Célébrations sous tension au pays des patriotes

Un message en anglais sur un monument indispose des indépendantistes «radicaux»

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La fièvre monte à Saint-Denis-sur-Richelieu

Près de 177 ans après la victoire historique des patriotes contre l’armée britannique à Saint-Denis-sur-Richelieu, la présence de quatre mots d’anglais sur le monument aux héros de 1837 remet le feu aux poudres.

Un groupe d’indépendantistes « radicaux » menace de perturber la commémoration de la célèbre bataille, ce dimanche à Saint-Denis. Ils dénoncent un message bilingue inscrit sur le monument aux patriotes dans ce village considéré comme le berceau de la révolte de 1837-1838. Les célébrations du 23 novembre se dérouleront sous haute surveillance de la Sûreté du Québec, a appris Le Devoir.

« Honneur aux patriotes — Honor to the patriots », indique le message placé sur le monument, érigé en 1913. Depuis novembre 1987, une plaque de bronze masquait les mots d’anglais, à la demande du Mouvement national des Québécois et de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et de Richelieu-Yamaska. La plaque a toutefois été volée il y a environ deux mois (elle avait aussi disparu il y a quelques années, à cause de la hausse du cours du bronze). Des pièces de bronze placées sur des monuments historiques à Saint-Charles et à Saint-Cuthbert ont aussi été volées récemment.

« La Ville doit remettre une plaque sur les mots d’anglais avant les célébrations de dimanche, sinon je connais des indépendantistes qui seront très fâchés », dit Gilles Rhéaume, un leader nationaliste de longue date.

« Depuis toujours, ce sont les indépendantistes les plus déterminés, les plus impatients, les plus insoumis, les plus révoltés qui participent aux commémorations de la victoire de Saint-Denis. Je ne sais pas comment ils réagiront. Pendant des années, on était tous insultés de voir l’anglais sur ce monument-là », ajoute-t-il.

Sur la page Facebook de Gilles Rhéaume, un « patriote » a même menacé de détruire le monument à coups de masse.

Appels au calme

Le maire de Saint-Denis, Jacques Villemaire, est profondément troublé par ce qu’il décrit comme le chantage du groupe d’indépendantistes. La Ville fait face à des pressions budgétaires et n’a pas les moyens d’investir plusieurs centaines de dollars pour une plaque de bronze qui risque fort probablement de disparaître à nouveau, rappelle-t-il.

« J’ai dit à Gilles Rhéaume : “ Moi, des menaces mon chum… fais ce que t’as à faire et crisse-moi patience ” », a réagi Jacques Villemaire. Il était en colère contre le leader indépendantiste.

Le maire comprend l’importance de protéger le français, mais il souligne que l’anglais fait partie de l’héritage des patriotes. Les frères Wolfred et Robert Nelson, héros de la révolte de 1837-1838, étaient d’origine anglaise.

« Les anglophones étaient partie prenante du mouvement de libération et de démocratisation qui était celui des patriotes. Il n’y avait pas de frontière ethnique ou linguistique dans le mouvement des patriotes. On note aussi une ouverture aux autochtones », renchérit Stéphane Bergeron, député péquiste de Verchères. Il participera aux célébrations de dimanche à Saint-Denis si son horaire le lui permet. Il lance un appel au calme aux indépendantistes tentés de faire du grabuge.

« Je ne pourrais pas concevoir que des souverainistes puissent s’en prendre au monument des patriotes. Ça serait tout à fait paradoxal », dit-il.

« Ça ne me surprend pas et ça ne me heurte pas [qu’il y ait des mots en anglais sur le monument]. J’ose espérer que la commémoration de dimanche ne sera pas ternie par des gens qui, en pensant bien faire, risquent de jeter le discrédit sur la commémoration et sur le mouvement souverainiste en posant des gestes inacceptables dans une démocratie », dit Stéphane Bergeron.

En 1913, quand le monument aux patriotes a été érigé, la simple présence du français à côté de l’anglais était une victoire pour les nationalistes « canadiens-français » de l’époque, rappelle-t-il.

Pierre Duchesne, ancien député de la circonscription de Borduas qui a été défait aux élections du 7 avril dernier, doit prendre part à la commémoration de ce dimanche. La solution à cette controverse est simple, selon lui : il suffit de mettre une autre plaque sur le monument aux patriotes. « Si la Ville n’en a pas les moyens, peut-être qu’une autre organisation peut aider au financement. Chose certaine, on ne retournera pas au bilinguisme d’une autre époque. Le français est la langue officielle du Québec », dit l’ancien député, devenu conseiller au bureau du chef de l’opposition péquiste.


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