En cette journée de la fête du Travail, j’ai une pensée particulière pour nos producteurs agricoles et leurs familles, dont plusieurs sont dans l’œil du cyclone avec ces négociations de l’ALENA qui augurent mal pour le système de gestion de l’offre.
Les agriculteurs et agricultrices du Québec font l’un des métiers les plus nobles au monde, celui de nous nourrir. Ils le font au prix d’énormes sacrifices. Une enquête avait révélé que 51 % d’entre eux « présentaient un taux élevé de détresse psychologique. »
Le 4 décembre 2017, je leur avais consacré une chronique sous le titreAgriculteur : Un métier à haut risque.
Les laboureurs de l’espoir
Certes, plusieurs entreprises agricoles sont des histoires à succès. Elles participent au développement d’une industrie bioalimentaire, véritable fleuron du Québec qui a des retombées considérables sur notre économie et sur la vitalité de nos régions.
Garant de notre sécurité alimentaire, le secteur bioalimentaire emploie 500 000 travailleurs et contribue à notre croissance économique. En 2017, il a compté pour 8 % dans notre produit intérieur brut (PIB), soit 25,3 milliards de dollars.
Mais l’agriculture, c’est aussi la gestion de l’imprévisible : l’insécurité financière, l’austérité imposée par le gouvernement Couillard, les fluctuations des marchés, la rareté de la main-d’œuvre, la pénurie de la relève, les impondérables du climat et, depuis janvier 2017, la furie de Donald Trump.
Autant de conditions qui mettent en péril la survie de plusieurs entreprises agricoles. Pas étonnant que chaque année, des dizaines de fermes familiales disparaissent au Québec.
Déjà en 2011, le recensement de Statistique Canada indiquait que leur nombre avait diminué de 8 % en dix ans, n’en comptant plus que 29 000.
Bien que le Québec soit trois fois plus grand que le territoire français, à peine 2 % de sa superficie totale est consacrée à l’agriculture, contre 58 % en France et 45 % aux États-Unis.
Un autre enjeu bien réel qui menace la viabilité des fermes familiales au Québec est cette épidémie de l’accaparement des terres agricoles par des institutions financières et des sociétés d’investissement, à des fins spéculatives.
Sans compter l’étalement urbain qui gruge inexorablement les superficies cultivables, autour des centres métropolitains et le long du fleuve Saint-Laurent, jusqu’en Chaudière-Appalaches, là où sont situées les meilleures terres du Québec.
Malgré tous ces aléas, les agriculteurs, ces laboureurs de l’espoir, eux, ne chôment pas, même pendant leur fête du Travail. Ils ont plus urgent à faire : nourrir le Québec.
Les « trumperies » de Donald
Le jour même de son investiture comme 45e président des États-Unis, le 20 janvier 2017, Donald Tump a tiré à boulets rouges sur le Canada et son système de gestion de l’offre.
« Si nos partenaires refusent une négociation qui apporte aux travailleurs américains un accord équitable, alors le président avertira que les États-Unis ont l’intention de quitter l’ALENA », avait-il déclaré.
Dès lors, une épée de Damoclès pendait au-dessus de la tête des producteurs de lait, de volaille et d’œufs, sous gestion de l’offre. À lui seul, ce secteur est créateur de 114 000 emplois dans les différentes régions du Québec et génère des recettes fiscales de 2,1 G$.
Le premier ministre, Justin Trudeau, avait jeté de l’huile sur le feu, en déclarant à l’émission Meet the Press du réseau NBC, le 3 juin dernier, qu’il était ouvert à avancer « vers une plus grande flexibilité » quant à l’éventualité d’un compromis.
Le lendemain, Pierre Lampron, président des Producteurs laitiers du Canada lui a rétorqué dans une lettre ouverte, véritable rappel à l’ordre : « Ces commentaires sont profondément troublants pour nos producteurs laitiers [...] Le gouvernement ne peut pas affirmer qu’il soutient notre système et du même souffle conclure des accords qui auraient des effets sur la communauté de la production laitière et les 250 000 Canadiennes et Canadiens qui dépendent de ce secteur pour gagner leur vie. »
Depuis, nous sommes tous dans le noir. Un ultimatum a été donné et a expiré vendredi dernier. Des moments troublants, en effet, pour nos agriculteurs. Bonne fête du Travail, quand même !