Californie : un professeur de UCLA suspendu pour avoir refusé de favoriser les étudiants noirs dans leur notation

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La discrimination positive poussée à son paroxysme

Des étudiants « alliés », c’est-à-dire non noirs, avaient fait pression sur le professeur pour adapter la notation des élèves noirs, sur fond de la mobilisation Black lives matter. Un incident qui n’est pas une première dans le pays, et souligne la radicalisation de nombreux campus.



La semaine dernière, un groupe d’étudiants se définissant comme « non Noirs, mais alliés » demande à Gordon Klein (ci-contre en mortaise), professeur de gestion, d’adapter sa notation pour les étudiants Noirs du cours de comptabilité, et de reculer les dates limite d’envoi de certains travaux. Répondant par courriel, le professeur objecte qu’il lui serait difficile de modifier ses évaluations, n’ayant pas à « identifier » les élèves en fonction de leur race. Gordon Klein s’amuse également de la possibilité « d’étudiants métis, par exemple mi-Noirs mi-Asiatiques » : faut-il alors « une clémence totale, ou partielle ? ». Après d’autres arguments, le professeur conclut avec un parallèle historique : « Une dernière chose me frappe : souvenez-vous que Martin Luther King a dit [...] que les gens ne devaient pas être jugés selon leur couleur de peau. Ne pensez-vous pas que votre demande va à l’encontre de cet avertissement ? »



Un argumentaire qui a fortement déplu à certains étudiants, qui y ont vu un ton ouvertement dédaigneux voire « moqueur », spécifiquement envers les minorités. Rapidement, des appels à son éviction ont été diffusés sur les réseaux sociaux, avant qu’une pétition soit lancée par Preet Bains, un étudiant en climatologie.



Celle-ci exigeait que « le poste du professeur Klein soit résilié pour sa réponse extrêmement insensible, dédaigneuse et terriblement raciste à la demande d’empathie et de compassion de ses étudiants, pendant une période de troubles civils ». Le texte remarquait également que « les étudiants du pays — en particulier les étudiants noirs — ont du mal à se concentrer sur leurs études quand il y a des troubles sociopolitiques massifs qui les concernent, et l’avenir de leur sort dans ce pays ». Malgré cette étrange condescendance, la pétition a collecté à ce jour plus de 20 000 signatures. Et a déjà remporté une première victoire : l’école de management de l’Université a suspendu le cours de Gordon Klein pour trois semaines jusqu’au 25 juin, le temps de statuer sur le sort définitif de l’enseignant.



Plein de précautions, l’étudiant à l’initiative de la pétition a remercié dans la foulée de la décision tous les signataires, mais leur a demandé de continuer à partager le texte « pour s’assurer [que Gordon Klein soit] complètement démis de ses fonctions ». Avant d’aller plus loin : « La lutte pour lui faire assumer ses propos n’est pas encore terminée ». D’après le Daily Mail, le domicile de l’enseignant serait à présent sous protection policière en raison de menaces concrètes. Seul soutien dans le milieu, la Fondation des Droits individuels dans l’Éducation, spécialisée dans la défense de la liberté d’expression, a déclaré soutenir le professeur.



Un autre enseignant à UCLA, W. Ajax Peris, fait également l’objet d’une « enquête » après avoir fait prononcer le mot « nègre » dans son cours sur l’histoire du racisme. Le terme venait d’une lettre de Martin Luther King lue à haute voix, et W. Ajax Peris est connu pour ses positions libérales, mais rien n’y a fait : des étudiants ont fait état de situations de « stress » et de « colère », et demandent actuellement son éviction.



Un chantage idéologique de plus en plus pressant



Des cas qui sont loin d’être une première aux États-Unis, ou dans l’ensemble des lieux d’enseignement supérieur occidentaux. Plusieurs incidents similaires émaillent chaque année les semestres académiques, au fur et à mesure de la montée en puissance d’une certaine forme de militantisme dépassant le simple cadre de l’argumentation.



En 2015, une enseignante à l’Université de Yale s’était retirée, après un tollé provoqué par un courriel dans lequel elle défendait le droit des étudiants à se déguiser comme ils le voulaient pour Halloween, se demandant pourquoi il n’était plus possible d’être « un peu inapproprié, provocateur ». Elle et son mari, qui vivaient sur le campus, avaient été pris à partie par plusieurs étudiants, et avaient été poussés à quitter le campus.



À Evergreen State College, situé dans l’État de Washington, Bret Weinstein, professeur de biologie, avait dû quitter son poste après avoir mis en garde l’université contre l’organisation d’un jour « d’absence volontaire » des blancs sur le campus. L’objectif de l’événement était d’organiser des conférences réservées aux personnes de couleur. Après plusieurs altercations avec des étudiants, Bret Weinstein avait été poussé vers la sortie, l’affaire se concluant par un procès contre l’université et un règlement juridique.



Ces étudiants radicalisés des campus américains, en plus de ces « raids » sur le corps enseignant, élaborent depuis plusieurs années des concepts ensuite repris à travers le monde, démontrant une capacité d’influence idéologique intacte des facs américaines. C’est ainsi que s’est développée dans les universités la pratique du « Trigger Warning », avertissement de l’enseignant à ses élèves avant d’aborder un point considéré comme sensible, voire traumatisant. Étude d’ossements humains en archéologie, mais également analyse de certains événements historiques considérés comme « offensants », de nombreux professeurs se voient obligés de prendre des précautions nouvelles dans leurs enseignements. Le premier amendement de la Constitution en jeu



Une forme de prophylaxie intellectuelle, par laquelle les élèves qui la réclament assument une forme de fragilité devant la liberté d’expression traditionnelle des États-Unis. Cette dernière, sacro-sainte par le biais du premier amendement de la constitution*, devra-t-elle s’adapter ? En juin 2019, Lee Bollinger, président de l’Université Columbia, assurait qu’elle se portait « très bien », en réponse à Donald Trump qui insistait sur la pluralité des intervenants extérieurs dans les facultés, et se plaignant que ses soutiens y soient régulièrement malmenés ou désinvités. « Les normes concernant le premier amendement évoluent » avait argumenté le juriste.



En 2018, dans une tribune pour l’Association du barreau américain, une avocate, Monique Altman, faisait néanmoins le constat inverse, osant même un parallèle historique concernant les campus universitaires américains, « devenus des bastions de la censure de la liberté d’expression ». Elle rappelait que les plus zélés partisans du parti nazi, alors aux portes du pouvoir, se trouvaient parmi les étudiants des universités allemandes, « où ont eu lieu les premiers autodafés et agressions à l’égard de professeurs réfractaires ». Aujourd’hui, si la censure sur les campus est présentée « comme une défense contre la haine et les propos offensants », elle n’en étend pas moins ses principes, immuables.



*« Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparation des torts subis ».



Source : Le Figaro