Qu’il est fort, M. Darmanin, pour faire la morale aux Britanniques. « Le Royaume-Uni n’est pas exonéré du droit international », tempête-t-il. « Nous n’accepterons jamais la pratique du refoulement en mer » (Le Monde, 29 novembre 2021). Qu’il est fort, notre président de la République, pour déclarer en conférence de presse que lui, à la présidence du Conseil européen, instaurera « la meilleure organisation de notre Europe en termes de gestion des migrations ». On en frémit d’avance mais on attend quand même de voir.
Pendant que Jupiter s’époumone en rodomontades, Boris Johnson agit. Mercredi 8 décembre, la Chambre des communes a validé son projet de loi « Nationalité et frontières », dont la première lecture remonte au 6 juillet 2021. Soutenu par le ministre de l’Intérieur Priti Pradel, ce projet britannique est actuellement étudié par la Chambre des lords, soit la chambre haute. Il sera bientôt ratifié. Excédé par le débarquement de milliers de migrants illégaux sur son territoire, le Premier ministre britannique a décidé de saisir le taureau par les cornes.
Un migrant débarquant illégalement sur la côte anglaise encourra, désormais, une peine de quatre ans de prison, contre six mois auparavant. (Nationality and Borders, 39, 2). Dans l’attente du traitement de son dossier, il sera placé dans un centre de rétention hors du territoire britannique (annexe 3 du projet de loi, p. 88-91). Des négociations ont déjà été amorcées avec l’Albanie et le Rwanda. Concrètement, un immigrant en situation illégale sera immédiatement raccompagné en avion dans un de ces pays en attendant que son dossier soit traité. Enfin, et c’est probablement la mesure qui fait s’étrangler le plus grand nombre d’apôtres de la bien-pensance, les gardes-côtes britanniques auront pour mission de raccompagner jusqu’à la côte française les migrants qui traverseraient la Manche dans l’espoir de rejoindre l’île aux trésors (p. 104 du projet, Power to stop, board, divert and detain).
Cette loi poursuit trois objectifs. D’abord, elle devrait permettre de désengorger les services administratifs et d’appliquer une immigration choisie. Ensuite, elle entend dissuader les migrants de tenter la traversée de la Manche. Enfin, elle veut faciliter l’expulsion des immigrés illégaux. Boris Johnson ne tremble pas. En réalité, il s’inspire en grande partie des mesures prises en Australie, premier pays au monde à avoir délocalisé ses centres de rétention et mis en place la politique du refoulement en mer. Condamné par l’ONU et de nombreuses associations, le pays présente aujourd’hui des résultats sans appel. Le nombre de morts dans les eaux territoriales australiennes a considérablement chuté et le pays retrouvé le contrôle de son immigration. (Le Point, 28 juin 2018).
Pendant ce temps, les États européens créent ces comités, si bien décrits par Winston Churchill : « Comité : groupe de personnes incapables de faire quoi que ce soit par elles-mêmes qui décident collectivement que rien ne peut être fait. »