Les insultes fusent contre moi depuis que j’ai rappelé à Jean Chrétien dans le cadre de TLMEP, dimanche dernier, que le nombre de francophones hors Québec continuait de baisser. Lui affirmait que sans le Canada, le français n’aurait pas été protégé au Québec et dans le reste du pays.
Je suis la messagère sur qui on tire alors que je me suis toujours sentie interpellée par le courage et la détermination de ces résistants que sont les francophones hors Québec.
Bien sûr, ces francophones sont plus nombreux en Acadie et en Ontario. Et l’Alberta connaît une augmentation spectaculaire de francophones grâce entre autres à tous ces Québécois qui y vivent depuis le boom pétrolier. Selon Statistique Canada, d’ici 2036, la croissance de la population francophone atteindrait 25 %.
Mais les statistiques montrent aussi le déclin ailleurs des communautés francophones composées de Canadiens français. Au Manitoba, par exemple, les francophones de langue maternelle ne représentent plus que 43 000 personnes, c’est-à-dire 3,4 % de la population.
Vrais défenseurs
Les Métis, à qui j’ai rendu visite en janvier dernier, sont d’admirables défenseurs du français. J’ai été émue par leur combativité et leur acharnement à faire perdurer leur langue. Rappelons que Louis Riel, leur héros, fut tué par les Anglais à cause de ses convictions.
Quel est le sort des francophones du Canada anglais dans cette tour de Babel qu’est le multiculturalisme de Trudeau ? Comment nier que cette atomisation des communautés culturelles, que l’on invite à affirmer leurs droits et leurs différences, ne minorise pas davantage les Canadiens français hors Québec ?
Je voudrais bien avoir tort et je suis blessée lorsque ces francophones à la peau si sensible — je les comprends — m’accusent de presque tous les péchés commis depuis le début de la Confédération par les autorités canadiennes-anglaises. Les francophones hors Québec ont été humiliés. Le français fut interdit d’enseignement au Manitoba et en Ontario et à peine toléré ailleurs. Pour tous les Canadiens français, le souvenir est douloureux.
Nationalisme québécois
Sans l’émergence du nationalisme revendicateur du Québec, la décision du gouvernement de PE Trudeau de faire voter en 1969 la Loi sur les langues officielles n’aurait jamais été prise. Mais cette loi ne permet pas de vivre en français. Elle n’offre que des services en français dans les institutions fédérales.
Et certaines communautés ruent dans les brancards. Les Ukrainiens, ignorant l’histoire du Canada, comprennent mal pourquoi les francophones possèdent un « privilège » attaché à leur langue. À Richmond, en Colombie-Britannique, c’est le chinois qui s’affiche à côté de l’anglais dans plusieurs quartiers. Et l’affichage uniquement en chinois est répandu.
Affirmer comme je l’ai fait que le français perd du terrain au Canada est un simple constat, ni un souhait, et aucunement une insulte. Faut-il rappeler aussi que le pouvoir des francophones diminue et que Montréal n’est plus une ville majoritairement francophone ? Nombre de Québécois francophones dont les ancêtres sont arrivés au XVIIe siècle craignent aussi de disparaître. Que nos frères et sœurs hors Québec sachent que nous sommes tous solidaires face à la société multiculturaliste qui vogue allègrement vers le « progrès ».