Chronique d’une trahison annoncée

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Les contradictions de la gauche souverainiste


Au moment où le PQ cherche à se réinventer, voir Réjean Hébert tourner aussi ostensiblement le dos à la souveraineté est évidemment un coup très dur, mais il y avait des signes avant-coureurs de cette défection.


En février 2016, M. Hébert avait signé dans L’Observatoire des réformes de santé un texte qui contrastait violemment avec ce qu’il disait à l’époque où il était ministre de la Santé dans le gouvernement de Pauline Marois, alors qu’il dénonçait énergiquement les dédoublements et les empiétements du gouvernement fédéral sur les champs de compétence des provinces.


« Le fédéral pourrait proposer une loi sur les services de longue durée qui établirait des principes à respecter par les provinces lors de la mise en place d’une assurance de soins et de services à longue durée. Comme ce fut le cas de l’assurance maladie, cette intrusion du fédéral dans un domaine de juridiction provinciale pourrait être réalisée via son pouvoir constitutionnel de dépenser », écrivait-il.


Cela était non seulement contraire au credo souverainiste, mais allait également à l’encontre de la position que tous les gouvernements du Québec, peu importe le parti dont ils étaient issus, avaient défendue depuis des décennies. L’existence même du pouvoir fédéral de dépenser, dont la constitution canadienne ne fait aucune mention, a toujours été contestée. Quand M. Hébert était ministre, le Québec s’était d’ailleurs retiré du Groupe de travail sur l’innovation en matière de santé mis sur pied par le Conseil de la fédération pour protester contre la participation du gouvernement fédéral à certains programmes, qui était souhaitée par les autres provinces.




Pas plus tard qu’en décembre dernier, il a pris position en faveur d’Ottawa, quand la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a menacé de sévir contre le Québec si le gouvernement Legault persistait à laisser le secteur privé offrir des services diagnostiques facturés directement aux patients.


Dans un texte publié dans Le Soleil, il écrivait : « Encore une fois, c’est le fédéral qui doit intervenir pour préserver notre système de santé public et universel des dérives provinciales. L’histoire de notre système de santé démontre le rôle essentiel du gouvernement fédéral dans le champ de la santé, même si la constitution ne lui réserve qu’une place marginale. Plutôt que de s’en offusquer, il faut s’en réjouir et applaudir l’intervention fédérale. »


Selon le chef intérimaire du PQ, Pascal Bérubé, l’attitude de M. Hébert ne peut s’expliquer que par son désir de redevenir ministre de la Santé, n’importe où et à n’importe quel prix. Il est vrai qu’une conversion aussi spectaculaire aux bienfaits du fédéralisme laisse perplexe. M. Hébert n’est pas le premier à changer de parti ou de niveau de gouvernement, mais quitter le PQ pour adhérer au parti le plus centralisateur à Ottawa est pour le moins inusité.


Gaétan Barrette, qui semble décidément s’amuser beaucoup depuis qu’il est dans l’opposition, a sans doute trouvé la meilleure comparaison en Vincent Marissal, qui a fait le parcours inverse en se faisant élire dans Rosemont sous les couleurs de Québec solidaire après avoir été éconduit par le Parti libéral du Canada.


 

On a reproché bien des choses à M. Barrette quand il était ministre, mais il défendait bec et ongles les champs de compétence du Québec. Le zèle des nouveaux convertis est bien connu et la possibilité que M. Hébert prenne les commandes de la Santé à Ottawa est certainement inquiétante pour les relations fédérales-provinciales, qui ne sont déjà pas faciles.

Le cas de M. Hébert n’en illustre pas moins jusqu’à la caricature le dilemme auquel font face plusieurs souverainistes progressistes, qui détestent voir Ottawa envahir les champs de compétence dont la constitution reconnaît l’exclusivité aux provinces, tout en adhérant aux principes de la Loi canadienne sur la santé, qui justifient ces intrusions. Qu’il s’agisse de tickets modérateurs, de frais accessoires ou de toute autre forme d’accroc à la gratuité et à l’universalité des services de santé, force est de reconnaître que le gouvernement fédéral joue le rôle de chien de garde.


Malgré certains accrocs, le gouvernement Legault semble avoir écarté pour le moment la « médecine à deux vitesses » que préconisait l’ADQ. S’il est vrai que le privé occupe une place de plus en plus importante dans la livraison des services de santé, le financement public demeure généralement la norme. La bonne santé des finances publiques contribue présentement à éloigner la tentation du privé, mais elle reviendra inévitablement un jour ou l’autre. Qui sait, certains de ceux qui vouent aujourd’hui M. Hébert aux gémonies pourraient un jour se surprendre à lui être reconnaissants.









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