Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot
Jean Charest
Québec — Après avoir indiqué hier matin qu'ils étudieraient les propositions de commission d'enquête «mixte» du patron de l'Unité anticollusion Jacques Duchesneau, Jean Charest et ses ministres ont refusé hier de dire jusqu'à quand ils se donnaient pour trancher.
«On ne s'est pas fixé de délai. On va prendre le temps nécessaire pour étudier sérieusement ses propositions», a précisé l'attaché de presse du premier ministre, Hugo D'Amours, hier soir. Chose certaine, le gouvernement n'entend pas conclure avant le départ du premier ministre pour une longue mission de neuf jours en Europe, où il séjournera à Paris du 3 au 6 octobre puis à Barcelone et à Madrid, du 7 au 11 octobre. Cela lui fera rater une semaine de travaux parlementaires, ceux-ci faisant toutefois relâche la semaine du 10. «Faut voir notre capacité d'absorption», a noté le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Yvon Vallières, soulignant que M. Duchesneau en avait dit beaucoup mardi. «Faut prendre quand même le temps dont on a besoin pour analyser ça avec le maximum d'intérêt. Faut pas aller trop vite, faut pas aller trop lentement», a-t-il ajouté, sibyllin, à la sortie du Conseil des ministres. Un après l'autre, les ministres qui ont accepté de parler aux journalistes ont repris les trois principes au prisme desquels M. Charest a dit qu'il fallait analyser la Solution Duchesneau. «Le premier, c'est [...] de faire en sorte qu'on ne doit pas interférer dans les enquêtes en cours et qu'on doit plutôt alimenter la preuve qui est accumulée. Deuxièmement [...] nous devons faire en sorte que les gens soient amenés devant les tribunaux. Et, troisièmement, Monsieur le Président, il faut protéger les victimes. Voilà des principes qui vont nous guider», avait exposé M. Charest à la période de questions en matinée.
La chef péquiste, Pauline Marois, venait de lui dire que selon elle, les derniers arguments du gouvernement contre une commission d'enquête publique venaient de «voler en éclat». M. Duchesneau «a confirmé que les éléments énoncés dans son rapport étaient des faits et non des allégations, ce que le premier ministre et le gouvernement ont toujours refusé d'entendre».
M. Charest a admis du bout des lèvres que le témoignage de M. Duchesnau avait été pour lui «effectivement troublant», manifestant toutefois un certain agacement à l'égard de l'ex-chef de police, qui s'est permis à ses yeux «beaucoup de commentaires». Le premier ministre a même insisté sur le «flou dans les idées» de solution que le patron de l'UAC a présentées: «M. Duchesneau, hier soir, disait lui-même qu'il y avait des affaires qui n'étaient pas claires», a-t-il soutenu. Malgré tout, «le gouvernement va étudier [...] ces idées-là qu'il a exprimées hier», s'est-il borné à dire.
Plus tôt, il avait fait valoir que la «situation» décrite par l'ancien chef de police était bien antérieure à son administration, insistant sur le fait qu'elle s'était «développée sur une longue période de temps». Il a mis en relief les déclarations de M. Duchesneau quant à «l'interférence politique dans l'attribution des contrats au niveau provincial, il a répondu à peu près non», s'est rassuré le premier ministre. Du reste, à ses yeux, les oppositions traitent cette question de manière «ultrapartisane».
Bien qu'il se dise prêt à étudier la solution Duchesneau, M. Charest a défendu l'«esprit» dans lequel il a travaillé contre la corruption jusqu'à maintenant, insistant sur le caractère permanent des mesures mises en place, notamment l'Unité permanente anticorruption. Dans une envolée en réponse à une question du chef adéquiste, Gérard Deltell, il a laissé peu de doute sur ce qu'il souhaite privilégier, soit une escouade comme celle de Carcajou, qui a été créée pour faire face à la guerre des motards au tournant des années 2000. «Carcajou, ce n'était pas une commission d'enquête. M. Duchesneau l'a cité amplement. Pourquoi? Parce qu'il y avait un très haut niveau de difficulté puis une volonté ferme du gouvernement d'arriver au bout. Bien, c'est comme ça qu'on arrive à des résultats.»
Duchesneau prêt à quitter son poste
En tournée médiatique toute la journée hier, Jacques Duchesneau a pour sa part martelé son message, notamment quant à l'urgence d'agir. Au micro de Benoît Dutrizac, au 98,5, il s'est montré optimiste, affirmant, au sujet du ministre des Transports Pierre Moreau, qu'il fallait «donner la chance au coureur». «Moi, je pense que Jean Charest va agir», a-t-il aussi dit à un moment. Et s'il ne le faisait pas? «Ce serait regrettable», a-t-il répondu, avant d'ajouter que s'il n'y avait pas de geste important de la part du gouvernement, il reprendrait son «bâton du pèlerin» et recommencerait à réclamer publiquement une enquête publique. En soirée, à RDI, il a affirmé que «le statu quo était inacceptable» et que si le gouvernement ne déclenchait pas une commission d'enquête, il quitterait son poste avant la fin de son mandat en mars 2012. Affirmant qu'un rapport «aussi percutant» que le sien exigeait que «des choses arrivent» rapidement, il s'est toutefois refusé à fixer un échéancier au gouvernement.
Les oppositions ont fait évoluer leur position hier quant à la proposition de M. Duchesneau. Le député péquiste de Chambly, Bertrand St-Arnaud, a par exemple rappelé que le huis clos avait été largement utilisé lors de la commission d'enquête fédérale sur les commandites présidée par John Gomery. Le député de Québec solidaire Amir Khadir estime qu'une commission d'enquête à huis clos ne suffirait pas, mais pourrait «accélérer les choses» dans un premier temps.
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Avec la collaboration de Marco Bélair-Cirino
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