La voie maritime du Saint Laurent a fourni un excellent prétexte pour justifier des préparatifs militaires de grande envergure contre le Québec.
Ces préparatifs sont restés en plan pour la simple raison qu'une telle intervention armée ne représentait aucun intérêt et n'aurait été qu'un gaspillage de moyens et de forces. Le premier hiver aurait ruiné les pouvoirs politiques et économiques engagés dans un tel exercice.
Comme les Russes, l'hiver est le grand ami des Québécois.
Nos ennemis mortels auraient été heureux de voir un seul felquiste se promener sur la voie maritime et justifier une intervention armée massive contre tout le Québec.
Sauf que la voie maritime n'est pas la voie stratégique qu'on pense.
Elle est trop limitée par la technique et trop saisonnière pour avoir l'importance suggérée par la publicité officielle.
Par exemple. un cargo de 75,000 tonnes chargé à bloc, soit 22,000 tonnes, avec tirant d'eau de 32 pieds n'entre pas dans la voie maritime, dont le tirant d'eau est limité à 26 pieds.
Il doit se délester de 11,000 tonnes afin de réduire son tirant d'eau à 26 pieds et entrer dans la voie maritime où il y a beaucoup de pertes de temps, ce qui est grave pour un navire commercial dont les coûts d'opération dépassent les $ 5000 de l'heure.
De même au retour, alors que sa charge demeure limitée à 11,000 tonnes et qu'il ne peut parcourir la voie maritime qu'à pas de tortue, avec risques élevés de blocages et d'arrêts pour cause de défauts techniques, ce qui se produit assez fréquemment.
S'il se rend effectivement à Montréal et Québec, il doit ajouter un autre 11,000 tonnes à sa charge pour devenir rentable. Autrement, il circule à pertes. Il aura besoin du crédit des banques et ces crédits ne sont plus disponibles dans les conditions actuelles.
Depuis l'arrivée des conteneurs, c'est le chemin de fer qui a pris la relève, de sorte que Montréal est redevenu la table tournante des chemins de fer dans tout l'axe du Saint Laurent jusqu'aux grands Lacs et dans l'Ouest. Demandez à mon neveu Jasmin qui vient de prendre un cours de logistique en cette matière à l'université Concordia.
Voyez dans le port de Montréal les trains qui s'organisent autour des navires à conteneurs.
Ces trains atteignent maintenant dix kilomètres de longueur et sont tirés par trois et quatre locomotives diesel.
Cet axe, linéaire et long de plus de 5000 kilomètres, est suffisamment diversifié pour que nous puissions l'exploiter à notre avantage dans l'éventualité de l'indépendance, tout comme la Hollande qui exploite l'embouchure du Rhin, dont l'axe général implique la France, l'Allemagne et la Suisse.
Ces communications sont pour nous un vaste problème stratégique et malgré Bilderberg, nous pourrons tirer notre épingle du jeu, car le monde devient de plus en plus diversifié.
La concurrence ne viendra pas de Bilderberg ni de Washington mais des ports de l'Atlantique, depuis Halifax jusqu'au golfe du Mexique. Chacun se bat pour ses intérêts et pourra de moins en moins utiliser les pouvoirs centraux comme point d'appui.
Le temps efface les préjugés et confirme les lois naturelles, dit un proverbe arabe.
Il y a beaucoup de travail à faire.
***
Une remarque qui revient sur le tapis, encore et encore, entretenue par la propagande officielle et les "commandites" est celle-ci:
"Ce que nous avons été chanceux de tomber sous domination anglaise".
Sans doute mais pas de la manière dont on le pense.
1. N'étant pas en position de force, les Anglais nous ont accordé des "concessions" que nous n'aurions jamais connues sous la France et surtout la France révolutionnaire, qui aurait apporté la guillotine au Québec pour mieux nous soumette.
N'étant pas dans une position de force, les Anglais se sont imposés des limites, qu'ils ont cherché à masquer comme des faveurs.
