Cela fait quelques années que je ne lis plus régulièrement la chronique d'Alain Dubuc. Impossible par contre pour moi de passer à côté de la chronique du 11 mai dernier. Lorsqu'un chroniqueur aussi connu qualifie mes idées de parfaitement idiotes, je me dois de répliquer.
Dans cette chronique, monsieur Dubuc prétend que les groupes opposés au gouvernement Couillard exagèrent en utilisant le mot démantèlement pour décrire l'effet des mesures d'austérité. Il s'en prend alors à moi dans les termes suivants :
« Il y a cependant des cas où le terme peut être approprié. Par exemple, Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN, a raison de l'employer. Pourquoi? Parce qu'il estime que la loi 10, qui réorganise le réseau de la santé est "la pièce maîtresse qui permettra d'accentuer la privatisation en santé et services sociaux". Sur le plan lexicologique, comme il croit aux théories du complot, il peut effectivement parler de démantèlement, même si, sur le plan des idées, c'est parfaitement idiot. »
Sans justification aucune, monsieur Dubuc semble penser que je fais dans la « théorie du complot » quand j'affirme que la loi 10 est « la pièce maitresse qui permettra d'accentuer la privatisation en santé et services sociaux ». Voici un exemple qui démontre pourquoi monsieur Dubuc se trompe.
Le projet de loi 10 participe à la privatisation du réseau de santé et de services sociaux
L'une des plus grosses dépenses dans un hôpital est l'approvisionnement. Les fournitures de l'hôpital sont achetées via le service d'approvisionnement : des gants de chirurgie, aux machines dans le bloc opératoire, en passant par le papier, les crayons, les lits, les chaises de bureau et dans certains cas, des services de sous-traitant.
Pendant le règne de Philippe Couillard au ministère de la Santé et des Services sociaux, les deux plus gros hôpitaux au Québec ont procédé à la mise en vente de leurs services d'approvisionnement à la multinationale Cardinal Health. À mon avis, il ne faudra pas s'étonner si cette privatisation entraîne une augmentation en flèche des coûts d'approvisionnement. Pourquoi parler de la question de l'approvisionnement? Parce que l'article 93 de la loi 10 énonce que le ministre peut obliger un établissement à participer à un appel d'offres sur l'approvisionnement. Pourquoi mentionne-t-il particulièrement l'approvisionnement? Parce qu'il s'agit d'une très belle occasion d'affaires pour les entreprises privées, qui regardent avec intérêt des contrats qui pourraient leur rapporter des millions de dollars. Mettre la main sur le contrôle de la gestion du service d'approvisionnement n'est pas sans intérêt pour elles. Cela leur permet de gérer l'achat des fournitures et évidemment de favoriser l'achat de leurs propres produits. C'est ce qui se produit dans différents établissements qui ont privatisé leur approvisionnement.
Il est donc étonnant de voir que pour monsieur Dubuc, affirmer que le projet de loi 10 accentuera la privatisation du réseau de santé et de services sociaux est idiot. En fait, la plupart des groupes qui ont témoigné en commission parlementaire ont noté ce danger. Même la Fédération des chambres de commerce a salué le projet de loi 10 en notant qu'il contient plusieurs occasions d'affaires pour le privé.
Si plusieurs admettent donc que le projet de loi 10 accentue la privatisation, c'est donc qu'on peut parler sérieusement d'un démantèlement de notre réseau public. Évidemment, le projet de loi 10 ne le permettra pas seul. Il s'inscrit par contre très bien dans la stratégie du gouvernement Couillard qui vise à réduire le financement public, à augmenter la prestation par le privé et à augmenter la tarification auprès des usagères et usagers. Si cela n'est pas un lent démantèlement du réseau public accessible et universel que nous nous sommes donné, je me demande bien ce que c'est.
Le privé à la rescousse de ses propres intérêts
Je suis loin de tomber dans la théorie du complot ou de propager des idées idiotes. En fait, je pense que ce qui inquiète particulièrement monsieur Dubuc, c'est que de plus en plus de personnes sont en mesure de comprendre les réels objectifs du gouvernement Couillard, qui ne sont pas d'améliorer les services publics, mais de les affaiblir sans cesse pour mieux pouvoir les privatiser. Évidemment, les entreprises privées s'en réjouiront. Je ne pense pas qu'il en aille de même pour la population québécoise, qui s'est développée grâce à des services publics accessibles et de qualité.
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