Choisir une qualité de vie avant un niveau de vie

Tribune libre


Ma conjointe et moi refusons de suivre la parade. Nous refusons la logique actuelle du développement sauf en ce qui concerne les personnes démunies de notre société et les peuples en voie de développement dans le monde. Nous refusons la logique du développement incarné ici par des projets comme l'échangeur Turcot, l'exploration gazière et pétrolière dans le sous-sol québécois et le fleuve Saint-Laurent, la construction de barrages sur la rivière La Romaine sur la Côte-Nord ou le Plan nord de Jean Charest. Nous refusons cette logique du développement à tout prix au détriment de notre environnement et de notre qualité de vie.
Ma conjointe et moi avons la chance de vivre à deux pour partager les dépenses. Nous choisissons un mode de vie inspiré de la simplicité volontaire. Nous limitons notre temps de travail, donc nos revenus, pour avoir plus de temps à nous. Nous consommons peu. Notre budget est presque exclusivement consacré aux dépenses de base comme le logement, la nourriture et le transport, avec quelques gâteries en plus. Nous avons la chance d'avoir un logement peu coûteux, ce qui nous permet de voyager. Nous n'avons pas de voiture pour des raisons écologique et économique. Nous en louons une au besoin pour aller dans la nature ou partir en vacances. Nous n'avons pas de dettes et malgré nos revenus limités nous mettons de l'argent dans notre REER pour réaliser notre futur projet de vivre à la campagne.
Lorsque l'on voit les gens courir tout le temps autour de nous et être très endettés. Lorsque nous voyons autant de gens malades ou sur les pilules. Lorsque nous voyons autant d'enfants la clé autour du cou ou sur le Ritalin. Lorsque nous voyons autant de jeunes décrocher de l'école. Nous nous demandons si les gens font des bons choix individuels, si la société québécoise fait les bons choix collectifs et si les priorités sont à la bonne place.
Lorsque nous pensons que les grands projets économiques profitent avant tout à une minorité de gens, actionnaires, promoteurs, entrepreneurs, architectes, ingénieurs, syndicats et syndiqués qui ont leurs bonnes entrées au gouvernement et si peu à la collectivité, nous nous demandons si nous ne sommes pas dans une oligarchie déguisée en démocratie. Quand nous pensons également au prix environnemental à payer pour ces mêmes projets visant à créer de la richesse mal distribuée on se demande si le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Et si l'on se disait que l'on a maintenant tout ce qu'il nous est nécessaire pour vivre sauf pour les plus démunis d'entre nous. Et si l'on se disait que la protection de notre patrimoine naturel commun à transmettre à nos enfants et nos petits enfants passe avant notre consommation personnelle . Et si l'on se disait que nous sommes prêts à diminuer notre niveau de vie pour avoir une meilleur qualité de vie. Et si l'on se disait que notre projet de société au Québec et à mettre de l'avant dans le monde est avant tout de profiter de la vie plutôt que de la gagner. Combien d'entre nous seraient d'accord ?
Yves Chartrand
Montréal


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