Lors de son allocution télévisée du 16 mars 2020, Emmanuel Macron a affirmé que du fait de l’épidémie de coronavirus, « beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent ». Mais il n’a pas précisé lesquelles, comme à son habitude, ce qui ne nous avance pas beaucoup.
On se permettra donc ici d’éclairer la lanterne présidentielle en proposant cinq premiers enseignements à tirer de l’épidémie.
1er enseignement – Les régimes autoritaires d’Asie, la Russie et les « démocraties illibérales » de l’Est européen se sortent manifestement mieux de l’épidémie que les États postdémocratiques occidentaux comme la France, l’Italie ou l’Espagne.
Pourquoi ?
Parce que les postdémocraties occidentales restent engluées dans leur carcan idéologique, leurs prétendues « valeurs » : ne pas fermer les frontières, ne pas discriminer les porteurs potentiels du virus, accueillir les migrants, laisser faire-laisser passer. Alors que les despotismes éclairés d’Asie ont été beaucoup plus pragmatiques et ont immédiatement fermé les frontières, pris des mesures drastiques de confinement et mobilisé massivement les professions de santé.
L’épidémie montre que les postdémocraties ne sont pas capables de décisions rapides et impopulaires, comme on l’a vu en France où, élections municipales obligent, le gouvernement a tardé à prendre les mesures de confinement nécessaires et a multiplié les injonctions contradictoires : « Allez voter mais restez chez vous ! Travaillez et consommez mais restez confinés ! »
Les politiciens postdémocratiques parlent beaucoup et souvent : ils « communiquent » et font de la « pédagogie » à tour de bras. Mais leur capacité à agir ne suit pas. C’est bien la « classe discutante » contre laquelle Donoso Cortés mettait en garde au XIXe siècle !
Nos gouvernants se plaignent enfin du manque de civisme de nos concitoyens face aux consignes de confinement, renversant habilement les responsabilités. Mais cela fait plus de 30 ans qu’ils ont méthodiquement déconstruit, au nom de l’idéologie libérale libertaire et du cosmopolitisme, la citoyenneté et les devoirs qui vont avec dans les postdémocraties occidentales.
Les élites occidentales prétendaient bâtir une société d’individus, libérés de toute entrave : on voit aujourd’hui qu’il ne s’agissait que d’un oxymore affreux, débouchant sur la guerre de tous contre tous avec pour carburant l’égoïsme fanatique.
On pensera à Bossuet pour qui « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »… Alors que les autres sociétés d’Asie, de Russie ou de l’Est européen, beaucoup plus holistes, ont un meilleur sens du bien commun que nous.
2e enseignement – En Occident, l’épidémie du coronavirus démontre que, comme dans le conte d’Andersen, « le roi est nu ». Plus exactement, l’État est nu.
Les préfets montrent leurs casquettes quand il s’agit de matraquer les Gilets jaunes ou de pourchasser les automobilistes autochtones. Ils sont déjà moins pressés d’assurer l’ordre dans les banlieues de l’immigration et les 1 500 zones de non-droit qui pullulent maintenant en France du fait du chaos migratoire.
Mais quand il faut relever un vrai défi vital on n’est plus du tout à la hauteur. Pas de masques pour la population, pas assez de matériels de dépistage, hôpitaux en surcharge, police sous-équipée, défense passive inexistante. Où sont nos fameux « stocks stratégiques » ?
Comme le faisait remarquer avec justesse Éric Zemmour, pour faire la guerre il faut une industrie : mais justement on n’a plus d’industrie en France ou, en tout cas, on en a de moins en moins, délocalisations obligent. La majorité des principes actifs des médicaments vendus en France proviennent ainsi de l’étranger. Le coronavirus met en lumière l’incroyable dépendance dans laquelle se trouvent notre pays et l’Europe, notamment depuis que la Chine, l’Asie et l’Inde sont devenues l’atelier du monde.
Nous sommes en train de vivre concrètement le fameux adage : « Quand tout sera privatisé, on sera privé de tout. »
Le président Erdogan faisait d’ailleurs remarquer lors d’une conférence de presse que la crise du coronavirus mettait en lumière les carences des systèmes de protection et de santé occidentaux ; selon lui, « les pays occidentaux ne se sont pas occupés de leurs citoyens pendant des années, après avoir donné les services d’État de base au secteur privé. En réalité, cela a été fait pour fuir leurs propres responsabilités envers leurs citoyens [1] ».
Même « le quotidien de référence » du Système, le journal Le Monde, doit concéder que « les autorités tentent de masquer les carences logistiques par des arguments scientifiques à géométrie variable [2] ».
Le coronavirus montre que l’État n’est plus capable d’assurer correctement sa mission régalienne essentielle : protéger les Français.
On imagine évidemment ce qui se passerait en cas de vraie guerre : civile, nucléaire, bactériologique ou les trois à la fois. On nous dirait sans doute de mettre en œuvre, encore, les fameux « gestes barrière » !
