actuels tentent d’effacer O’Leary et ses collègues de l’histoire indépendantiste dont la genèse ne remontrait d’après eux qu’aux années 50s et 60s.
POUR COMMANDER MAINTENANT – ÉDITIONS TARDIVEL
O’Leary, Dostaler. Séparatisme, doctrine constructive. Les éditions des jeunesses patriotes, Montréal, 1937, 218 p.