Enquête sur la construction

Charest refuse la demande des élus municipaux

Actualité québécoise - Rapport Duchesneau



«Je vous donne l'assurance aujourd'hui que tous les efforts seront faits, que toutes les pistes seront explorées», a affirmé Jean Charest lors des assises annuelles de la FQM.
Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot


Robert Dutrisac Québec — Le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), Bernard Généreux, a exhorté Jean Charest à assumer ses responsabilités de chef d'État en lançant sans plus attendre une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction. Mais il s'est montré fort déçu de la réponse du premier ministre, qui a refusé de s'engager dans cette voie.
«Dans ce contexte où la collusion, l'intimidation et la loi du silence sont érigées en système — un système dans le système, comme le dit M. Duchesneau —, il est de votre devoir, comme chef d'État, de mettre fin à cette dérive de nos valeurs, d'éradiquer cette gangrène qui menace nos institutions et qui finit par dévaloriser nos fonctions d'élus», a livré, hier, Bernard Généreux devant quelque 3000 représentants du monde municipal, dont 2000 élus qui l'ont chaudement applaudi lors des assises annuelles de la FQM.
«Je n'accepterai jamais que les membres de la FQM soient traités de pourris et de mafieux! Comment faut-il vous le dire, Monsieur le Premier Ministre? Ça prend une enquête publique», a-t-il imploré avant que Jean Charest adresse la parole à l'auditoire.
Le premier ministre s'est contenté de s'engager à donner suite au rapport de l'Unité anticollusion (UAC) de Jacques Duchesneau, mais en respectant «trois critères»: protéger la preuve recueillie par les policiers et continuer à l'alimenter, faire en sorte que des accusations puissent être portées et, enfin, protéger les victimes. En aucun temps le premier ministre n'a mentionné la nécessité d'informer la population.
«Je vous donne l'assurance aujourd'hui que tous les efforts seront faits, que toutes les pistes seront explorées», a affirmé Jean Charest dans son discours.
Parmi ces pistes ne figure pas la nomination d'un procureur spécial, comme l'a avancé un chroniqueur de Quebecor; cette avenue n'a jamais été envisagée par le gouvernement, a-t-on confirmé au Devoir. Pour ce qui est d'informer le public, on compte sur l'obligation faite à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) de livrer publiquement, deux fois l'an, un aperçu de la situation.
«Je vous invite à marcher la tête très haute, a lancé Jean Charest aux élus municipaux. Il n'y a pas un métier plus noble, il n'y a pas un métier plus passionnant que celui d'être un élu.» Malgré le contexte actuel, «il ne faut surtout pas tomber dans le piège de peinturer le monde municipal comme si les gens étaient autre chose que des gens passionnés, nobles et honnêtes».
Mais pour Bernard Généreux, la situation dans laquelle se retrouvent les élus municipaux — particulièrement visés d'ailleurs par le rapport Duchesneau — est «intenable».
«Bien sûr qu'on est déçu qu'il [le premier ministre] nous ait dit non, a reconnu le président de la FQM dans un point de presse. Il me semble que la situation est claire, que la question est claire et il faut que la réponse soit claire. Tant que cette réponse ne sera pas claire, on va continuer de vivre le traumatisme politique et le traumatisme social dans lequel on est.»
L'inertie du gouvernement Charest est «dommageable», selon Bernard Généreux. «On n'a plus de temps à gaspiller», juge-t-il. C'est «le supplice de la goutte»: chaque semaine qui passe apporte son lot de révélations sur des irrégularités ou de la malversation. «Quand on est rendu à faire des élections à contrat, je pense qu'on est rendu loin», s'est indigné M. Généreux, qui faisait référence aux révélations de Jacques Duchesneau sur le phénomène des élections clé en main.
«M. Duchesneau a été très clair: lui, il ne continuera pas [dans ses fonctions actuelles] s'il n'y a pas de commission d'enquête. C'est la police qui le dit», a poursuivi le président de la FQM.
Après Jean Charest, ce fut au tour de la chef du Parti québécois, Pauline Marois, et du chef de l'Action démocratique du Québec, Gérard Deltell, de s'adresser aux membres de la FQM.
«Je sais que vous êtes tannés d'entendre parler de corruption, de collusion, de commission», a dit Pauline Marois. «Depuis deux ans, ce sont tous les élus du Québec qui sont dans le collimateur, dans une atmosphère de soupçon généralisé, a déploré la chef péquiste. Tant que nous n'aurons pas nettoyé cette atmosphère en faisant toute la lumière, ça va continuer.»
Gérard Deltell a rappelé que l'ADQ fut la première formation politique à réclamer une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction. La tenue de cette commission est «urgente» et ne nuira en rien aux enquêtes policières, a-t-il soutenu.
Carte électorale
Bernard Généreux a déploré le fait que les députés ne soient pas arrivés à s'entendre sur la nouvelle carte électorale. Il a qualifié la disparition prochaine de trois circonscriptions en région de «sacrifice innommable sur l'autel de la partisanerie».
Or, Jean Charest a soutenu qu'il existait une solution, critiquant les partis oppositions de l'avoir reportée au printemps dernier. Présent aux assises de la FQM, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Yvon Vallières, a confirmé, hier, qu'il revenait à la charge avec le projet de loi 19 qui protège les trois circonscriptions menacées et porte à 128 le nombre d'élus à l'Assemblée nationale.
Le Parti québécois est disposé à appuyer cette solution temporaire si le gouvernement s'engage à appliquer une formule permanente. Mais Gérard Deltell, dont la formation avait refusé d'appuyer ce projet de loi, a répété, hier, devant les membres de la FQM, que la position de l'ADQ n'avait pas changé: il n'est pas question d'accepter une hausse du nombre de députés.


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