3e enseignement – L’épidémie du coronavirus achève de confirmer l’incapacité de l’Union européenne de faire face à quoi que ce soit de vital.
Il n’y a plus qu’Emmanuel Macron, naufragé de l’européisme, pour feindre de croire en l’UE. Laquelle vient d’accoucher laborieusement d’une douteuse fermeture des frontières extérieures de l’Union, après tout le monde, et alors que nombre de pays membres ont déjà fermé les frontières intérieures, sauf la France bien entendu.
Cette incapacité européenne tient au fait que, comme le rappelait Hubert Védrine, l’UE n’a pas l’idée de puissance dans son ADN. Privée de son Big Brother américain, elle ne sait rien faire, elle ne peut rien faire, à part déconstruire l’identité européenne. Comme elle n’a, pour toute réplique au chantage aux migrants de son souteneur turc, que de payer rançon sur rançon.
« L’union fait la force » : ce n’est pas l’UE qui le démontre, c’est ce que les Chinois ont inscrit, non sans ironie, sur les stocks médicaux qu’ils envoient au secours de l’Europe !
L’UE n’est pas un État et ne dispose d’aucun des attributs d’une puissance publique. Les transferts de souveraineté opérés à son profit tombent dans un gouffre sans fond et ne profitent qu’aux lobbies.
Or, quand une crise vitale survient, seuls les États peuvent agir, pas les « machins » où l’on parlote à 27. L’épidémie du coronavirus marque l’acte de décès du rêve mondialiste de Jean Monnet.
4e enseignement – L’épidémie de coronavirus prouve que le monde est en train de changer radicalement, et cela aux dépens des Européens.
Car les Européens ont perdu ce qui faisait autrefois leur supériorité face aux autres civilisations : une forte démographie, une économie prospère, la maîtrise de la science et des armes, la confiance en eux-mêmes.
Comme l’a bien analysé Samuel Huntington, le monde s’est modernisé sans s’occidentaliser pour autant.
Contrairement à ce que nous font croire les médias, les « valeurs » de la postmodernité ne se répandent pas dans le monde mais elles se cantonnent au monde occidental, c’est-à-dire à une part déclinante de la population mondiale. Celle qui feint de croire que les races n’existent pas, que les femmes sont des hommes comme les autres, que les homosexuels doivent se « marier », qu’il faut abandonner le contrôle de l’économie aux forces du marché ou supprimer les frontières.
Le monde ne s’occidentalise pas ; le coronavirus montre que c’est plutôt l’Europe qui se tiers-mondialise [3], avec ses services publics qui fonctionnent de moins en moins, ses trains qui n’arrivent plus à l’heure, ses hôpitaux où les malades s’entassent dans les couloirs, ses écoles où l’on n’apprend plus rien, son insécurité urbaine, ses violences ethniques et ses politiciens corrompus qui fraudent le fisc.
Dans certaines églises catholiques, on a vidé les bénitiers par peur de la contamination : le virus aurait-il déjà triomphé de Dieu en Occident ? Pas dans les mosquées en tout cas.
Dans les années soixante, on faisait encore la quête en Europe pour nourrir les petits Chinois. Aujourd’hui, les Chinois nous apportent le matériel médical qui nous manque. Quel symbole du déclin européen !
5e enseignement – L’épidémie de coronavirus dissipe les nuées dans lesquelles les Européens vivaient confortablement.
Finies les querelles byzantines sur la mondialisation heureuse, la quête du développement durable, les énergies renouvelables, la PMA-GPA, la lutte contre « la haine en ligne » et les trottinettes ! Même Emmanuel Macron affirme suspendre ses réformes pour cause d’épidémie !
Les nuées cèdent la place à la convergence des catastrophes qu’avait prévue il y a 15 ans l’essayiste Guillaume Faye [4], et qui s’abattent désormais sur une Europe mal préparée à tout.
Car, à la catastrophe migratoire, aux risques climatiques et à l’effondrement démographique, s’ajoutent désormais la catastrophe sanitaire et la crise économique qui s’abattent sur une Europe ouverte à tous les mauvais vents. Le tout sur fond de défiance abyssale entre les peuples européens de l’Ouest et leurs élites. C’est 1929 en pire qui s’annonce.
Le progressisme officiel, qui n’avait rien vu venir une fois encore, voit sa crédibilité s’effondrer aussi vite que l’épidémie se diffuse en Europe. C’est une bonne nouvelle.
L’histoire est bien « le lieu de l’imprévu », comme l’affirmait Dominique Venner ! Le coronavirus l’a fait revenir.
Michel Geoffroy
24/03/2020
[1] Sputnik news du 19 mars 2020.
[2] Le monde.fr du 19 mars 2020.
[3] Selon l’expression de Bernard Conte.
[4] Corvus (Guillaume), La Convergence des catastrophes, DIE éditions, 2004.
Source : Correspondance Polémia