Quelques heures après le décès du patron de Total, dans le crash de son avion au décollage, près de Moscou, le Kremlin s’est ému. Le président russe Vladimir Poutine a déploré la perte d’« un vrai ami » de la Russie, en saluant le « dévouement » de Christophe de Margerie dans les relations franco-russes. « Il va nous manquer », a ajouté le chef du gouvernement, Dmitri Medvedev.
Ami de la Russie, le pétrolier l’était sans ambiguïté. L’escalade des tensions entre Moscou et l’Europe et la montée d’un sentiment anti-Russe, suite aux agissements de la Russie en Ukraine, avait fait du patron un défenseur de Moscou.
M. de Margerie faisait partie des rares PDG à s’exprimer ouvertement pour dénoncer les maladresses de l’Europe dans la crise russo-ukrainienne. Le Monde avait rencontré, le 12 septembre, le patron de Total au 44e étage de la tour du groupe pétrolier à la Défense pour évoquer le sujet de la Russie, de l’Ukraine et de l’embarras des patrons français.
« DANS L’ÉNERGIE TOUS LES SUJETS SONT LIÉS À LA POLITIQUE »
Si M. de Margerie se refusait à « faire de la politique », il semblait bien un interlocuteur privilégié du Kremlin. « Dans l’énergie tous les sujets sont liés à la politique. Ça s’appelle la sécurité d’approvisionnement », expliquait-il, reconnaissant « des rendez-vous ponctuels » avec le Kremlin.
Sa dernière visite à Moscou où « Big moustache », comme l'appelaient ses employés, se serait rendu dans la Datcha de M. Medvedev, en est une illustration.
Quand bien même les agissements de M. Poutine en Ukraine auraient été sujets à caution, l’homme pouvait mettre de côté ses états d’âme au nom de la défense de Total et des emplois.
« En Russie, Total est une société russe », disait-il. « Quand on est en Russie, on est Russe. On se doit de respecter les lois du pays dans lequel on est. Et on va même au-delà, en s’imposant notre charte éthique, qui est notre propre ligne de conduite ». Et d’ajouter : « nous sommes pragmatiques. Je suis responsable d’emplois en France et à l’étranger. On défend notre entreprise, sans excès. »
Les hydrocarbures s’extraient, il est vrai, souvent dans des démocraties peu exemplaires et M. de Margerie avait su, depuis son entrée dans le groupe, construire un discours pour défendre les positions du groupe, partout où il était présent. Y compris dans les dictatures.
« Nous sommes présents dans 130 pays dans le monde. Il est presque impossible que dans un pays où on est présent il n’y ait pas, à un moment ou à un autre, un problème », déclarait-il.
« J’ESSAIE DE FAIRE BOUGER LES CHOSES »
Sûr que Total, par l’enjeu qu’il représente pour la France et la Russe, ne serait pas la victime d’une nouvelle guerre froide, M. de Margerie faisait avancer une forme de diplomatie économique, en prenant soin de ne pas braquer le quai d’Orsay.
A l’instar du gratin du CAC 40, il était ainsi de la réunion controversée du 1er septembre à l’ambassade de Russie pour accueillir le président de la Douma, Sergueï Narychkine.
Ce dernier, objet de sanctions internationales, avait pu contourner l’interdit en étant invité d’une organisation internationale : l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
« Avec M. Narychkine, je dialogue. C’est un francophile et un francophone. Je le vois car j’essaie de faire bouger les choses, dans les deux sens, de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’amalgame », nous avait-il expliqué.
« J’ai pris un ton très calme. On a fait le maximum de ce qu’on pouvait faire », avant de glisser : « on a autre chose à faire en France que de se battre avec la Russie ». Et le patron d’assurer : « Je ne fais pas de politique. Ni en France, ni en Russie. »
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