2. La Guerre de l'indépendance américaine impliquait d'abord l'Angleterre contre les Yankees, la France ne s'y étant mêlée que par opportunisme politique.
Obligés d'investir toutes leurs forces au sud de notre frontière, les Anglais nous ont cédé de nombreuses concessions, toujours masquées sous le vocable de "faveurs".
Les "élites" de notre bonne société ont exploité la situation à leur avantage, de manière à constituer leur propre bourgeoisie.
Dans l'ensemble, nous avons profité de la présence anglaise pour s'employer avec leurs entreprises, dont la Hudson Bay Company, qui n'aurait pas survécu sans nous et nos experts commis voyageurs, appelés à tort coureurs de bois, qui ont fondé beaucoup de nouvelles cités à l'ouest du Saint Laurent et des grands Lacs.
Cet exercice a été pour nous autant d'occasions de nous instruire et nous préparer à fonder nos propres entreprises.
Entre temps, nos religieux ont fondé plus de 600 hôpitaux aux États Unis, de même que des collèges et des universités, dont la célèbre université Notre Dame dans l'Indiana, une des plus prestigieuses aux États Unis, fondée par la Congrégation de Sainte Croix, fondatrice des collèges Notre Dame et Saint Laurent à Montréal et de l'Oratoire Saint Joseph.
3. Menacés par les développements des communications dans la vallée de la Mohawk et de la croissance exponentielle de la ville de Buffalo sur le lac Érié, les Anglais ont hâtivement poursuivi la construction des canaux et chemins de fer du Saint Laurent, afin d'occuper et tenir les basses terres des grands Lacs, région la plus stratégique à l'ouest de Montréal.
Dans le même temps historique, ils ont construit le pont Victoria à Montréal, ouvert en 1860 et qui a servi aux mouvements migratoires des Loyalistes du Québec, attirés par l'Ontario méridional, où d'importants avantages les attendaient, compte tenu de l'importance stratégique de la région, qu'il fallait occuper, développer et défendre en même temps.
Pendant cette période historique et stratégique pour nous, nos institutions financières ont acheté une à une les terres, domaines et entreprises des Loyalistes, avec Acte de Vente final et Sceau Royal. Comme conquête territoriale, qui dit mieux ?
Que veut-on de plus comme preuve que c'est NOUS QUI AVONS GAGNÉ ET CONQUIS, GRANDS DIEUX !
4. .Finalement, protégés et isolés par notre rude géographie, nous en avons profité pour conquérir et créer nos propres institutions.
En 1960, cent ans l'ouverture du pont Victoria, Jean Lesage, nouvellement élu, pouvait parler de l'État du Québec.
C'était le début d'événements majeurs dans une prise de conscience collective de notre identité et qui n'est pas encore arrivée à maturité.
Donc, l'arrivée des Anglais nous a permis de repartir sur de nouvelles bases, sauf que nous ne leur devons rien.
Nous les avons amplement payés pour services rendus. Nous voulons poursuivre et à cette fin, nous devons nous défaire d'Ottawa et de Bay Street a Toronto, sans haine ni rancune.
Nous avons les moyens de le faire maintenant. Ce qui nous manque encore, c'est une
VOLONTÉ QUI TRADUISE NOS INTENTIONS EN ACTE.
Est-ce qu'on va finir par comprendre ?
JRMS, géographe
Comme les Russes, l'hiver est le grand ami des Québécois
Tribune libre 2009
René Marcel Sauvé217 articles
J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en E...
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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].
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1 commentaire
Raymond Poulin Répondre
2 juin 2009Alors, c’est d’abord aux ténors indépendantistes qu’il faut expliquer cela, ce que vous faites ici même. C’est le genre d’argument concret dont il faut aviser tout le monde. Comme nous ne pouvons compter sur les médias commerciaux liés aux pouvoirs économique et politique en place, cela doit être le travail des indépendantistes convaincus auprès du plus de gens possible. Ce serait beaucoup plus efficace que de discuter à n’en plus finir du sexe des anges et de s’embrocher mutuellement à propos du PQ dans Vigile. Merci.