Québec -- L'ex-ministre du gouvernement Lévesque et ancien informateur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Claude Morin, vient de publier un livre visant à rétablir sa réputation et à corriger certains faits déformés, selon lui, par les journalistes qui ont traité de «l'affaire Morin», à commencer par le journaliste Normand Lester.
«Dans le domaine médiatique, il m'est arrivé l'équivalent d'une erreur judiciaire», a soutenu Claude Morin au cours d'un entretien téléphonique. Avec ce livre de 257 pages intitulé L'affaire Morin. Légendes, sottises et calomnies, l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales maintenant âgé de 76 ans veut éliminer les «racontars» des livres d'histoire. Claude Morin règle ses comptes avec Normand Lester, mais aussi avec le biographe de René Lévesque, Pierre Godin, et celui de Jacques Parizeau, Pierre Duchesne. Il taille en pièces le témoignage de Loraine Lagacé qui a donné du poids aux révélations livrées par Normand Lester en 1992. C'est elle qui avait informé René Lévesque des activités clandestines de M. Morin en 1981 alors qu'elle était directrice du bureau du Québec à Ottawa. «C'est une information confidentielle, venant de moi, qui a provoqué les réactions et les gestes de Mme Lagacé. Rien d'autre», écrit-il. Mme Lagacé, qui passe dans ce livre pour une mythomane à l'imagination fertile, n'a donc pas appris par une tierce partie que M. Morin était un informateur à la solde de la GRC.
Dans son livre, Claude Morin étoffe sa version des faits : il a accepté de collaborer avec la GRC parce qu'il croyait que le corps policier fédéral préparait un coup fourré à l'encontre du Parti québécois. Il cherchait donc à savoir pour apprendre finalement que ce sont les liens entre le PQ et des pays étrangers qui intéressaient la GRC. C'est d'ailleurs ce que répétaient ses agents à M. Morin lors des rencontres.
On apprend peu de choses nouvelles sur cette collaboration sinon que c'est lui qui a abordé la question de la rémunération avec la GRC. Lors d'une des premières rencontres, Claude Morin se demande comment la GRC paie ses informateurs. «Politiquement incorrect, sans mettre de gants blancs et feignant l'ignorance, j'avais même demandé s'il arrivait que la GRC paie des gens pour la renseigner !», écrit-t-il. Puis, un peu plus loin, on apprend que, lors de l'entretien suivant, la GRC lui offre justement un dédommagement et qu'il se montre «estomaqué» par la chose.
Claude Morin publie le contenu de quelques notes qu'il prenait à l'issue de ces rencontres avec un gradé de la GRC. Mais ces bribes ne font qu'illustrer la thèse de M. Morin qui veut qu'il ne fournissait que de l'information déjà connue ou qu'il tentait de s'informer subtilement du fonctionnement et des visées de la GRC. «J'en profite pour faire un petit numéro de panique simulée, indiquant que je craignais au plus haut point que toutes ces histoires finissent par me faire découvrir. Il me rassure, soulignant qu'aucun personnage politique n'était au courant», peut-on lire dans une de ces notes. Or Marc Lalonde a confié à Pierre Duchesne qu'il avait appris l'implication de Claude Morin de la bouche du Solliciteur général du Canada de l'époque, Francis Fox.
M. Morin réitère que ses interventions auprès de son interlocuteur de la police fédérale ont permis à plusieurs reprises de «couvrir» ou de rectifier le dossier de personnes dont certaines d'entre elles ont fait carrière comme fonctionnaires fédéraux.
Tout au long de l'ouvrage, Claude Morin s'en prend à Normand Lester, sa tête de Turc, surtout pour le chapitre d'un livre du journaliste, Enquête sur les services secrets, qui traite de l'affaire Morin. Il réfute la thèse de Lester voulant que, craignant le chantage du gouvernement fédéral, il ait trahi le Québec en lui donnant des informations sur la diplomatie québécoise. Dans une prose, où se mêlent l'ironie et le sarcasme, qu'on ne lui connaissait pas, Claude Morin parle du «lestérisme primaire» que pratique ce «charlatan» et qui allie «la création romanesque, la minceur de l'intrigue et la brièveté du récit».
Dans un des derniers chapitres du livre intitulé «Le stratège énigmatique», un personnage qu'il se défend d'avoir incarné, Claude Morin réfléchit sur la perception de la population à son endroit. Il évoque aussi un jeu informatique où, en modifiant un simple événement, on change le cours de l'histoire. «Après réflexion, je songeai un moment à "aller voir" moi-même. Mais, en raffinant l'analyse, j'en arrivai à la conclusion qu'il me fallait rejeter l'invitation. Celle-ci comportait trop de risques. [...] Mieux valait laisser les agents de l'ombre s'agiter dans leur pénombre, ne pas s'occuper d'eux. Sitôt que je lui eus annoncé ma décision, l'officier de la GRC me quitta. Je ne l'ai plus jamais revu.» Mais, dans la vraie vie, on ne réécrit pas l'histoire, et des agents de la GRC, Claude Morin en voit encore... en pensée.
L'affaire Morin. Légendes sottises et calomnies
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