Depuis que j’ai le privilège d’avoir une tribune dans un grand média, j’ai pu confirmer une intuition que j’avais lorsque je travaillais en politique, à savoir que de commenter l’actualité est bien plus facile que d’en être un acteur.
Je ne me dédirai pas ! Quand on conseille le prince, nos opinions ou nos analyses peuvent avoir des conséquences funestes pour les gens qu’il représente ou les objectifs qu’il poursuit. Inversement, le plus grand péril qui guette le chroniqueur est celui d’attraper l’air fou.
Car s’il y a une chose que j’ai comprise depuis que je suis passé de l’autre côté, c’est que vous êtes là, fidèles lecteurs, pour nous le rappeler quand on se trompe ou que l’on se contredit. J’ai aussi constaté que les relationnistes des partis politiques trouvent notre numéro de téléphone beaucoup plus rapidement lorsqu’ils souhaitent se plaindre d’un texte que quand il s’agit de répondre à nos messages, ce qui est de bonne guerre.
« S’accorder le crédit »
Je pense à ce bon vieux Fern, interprété par Paul Houde. Dans le film Les Boys II, il nous disait, citant Jacques Plante, qu’il est important de se remercier après une bonne performance. Ou, pour employer un autre cliché de hockey, de « s’accorder le crédit », à l’occasion.
Bref, je tiens à féliciter tous mes collègues qui, depuis des mois, sinon des années, prédisent que la personnalité abrasive du tumultueux ministre de la Santé deviendrait tôt ou tard un boulet pour son parti d’accueil. Les médias ont eu beau faire des enquêtes de fond pour démontrer les troublants antécédents de Gaétan Barrette, le radiologiste intimidateur, on a eu beau publier des dizaines d’analyses pour prévenir Philippe Couillard que ses réformes mettaient trop les médecins au centre de tout, rien n’y fit.
Mieux encore, lors du dernier remaniement, quand les journalistes s’étonnaient qu’on n’ait pas profité de l’occasion pour déplacer le malcommode, le premier ministre en prit ombrage. Il savait, nous pas.
Avec le résultat qu’on connaît. Les libéraux croupissent sous les 20 % dans le vote francophone.
De même, ça fait des mois, sinon des années que des observateurs pointent l’immense vacuité intellectuelle de Justin Trudeau et l’extrême minceur de son bilan. C’est après avoir légalisé le cannabis et nous avoir ramené à l’ère des déficits structurels que ses poses de fou rire ont fini par révéler à la Terre entière que le roi était nu.
À un point tel que le très beige Andrew Scheer pourrait bientôt déloger Trudeau, comme en témoignent les sondages... sauf au Québec ! Quel dommage que plus personne au Bloc québécois ne s’intéresse à ce qui préoccupe les citoyens.
Imprévisible
À la fin, quelle conclusion en tirer ? Qu’il y a des chroniqueurs un peu immatures qui ont besoin de se faire dire à l’occasion qu’ils ont eu raison ?
Plutôt le contraire, en fait. À se rappeler que ce qui rend la politique si intéressante à analyser, c’est justement quand elle se montre imprévisible et qu’elle permet à des choses qu’on aurait crues impossibles de se réaliser.
Ce qui fait survenir de tels événements, c’est souvent lorsque certains acteurs de l’actualité s’obstinent à continuer dans une direction insensée, contre toute logique.
Bref, le manque de clairvoyance d’un Philippe Couillard ou d’un Justin Trudeau est en train de paver la voie à des surprises qui seront très agréables à commenter.
Restez à l’écoute ! Et, surtout, merci de nous lire...