Le constat dressé par l’Office for National Statistics (ONS) britannique est édifiant : pour la première fois de son Histoire, l’Angleterre (et le pays de Galles) n’est plus une nation à majorité chrétienne. Langue, religion, origine… les conclusions du recensement 2021, publiées ce 29 novembre, révèlent l’important bouleversement démographique que connaît actuellement le Royaume-Uni.
Recul du christianisme, progression de l’islam
L’Angleterre, une terre athée. Qui l’eût cru ? Près de 500 ans après la Réforme anglaise et la fondation de l’Église anglicane, l’Angleterre, tout comme le pays de Galles, ne sont plus des nations chrétiennes. En 2021, la part d’Anglais et de Gallois qui s’identifient au christianisme ne dépasse plus les 50 %. Un comble pour un pays qui a fait de l’anglicanisme une religion d’État ! Ainsi, si, en 2011, ils étaient 59 %, ils ne sont plus que 46 % (43 % au pays de Galles), une décennie plus tard. Loin de s’arrêter, cette chute devrait continuer de façon vertigineuse au cours des dix prochaines années. Pour Monseigneur Stephen Cottrell, archevêque d'York, cette baisse « n’est pas une grande surprise ». Cependant, le numéro deux de l’Église anglicane tente de relativiser : « D'autres enquêtes montrent comment les mêmes personnes [qui ne se disent plus chrétiennes] recherchent toujours la vérité et la sagesse spirituelles et un ensemble de valeurs à respecte. »
Cette fin de la chrétienté majoritaire s’accompagne, d’une part, d’une hausse spectaculaire de l’athéisme sur le sol anglais (+12,5 points en dix ans) et, d’autre part, d’une progression continue de la religion musulmane. Entre 2011 et 2021, le nombre de musulmans a pratiquement doublé, passant de 2,7 millions à près de 4 millions aujourd’hui. De plus, si seulement 6 % des Anglais et Gallois affirment être musulmans, ce chiffre dépasse largement les 30 % dans certaines villes comme Birmingham, Bradford ou encore le quartier londonien de Tower Hamlets.
Basculement démographique
Si l’absence de transmission religieuse et les difficultés des Églises chrétiennes à faire entendre leur voix peuvent expliquer en partie la baisse drastique du christianisme en Angleterre, l’ONS pointe également les « migrations » comme autre cause possible. En effet, derrière ce basculement religieux se cache un profond bouleversement démographique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après l’ONS, la part de « Britanniques de souche » (catégorie « Anglais, Gallois, Écossais, Irlandais du Nord ou Britanniques Blancs ») ne cesse de diminuer. 87,5 % (45,5 millions) en 2001, ils ne sont plus que 74,4 % (44 millions) en 2021. À titre d’exemple, Londres et Birmingham, les deux plus grandes villes d’Angleterre, n’ont désormais plus une population à majorité « britannique et blanche » - seulement 36,8 % des Londoniens s’identifient comme tels. Ces chiffres rejoignent une autre étude de l’ONS selon laquelle « un résident habituel sur six en Angleterre et au pays de Galles est né en dehors du Royaume-Uni ».
Après la publication du recensement, Nigel Farage, fondateur du parti pro-Brexit UKIP, n’a pas manqué de dénoncer « les changements démographiques massifs qui ont lieu » au Royaume-Uni, et surtout « les changements d’identité ».
According to the ONS figures, London, Manchester and Birmingham are now all minority white cities. pic.twitter.com/yMoSsq4hld
— Nigel Farage (@Nigel_Farage) November 29, 2022
Selon lui, la progression du multiculturalisme outre-Manche conduit inexorablement à l’effacement de l’identité britannique. Le nouveau Premier ministre lui-même, Rishi Sunak, d’origine indienne, malgré son appartenance au Parti conservateur et son souhait d’une adhésion « aux valeurs britanniques », a prêté serment sur la Bhagavad Gita, texte fondateur de l’hindouisme, et non sur la Bible comme le voulait la tradition. Alors, qui défendra l’identité britannique ? Charles III, le nouveau souverain, qui malgré son rôle de gouverneur de l’Église anglicane souhaite défendre « toutes les fois » ?