« On a vu une première ministre qui n’en fut pas à un recul près et, surtout, à une contradiction près. »
Québec – Les cent premiers jours du gouvernement Marois ont été pour le moins tumultueux. La chronique a retenu ses reculs et ses faux pas. Mais pour faire bonne mesure, il faut souligner que même minoritaire, il a réussi à faire adopter deux importants projets de loi touchant l’intégrité, une priorité de la première ministre Pauline Marois. Or, l’emploi à vie consenti à André Boisclair puis la générosité tardive de Jean-François Lisée ont suscité des doutes sur le sens de l’éthique du gouvernement.
« En matière d’intégrité, ce sera tolérance zéro », avait pourtant déclaré Pauline Marois à l’issue du premier conseil des ministres de son gouvernement le 20 septembre dernier. Puis, on a vu une première ministre qui n’en fut pas à un recul près et, surtout, à une contradiction près.
Pour le politologue de l’Université Laval, Louis Massicotte, les gouvernements minoritaires se présentent en deux cas de figure : un gouvernement majoritaire qui devient minoritaire à l’élection et qui, la plupart du temps, sera battu lors de la prochaine élection, ou encore, un nouveau gouvernement minoritaire qui peut aspirer à la majorité. « Normalement, un nouveau gouvernement réussit à prendre un certain nombre de mesures qui le rendent populaire puis à décrocher par la suite la majorité qui lui a manqué. Pauline Marois a la trame historique pour elle », fait-il observer.
Mais Louis Massicotte croit que le gouvernement Marois est mal parti. « Je n’ai jamais vu pire pour les cent premiers jours », assène le politologue.
Le gouvernement Marois avait une carte maîtresse : l’intégrité. Il a présenté deux projets de loi : le premier pour établir un registre d’entreprises dont la probité serait attestée pour l’octroi de contrats publics. Le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a déposé son projet de Loi sur le financement des partis politiques. L’opposition ne pouvait que collaborer à l’adoption de ces deux projets de loi, au moment même où la commission Charbonneau y allait de ses révélations.
Une éthique élastique
Mais les conditions que Pauline Marois a accordées à André Boisclair pour son poste de délégué général à New York, qui était assorti d’une garantie d’emploi à vie dans la haute fonction publique, ont montré que le gouvernement péquiste avait l’éthique élastique. L’argument employé par le gouvernement pour se défendre était faible : les libéraux avaient fait pire. Ou encore, que c’était pratique courante à Ottawa, une prétention erronée. Le ministre des Relations internationales, de la Francophone et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, en fut quitte pour s’excuser d’avoir induit la Chambre en erreur, sans doute le plus humiliant rectificatif que l’ancien journaliste a fait de sa vie.
Son salaire, qu’il touche de son ancien employeur à la suite d’une entente « hors-norme » avec l’Université de Montréal, soulève deux questions. Un député ou un ministre peut-il recevoir un salaire d’un organisme public en même temps que son salaire d’élu ? L’UdeM contourne-t-elle souvent ses règles administratives pour donner davantage à un cadre qui se double d’un redoutable négociateur, selon l’idée que se fait Jean-François Lisée de ses dons hérités de son père entrepreneur ?
Le commissaire à l’éthique et la déontologie de l’Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, a jugé qu’aucune règle n’interdisait à M. Lisée de toucher une deuxième rémunération d’un organisme public, tout en soulignant c’est une pratique interdite pour les administrateurs d’État.
La démission fracassante de Daniel Breton a été un coup dur pour le gouvernement, d’autant plus que le cabinet Marois a défendu le ministre jusqu’à l’issue. C’était après tout un candidat vedette recruté par la chef péquiste.
En outre, Pauline Marois ne s’est pas embarrassée de ses prises de position passées en participant à la réunion du Conseil de la fédération à Halifax, une rencontre avec les premiers ministres des autres provinces qu’elle a jugé fort « utile ». Elle a promis de ne pas en manquer une à l’avenir à moins d’empêchement majeur.
La première ministre a eu un comportement semblable à New York où elle a vanté, devant des financiers américains, les mérites du Plan Nord, une appellation qu’elle a reprise à son compte. Elle a aussi déclaré que la souveraineté ne pouvait pas être un sujet d’inquiétude pour les investisseurs puisque son gouvernement était minoritaire.
