Une partie de l’armée turque a tenté d’organiser un coup d’Etat, dans la nuit du 16 au 17 juillet. Le gouvernement avait repris la situation en main samedi, après plusieurs heures d’incertitude.
Comment s’est déroulé le putsch ?
Dans un communiqué publié sur le site internet de l’état-major, les putschistes ont déclaré vouloir « restaurer la liberté et la démocratie » et ont affirmé retenir en otage le chef de l’état-major, Hulusi Akar. Ils ont également pris le contrôle, jusqu’à environ 2 heures du matin, de la chaîne publique turque de télévision, qui a diffusé un communiqué signé du « Conseil de la paix dans le pays » faisant état de la proclamation de la loi martiale et d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire.
Le président Erdogan est apparu sur la chaîne de télévision CNN-Türk dans une courte interview par le biais d’une application pour smartphone. Il a expliqué que le soulèvement avait lieu « hors de la chaîne de commandement ». Il a appelé la population à descendre « sur les places et dans les aéroports » en signe de soutien.
Des dizaines de milliers de personnes, brandissant souvent des drapeaux turcs, ont bravé les militaires rebelles, grimpant sur les chars déployés dans les rues ou se rendant à l’aéroport d’Istanbul pour accueillir M. Erdogan. Des heurts ont éclaté au cours de la nuit entre ses partisans et des militaires, à Istanbul et à Ankara
Des explosions ont été entendues jusqu’au petit matin dans la capitale et à Istanbul. Le parlement turc a été partiellement détruit par des tirs. A Istanbul, des chasseurs ont survolé la ville toute la nuit, larguant au moins deux bombes (aux environs de la place Taksim, en plein centre-ville, et à Alibeyköy, en banlieue, où un barrage a été touché).
Un coup d’Etat particulièrement sanglant
Les affrontements ont fait 265 morts et 1 440 blessés, selon le premier ministre turc, Binali Yildirim. On ignore combien de civils font partie des victimes.
A Ankara, les affrontements semblent avoir été particulièrement violents dans la banlieue de Gölbasi, où se trouve le quartier général des forces spéciales. Des militaires se seraient également retranchés dans l’état-major, toujours à Ankara. Ils étaient environ 200 à se rendre au petit matin. D’après des chiffres donnés par le chef d’état major des armées, 104 putschistes ont été abattus et plus de 2 800 militaires ont été arrêtés. Parmi eux, le général Erdal Ozturk, commandant de la 3e armée.
Les autorités judiciaires ont par ailleurs annoncé que 2 745 juges dans tout le pays allaient être démis de leurs fonctions. D’après NTV, une chaîne de télévision turque, Alparslan Altan, l’un des 17 juges de la Cour constitutionnelle, a été placé en détention pour des raisons inconnues.
Le président Erdogan renforcé par l’échec des putschistes
La tentative de coup d’Etat intervient dans un contexte politique extrêmement tendu en Turquie, sur fond de guerre dans le sud-est kurde du pays et de menace djihadiste. Dans un pays où la polarisation politique est très forte, les trois partis d’opposition représentés au parlement ont condamné le coup d’Etat : le Parti du mouvement national (MHP), un parti ultranationaliste, le Parti républicain du peuple (CHP), séculier et kémaliste, et enfin le Parti démocratique du peuple, pro-kurde. L’échec de la tentative de coup d’Etat pourrait donc renforcer encore l’AKP.
Par ailleurs, le président a tenté d’incriminer les partisans de son ancien allié, Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999. L’échec du putsch donnera aussi l’occasion au pouvoir issu des urnes de purger encore davantage l’appareil d’Etat des éléments qui lui sont hostiles, notamment les relais du mouvement güleniste. Des représailles directes contre les personnes et organisations liés au mouvement gülenistes pourraient intervenir. Dès samedi soir, Recep Tayyip Erdogan a demandé aux Etats-Unis l’extradition de Fethullah Gülen.
La communauté internationale choisit le camp de la « démocratie »
Le président américain, Barack Obama, a exhorté toutes les parties en Turquie à soutenir le gouvernement « démocratiquement élu » du président Recep Tayyip Erdogan.
Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, organisation dont la Turquie est membre, est d’abord resté discret, avant de s’exprimer en fin de matinée sur Twitter pour saluer le « fort soutien manifesté par le peuple et les partis politiques turcs » à « la démocratie ».
« En contact constant avec la délégation de l’UE à Ankara et Bruxelles depuis la Mongolie. Appel à la retenue et au respect des institutions démocratiques », a tweeté la chef de la diplomatie européenne, l’Italienne Federica Mogherini.
Le gouvernement grec a suivi la situation chez son voisin avec « attention et sang-froid », a confié dans la soirée une source gouvernementale à Athènes à l’Agence France-Presse.
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