Le CETA est un «accord du passé» qui ne respecte pas les droits sociaux, estime l'eurodéputé belge Marc Tarabella. Le commerce doit être «plus juste et les échanges plus profitables aux citoyens des parties signataires», explique-t-il.
RT France : Le Parlement européen a adopté le 15 février le CETA malgré plusieurs manifestations et malgré une pétition qui avait reçu plus de quatre millions de signatures. Pensez-vous que la bataille des opposants au CETA soit perdue ?
Marc Tarabella (M. T.) : Non, parce que les opposants au CETA et les citoyens ont permis, quand même, que des élus regardent le dossier avec plus d’attention. Je rappelle que le parlement wallon avait étudié le dossier pendant plus d’un an parce que la société civile a été très active. Seul le parlement de la région de Bruxelles en Belgique a relayé les inquiétudes des citoyens.
Tous ces accords de libre-échange – un accord de libre-échange et un traité pour l’investissement – ce sont probablement des accords du passé
A tel point que c’est le seul parlement en Europe a avoir agi ainsi avant que le Parlement européen ne tranche, et donc ce n’est jamais vain. C’est un accord qui passe avec 408 voix, mais il y a quand même 254 collègues, dont moi et les socialistes belges, qui ont voté «non», et plus de 33 abstentions. Cela implique que ce n’est pas une très large majorité. Tous ces accords de libre-échange – et il s’agit d’un accord mixte ; c’est un accord de libre-échange et un traité pour l’investissement – ce sont probablement des accords du passé. C’est un signal fort qui est donné malgré l’acceptation de la Commission européene pour que cette dernière change sa manière d’entrevoir les traités.
Je me réfère à ce qu’a fait Paul Magnette avec sa «Déclaration de Namur» : quarante professeurs d’université ont tracé les contours de ce que devraient être les accords commerciaux dans le futur. Il faut quand même les regarder en comparaison avec ce qu’ils apportent réellement pour les signataires de l’accord en termes économiques, en termes de réduction des inégalités, de progrès social, mais aussi en fonction de critères environnementaux. On demande qu’à l’avenir ces accords soient plus cohérents. Aujourd’hui c’est sans doute une défaite, mais cela veut dire que dans le futur il y aura – j’espère – une prise de conscience de la part des négociateurs qu’on ne doit plus négocier des accords comme comme ceux-là, qu’on doit changer la manière de les analyser. Et la «Déclaration de Namur» est une bonne base pour les accords du futur.
Un point qui reste problèmatique c’est la manière avec laquelle on règlera les conflits entre les sociétés privées et l’autorité publique
RT France : Paul Magnette a déclaré que le CETA ne serait pas ratifié par la Wallonie si les conditions posées par cette région n'étaient pas respectées. Cela veut-il dire qu’il y a encore une marge de manœuvre ?
M. T. : Quand la Belgique s’est mise d’accord avec sa région de Wallonie, il y avait quand même des conditions : notamment, le fait de demander à la Cour européenne de Justice a un avis préalable sur la conformité de cet accord avec les traités européens. Un point qui reste problématique, c’est la manière avec laquelle on règlera les conflits entre les sociétés privées et l’autorité publique.
Ce genre d’accord assez complexe sera toujours une porte ouverte pour les multinationales, pour attaquer les autorités publiques sur des dispositifs de progrès économique, de progrès social, de progrès environnemental, de progrès pour la santé des citoyens. Donc on était évidemment très inquiets par rapport à cela. Nous, les socialistes belges, sommes pour les échanges, pour le commerce. Mais il faut que le commerce soit plus juste et pas uniquement dans l’intérêt des multinationales qui, finalement, font piétinner les droits des travailleurs et ne pensent qu’à une seule chose : la maximisation à court terme des profits des actionnaires. C’est un modèle dans lequel on ne peut se reconnaitre.
Les Européens devraient quand même saisir l’opportunité qu’offre l’élection de Donald Trump
RT France : Le président américain Donald Trump a ordonné le retrait des Etats-Unis du Partenariat transpacifique (TPP), ce qui peut laisser supposer l'abandon du TAFTA...
M. T. : Si Donald Trump pouvait faire un décret pour abandonner le TAFTA, c’est le seul décret pour lequel on le féliciterait. Mais évidemment, pas pour les mêmes raisons que lui, parce que nous ne sommes pas protectionnistes. Il faut que les Américains continuent à investir en Europe, et que les Européens continuent à investir aux Etats-Unis. Le problème c’est que le TAFTA, tel qu’il est rédigé, fait encore plus peur. C’est une machine à broyer les réglementations sociales, environnementales qu’on veut promouvoir au niveau européen. Donc, nous n'avons pas les mêmes raisons.
Les raisons de Donald Trump sont proches de celles de Marine Le Pen. C’est le protectionnisme, et il faut lutter contre le protectionnisme parce que ce sera l’appauvrissement généralisé si tout le monde décide de se refermer sur soi. Il faut pouvoir réaliser des échanges mais qui soient profitables aux citoyens des parties signataires, qui ne fassent pas reculer les droits sociaux, les droits environnementaux, le droit à la santé publique. C’est ça qui est au cœur du débat, à côté du TAFTA.
Au sein de l’Union européenne il y a des pays qui peuvent progresser en terme de productivité : je pense à la Roumanie, à la Pologne
Je trouve que les Européens devraient quand même saisir l’opportunité qu’offre l’élection de Donald Trump – à toute situation il y a un bon côté : avoir une vraie stratégie avec différents partenaires. Je pense surtout à l’agriculture. On doit dénoncer l’accord de Blaire-House avec les Etats-Unis. Il organise notre dépendance à l’égard de l'Amérique pour nourrir notre bétail européen. 70% de la nourriture du bétail européen vient d’outre-Atlantique.
Je trouve qu’on doit, au regard de ce qu’on signe sur l’environnement à Marrakech et à Paris, arrêter ces accords et essayer de travailler mieux avec nos voisins. Au sein de l’Union européenne il y a des pays qui peuvent progresser en terme de productivité : je pense à la Roumanie notamment, à la Pologne. Je peux évoquer également l’Ukraine, la Russie, avec qui on devrait avoir des relations beaucoup plus développées afin d'augmenter nos échanges.
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