« Son statut minoritaire ne lui permet pas de gouverner de façon nationaliste. Sa fameuse gouvernance souverainiste n’est pas possible », fait remarquer Louis Massicotte. « Il lui reste la gouvernance ordinaire. »
Éric Montigny, politologue qui dirige la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval, signale que Pauline Marois a promis, avant les élections, « beaucoup de choses à beaucoup de gens ».
« Pour moi, les cent premiers jours, c’est le choc du réel entre les engagements qu’elle a pris pour consolider son leadership et la réalité des finances publiques », fait-il valoir.
Il est encore trop tôt pour dire si le gouvernement Marois connaîtra un sort semblable au gouvernement de Joe Clark, élu en 1979, qui n’avait duré que neuf mois. Ou si c’est le gouvernement minoritaire de Stephen Harper qui lui servira d’inspiration. « Le gouvernement Marois a un défi de cohésion et de cohérence », croit Éric Montigny.
Il lui reste toutefois la commission Charbonneau. « Le meilleur espoir de ce gouvernement, c’est que la commission Charbonneau discrédite le Parti libéral », avance Louis Massicotte.
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4 septembre 2012 : le Parti québécois remporte les élections et devient le nouveau gouvernement minoritaire.
17 septembre : assermentation des députés du Parti québécois.
19 septembre : assermentation des ministres du cabinet Marois.
20 septembre : premier Conseil des ministres. Pauline Marois annonce l’annulation de la hausse des droits de scolarité, l’abrogation des dispositions de la loi 12 qui limitent le droit de manifester, l’abolition de la taxe santé et la fermeture de Gentilly-2.
10 octobre : premier d’une série de reculs, le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, annonce qu’il n’abolira pas la taxe santé, comme promis, mais qu’il la rendra progressive.
24 octobre : visite du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Daniel Breton, au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Qualifiée d’ingérence par l’opposition, elle a entraîné la mise sur pied d’une commission parlementaire pour faire la lumière sur les événements. Elle fut annulée en raison de la démission du ministre.
31 octobre : discours d’ouverture de Pauline Marois, autour de l’intégrité et l’état des finances publiques.
1er novembre : première période de questions au Salon bleu. Dépôt du projet de loi no 1 pour lutter contre la corruption dans l’octroi des contrats publics.
6 novembre : présentation du projet de loi no 2 pour limiter la contribution des électeurs aux partis politiques, par le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville.
7 novembre : présentation du projet de loi no 3 sur des élections à date fixe, par Bernard Drainville. L’ancien chef péquiste, André Boisclair, est nommé délégué général à New York par le gouvernement Marois. Il obtient aussi une sécurité d’emploi dans la haute fonction publique, ce qui a créé une controverse quelques semaines plus tard lorsque l’information est révélée. M. Boisclair a finalement renoncé à cette deuxième nomination.
15 novembre : présentation du projet de loi no 10 permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions, par le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, Sylvain Gaudreault.
20 novembre : dépôt du budget par le ministre Nicolas Marceau.
22-23 novembre : Pauline Marois se rend à Halifax pour assister au Conseil de la fédération, une instance qu’elle avait par le passé suggéré d’abolir. Avec son homologue de l’Alberta, Alison Redford, elle forme un comité Québec-Alberta sur l’acheminement au Québec du pétrole des sables bitumineux.
29 novembre : démission fracassante de Daniel Breton à la suite de la diffusion de reportages sur des loyers impayés et autres infractions au code de la route dans son passé. Présentation par le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, du projet de loi no 12 sur le bureau d’enquêtes indépendantes sur la police.
30 novembre : le gouvernement Marois survit de justesse au vote sur le budget Marceau.
4 décembre : mini-remaniement du cabinet Marois. Yves-François Blanchet devient ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et Véronique Hivon reprend son poste de ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.
5 décembre : présentation par la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy, du projet de loi no 14 pour renforcer la place du français au Québec. L’idée d’appliquer la loi 101 au cégep est abandonnée.
6 décembre : dépôt du budget des dépenses du gouvernement par le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, et confirmation de multiples compressions, notamment en santé et dans les universités. La ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Agnès Maltais, s’entend avec l’opposition sur son projet de règlement sur un service de « référence » de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et l’adoption du projet de loi no 6 sur le report du nouveau service par la Commission de la construction du Québec.
7 décembre : fin de la session parlementaire.
12 décembre : le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, renonce à la rémunération qu’il touche encore de son ancien employeur, l’Université de Montréal, ainsi qu’à ses rentes de retraite.
13-14 décembre : Pauline Marois se rend en mission économique à New York pour discuter notamment d’énergie.
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