Les employés de certaines entreprises en difficulté, notamment ceux d'AbbitibiBowater (Grand Falls-Windsor) sont préoccupés par la solvabilité de leurs caisses de retraite.
La crise financière, ainsi que la crise économique qu'elle a engendrée, apporte de mauvaises nouvelles tous les jours. Les manchettes font état de l'inquiétude des retraités de certaines entreprises au bord de la faillite, notamment GM et AbitibiBowater. Ces retraités sont préoccupés par la solvabilité de leurs caisses de retraite.
Les caisses de retraite au Québec, en majorité, ne sont pas suffisamment capitalisées et sont par conséquent potentiellement incapables de garantir pleinement les rentes promises. Cette situation, quoique déplorable en soi, devient vraiment dramatique lorsque l'entreprise qui soutient la caisse de retraite fait faillite. C'est alors que les retraités se retrouvent avec une rente amputée.
Ce scénario catastrophique hante, à l'heure actuelle, de nombreux retraités. Ils suivent avec attention l'actualité en souhaitant que leur ex-employeur ne fasse pas faillite. Cette situation est inacceptable. Le retraité type, généralement trop âgé pour réintégrer le marché du travail, n'a pas les moyens de voir une partie de ses revenus de retraite se volatiliser tout d'un coup. Comment en sommes-nous arrivés là?
Qui doit-on blâmer? Il serait trop facile de pointer du doigt un acteur en particulier. Il faut se méfier des analyses simplistes de ceux qui accusent les employeurs d'avoir été trop chiches pour capitaliser pleinement les régimes de retraite ou encore des autres qui accusent les représentants syndicaux d'avoir été trop gourmands. L'état actuel des régimes de retraite résulte d'un concours de facteurs très complexes et les solutions ne sont pas évidentes.
Quelles leçons pouvons-nous tirer? D'abord, les employeurs et les syndicats doivent cesser leur sempiternelle dispute au sujet du surplus des caisses de retraite. Avant la crise, la situation financière des régimes était beaucoup moins précaire. Les employeurs et les syndicats s'opposaient alors de façon dogmatique sur l'épineuse question du droit aux surplus des caisses de retraite. Cette dispute explique en partie pourquoi les régimes ne sont pas pleinement capitalisés aujourd'hui, les employeurs se montrant habituellement réfractaires à provisionner de façon conservatrice les régimes dans un contexte d'incertitude quant à l'utilisation des surplus potentiels. Cette querelle malsaine n'a fait que des perdants.
Le temps est venu pour tous les inter venants d'examiner sérieusement la proposition de l'Institut canadien des actuaires (ICA) de créer un «fonds de sécurité de retraite». Cette proposition constitue la pièce maîtresse de l'ensemble des recommandations formulées par l'ICA pour améliorer la situation des régimes de retraite. Il s'agit d'un fonds, complémentaire à la caisse du régime, qui recueillerait l'argent supplémentaire versé par les employeurs afin d'assurer un plein approvisionnement (et du même coup, garantir la sécurité des rentes) mais qui retournerait à l'employeur les sommes devenues superflues lorsque la situation financière du régime indiquerait l'accumulation d'un coussin suffisant.
Les gouvernements, quant à eux, ont aussi un rôle à jouer. Le gouvernement fédéral doit accroître la limite au-delà de laquelle les cotisations de l'employeur au régime de retraite ne sont plus admissibles à un traitement fiscal favorable. La limite actuelle est inappropriée et n'encourage pas un approvisionnement prudent des régimes. Les gouvernements (fédéral et provinciaux) doivent aussi imposer aux régimes des «marges de solvabilité cible», c'est-à-dire des sommes additionnelles qui ont comme effet de créer un coussin pour absorber les situations imprévues et par conséquent d'accroître encore plus la capacité du régime d'honorer ses promesses de rentes. L'ampleur de ces marges variera en fonction des risques liés à la composition de l'actif du régime. Un régime de retraite dont une proportion importante des fonds est placée en actions devra créer une marge de solvabilité cible plus élevée que celui dont les fonds sont placés dans des véhicules financiers aux rendements plus prévisibles.
Il faut voir la crise actuelle comme une occasion privilégiée pour tous les intervenants (gouvernements, employeurs, syndicats, professionnels) de se retrousser les manches et d'apporter aux régimes de retraite les améliorations qui leur font cruellement défaut depuis trop longtemps.
Daniel Lapointe
L'auteur est directeur général de l'Institut canadien des actuaires.
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