Ça y est. Sans le savoir, Charest vient de franchir le Rubicon. Le contrôle sur la suite des choses commence à lui échapper. L’annonce par un citoyen de Joliette, Pablo Lugo Herrera, de son intention d’entamer une grève de la faim si Jean Charest ne décrète pas un moratoire sur les gaz se schistes et ne déclenche pas une enquête sur l’industrie de la construction illustre à quel point la situation actuelle est devenue révoltante.
S’il ne venait pas appuyer les demandes répétées d’une très forte majorité de la population québécoise au cours des quinze derniers mois, ce geste pourrait facilement nous être présenté comme celui d’un exalté en quête de publicité personnelle. Or le comportement actuel du gouvernement Charest en dépit des objections, des protestations et des adjurations qui lui sont adressées de toute part, se trouve en fait à le légitimer.
Jusqu’ici, les grèves de la faim ont surtout été menées par des gens qui cherchaient à régler un cas personnel comme par exemple un ordre d’extradition vers leur pays d’origine. Les cas où la grève de la faim est employée pour protester contre une situation d’intérêt public sont beaucoup plus rares. Et il est encore plus rare qu’ils correspondent à l’opinion de la majorité de la population.
Le fait que l’initiative soit celle d’un citoyen issu des rangs de l’immigration, une clientèle politique traditionnellement acquise au PLQ, n’est pas non plus sans intérêt. Il faut y voir un signe que les appuis les plus sûrs sur lesquels il pensait pouvoir compter quoiqu’il arrive commencent à lui faire faux bond.
Les mâchoires de la défaite sont en train de se refermer sur Jean Charest, et il ne lui sera désormais plus possible d’échapper à son sort à moins de faire justement ce qu’il se refuse à faire. Dans les jours qui viennent, plusieurs événements viendront raviver la conviction de la population quant à la nécessité d’une enquête.
En effet, l’appel à la signature de la pétition demandant la démission du premier ministre doit prendre fin le 15 février, et il faut prévoir que les organisateurs de cette initiative chercheront à publiciser le résultat de leur démarche. Ce serait bien le diable si un média ou un autre n’ait pas prévu de tenir dans ces jours-là un autre sondage qui viendra encore démontrer le degré d’impopularité de Jean Charest et le désir de la population qu’une enquête ait lieu.
Toutes proportions gardées, Jean Charest se trouve dans la position de ces leaders de pays arabes qui cherchent à s’accrocher au pouvoir coûte que coûte contre la volonté de leur population. S’il continue à s’obstiner, il connaîtra le même sort. Et plus attendra, plus les conséquences seront lourdes pour lui.
D’où ce questionnement. Charest n’est pas un imbécile. Il comprend sûrement la situation. Alors, s’il s’accroche tant au pouvoir, est-ce parce qu’il ne peut pas faire autrement ?
Partir, dans les circonstances actuelles, c’est être assuré qu’une enquête sera déclenchée à court terme. Rester, c’est conserver une chance que le pire pourra être évité. Alors, quel est justement ce « pire » qu’il cherche tant à éviter ? Est-il donc vraiment « si tant » pire ?