Êtes-vous au courant que c'est le 400e de Québec, cette année? Oui... C'est bien. C'est vrai qu'on en entend beaucoup parler, grâce à une nouvelle façon de faire la promotion: congédier un membre du comité d'organisation des fêtes par jour. On s'assure ainsi une place quotidienne dans le journal.

Maintenant, savez-vous pourquoi ça s'appelle le 400e de Québec? Parce qu'on va congédier 400 membres du comité organisateur? Non. Parce que c'est le 400e Carnaval de Québec? Non. Parce que les Nordiques ont gagné 400 matchs dans la LNH? Non. (Ils en ont gagné 538.)
C'est tout simplement parce que Champlain a fondé la ville de Québec il y a 400 ans. Champlain qui? Non, c'est pas Champlain Tanguay. C'est Samuel de Champlain. Il serait peut-être temps qu'on en parle. Parce que pas de Champlain, pas de party.
Vous me direz: de quoi y se mêle, le gars de Montréal, à vouloir parler de Champlain? Sachez que les Montréalais sont très reconnaissants envers le sieur de Champlain. On n'a pas nommé un pont bloqué en son honneur pour rien. C'est grâce à Champlain si la belle ville de Québec existe. Et c'est aussi grâce à lui si c'est la première ville du Québec.
Et c'est parfait comme ça. Les colons se sont pratiqués à Québec. Ils ont fait leur brouillon. Et 34 ans plus tard, quand ils ont compris comment ça devait être une ville, De Maisonneuve est parti avec une gang fonder Montréal. Pis y'était pas fou, De Maisonneuve, y'a galopé juste assez pour ne pas que les gens de Québec soient rendus à Montréal tous les soirs. Mais pas trop, pour que les gens de Montréal puissent aller passer un week-end à Québec de temps en temps. Quand ils ont l'âme nostalgique et qu'ils filent pour monter dans le grenier regarder des vieilles affaires.
Mais revenons à Champlain, personnage qui devrait être au 400e ce que le Bonhomme est au Carnaval ou ce que Patrick Roy est aux Remparts. Car si Pauline Marois parle si bien français, c'est beaucoup grâce à l'acharnement de Champlain à implanter en Amérique du Nord une terre française. Sans lui, Pauline s'appellerait Hillary. Et Bill se tiendrait les fesses serrées.
Sam est né en 1580. Inspiré par les récits de voyage de son futur collègue de pont, Jacques Cartier, il rêve, très jeune, que les fils et filles du royaume de France s'installent en permanence au Québec. Faut le faire! Tu vis en France. T'as du vin, pis de la baguette à volonté. La Côte d'Azur l'été, les Alpes l'hiver, et ton rêve est d'aller te les geler à Québec. Je sais, c'est beau Québec. Mais en 1608, c'était un peu plus sauvage, y'avait pas de Château Frontenac. Y'avait juste l'hôtel de glace. Et les Indiens ne jouaient pas encore au poker. Ils jouaient plus aux scalpers.
Champlain aimait tellement Québec qu'il a traversé l'océan 19 fois pour y aller. Dix-neuf fois. Nous, on fait la 20 deux fois la même fin de semaine, puis on est épuisé. Lui, il passait trois mois en mer pour rejoindre le cap Diamant. C'est de l'amour! C'était un homme de vision. Le Marcel Aubut du XVIIe. Sauf que lui n'a pas déménagé sa concession aux États. Quoiqu'il s'est permis quelques escapades au lac Champlain. Et si le roi l'avait davantage soutenu, l'Avalanche du Colorado serait une équipe québécoise. Les Saints de la Nouvelle-Orléans aussi.
Champlain est mort en 1635. Alors si jamais les fêtes du 400e ne lui donnent pas la place qu'il devrait avoir, la ville de Québec pourrait organiser un autre 400e en 2035 pour célébrer son fondateur. Même qu'on devrait embaucher les membres du comité organisateur tout de suite.
Le problème avec les fêtes du 400e, c'est qu'on n'explique pas assez les raisons de la célébration. On devrait fêter beaucoup plus qu'une ville. On devrait fêter la vision de son fondateur. Fêter le fait français en Amérique. Ce petit miracle que ni l'abandon de la mère patrie ni la conquête des Anglais n'ont empêché de se produire.
C'est ce petit miracle que Québec symbolise. C'est le village d'Astérix entouré de Romains. Qui résiste. Mais on dirait que l'on commence à manquer de potion magique.
La réunion de Led Zeppelin, c'est cool. Mais la réunion d'Harmonium, ce serait mieux.
Encore plus que de trouver des événements, les membres du comité organisateur doivent trouver un sens à cette fête. Et ce ne peut être que le sens de l'histoire. Honorer ceux grâce à qui, durant 400 ans, le français est resté ici.
Tous ces perdants qui n'ont jamais accepté la défaite. Jamais accepté l'éloignement. Tellement qu'ils sont devenus des gagnants. C'est en le rappelant que nos enfants pourront continuer à gagner.
Les grands peuples fêtent toujours leurs victoires. Champlain a remporté la plus belle des victoires. Celle sur le temps.
Le 400e de Québec, c'est plus que la fête de la vie. C'est la fête de la survie.
Bonne fête, Québec!