Bravo Obama ! Mais le modèle étatsunien ? Non merci, Gesca !

Tribune libre 2008

Une politique étrangère un tout petit peu moins impérialiste, une politique
économique s’inspirant un tout petit peu moins des thèses néolibérales de
Milton Friedman : même en n’espérant guère plus que cela, il y a lieu de se
réjouir de la victoire de Barack Obama. Il y a progrès inévitable par
rapport à son prédécesseur. Mais, bon, de là à remettre les Etats-Unis au
sommet de l’humanité, sur fond de violons et de fanfares, il y a un abîme
de bêtise dans lequel la décence interdit de sauter. Sauf que les abîmes de
bêtise, c’est justement là-dedans que nos médias aiment bien sombrer, en
particulier les scribouillards de Gesca, pour qui, à une ou deux exceptions
près, « l’Amérique », comme ils l’appellent, est redevenue plus que jamais
un modèle de démocratie. Dans leurs articles du lendemain de l’élection,
ils n’ont que fleurs et encens pour l’Oncle Sam, cependant que, soucieuse
d’originalité, Mme Lysiane Gagnon ne manque pas d’y ajouter du fiel. Du
fiel qu’elle déverse, évidemment, sur le Québec et sur la France. Oh ! elle
en garde bien un peu pour le Royaume-Uni, mais c’est juste comme ça, en
passant, histoire, on l’aura deviné, de ne pas trop paraître anglolâtre.
Voyons donc la petite leçon que Mme Gagnon nous sert :
« Racistes, xénophobes, les Américains ? Mais au fait, combien y a-t-il de
députés, de préfets, de maires et de conseillers régionaux d'origine arabe
ou africaine en France ? Combien de musulmans, derrière les figures-alibi
de Rachida Dati et de Rama Yade ? Croyez-vous que le Royaume-Uni pourrait
se donner un premier ministre d'origine pakistanaise issu de la plus grande
minorité du pays ? Et chez nous ? Un arabe ou même un juif de très vieille
souche pourrait-il être premier ministre du Canada ? Pas sûr. Un
anglophone, même bilingue, pourrait-il être premier ministre du Québec ?
Encore moins sûr... »
Oui, petite, très petite leçon. Mme Gagnon maîtrise toujours bien son art,
celui d’écrire n’importe quoi avec aplomb. Malheureusement pour elle, il y
a encore des lecteurs qui connaissent au moins un peu l’histoire et qui
n’ont pas oublié certains faits qu’elle a choisi de passer sous silence.
Il y a des Noirs en nombre important aux Etats-Unis depuis plus de trois
siècles, depuis le XVIIe, en fait. Ils y sont donc arrivés avant même que
les Etats-Unis ne portassent ce nom. Ils y furent amenés de force et gardés
en esclavage jusque vers 1865 et y subirent ensuite la ségrégation pendant
plus d’un siècle. En revanche, ce n’est que depuis une quarantaine d’années
qu’existe en France une minorité notable d’origine arabe. Ce sont des
immigrés ou des enfants d’immigrés dont certains accèdent déjà à des postes
politiques.
Par ailleurs, sous les IIIe et IVe Républiques, la France, souvent décriée
comme une championne de l’antisémitisme, fut dirigée par des personnalités
telles que Léon Blum et Pierre Mendès-France. Sous la Ve République, Michel
Debré, lui aussi d’origine juive, fut premier ministre de 1959 à 1962.
après quoi il assuma de nombreuses fonctions ministérielles. Il y eut
également Gaston Monnerville, qui n’était pas juif, celui-là, non Ce
Monnerville fut président du Sénat de 1959 à 1968 et, si le Général de
Gaulle avait démissionné durant ces années-là plutôt qu’en avril 1969, la
France aurait alors eu, pour quelques semaines et à titre intérimaire il
est vrai, un Président de la République aussi noir, sinon plus, que M.
Obama.
Enfin, malgré l’anglophobie qu’invente et dont l’accuse Mme Gagnon, le
Québec n’a-t-il pas eu des premiers ministres du nom de John Jones Ross
(1884-1887) et Edmund James Flynn (1896-1897) ? Il est vrai qu’ayant grandi
dans notre campagne, dans notre terroir, ils parurent tous deux à peine
moins canadiens-français que, plus tard, un Daniel Johnson et ses fils. Il
n’empêche que leur origine ne rebutait personne. Seule comptait leur
solidarité avec les héritiers des conquis de 1760, une solidarité réelle,
même si elle ne se manifesta pas toujours avec cohérence sur le plan
politique.
Luc Potvin
Verdun

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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2008

    Au Etats-Unis, il y a une loi qui stipule que seul un Américain de naissance peut devenir président. Y a t il une loi aussi xénophobe chez nous, Mme Chose?
    Par ailleurs, l'actuel premier ministre du Québec , John James Charest, est un anglophone bilingue, élu par la minorité anglophone.
    Finalement, contrairement aux États-Unis et au Canada, le Québec depuis 2003 ne forme pas une démocratie mais bien une oligarchie industrielle: une sorte de protectorat d'intérets privés Ontariens et Albertains en sol Québécois, tenant le peuple dans un état d'ignorance par le biais du baillon médiatique imposé, entre autre, par les traitres de Gesca, Chorus et la CBC, dont l'attitude frise parfois le fachisme (affaire Philpot au moment des dernières élections, débat des chefs de 2003, entente secretes, etc., etc., etc)
    Nous assistons présentement au démentelement systématique de l'état-nation du Québec et au transfert de nos avoirs collectifs (systeme de santé, hydro-québec, culture, patrimoine, histoire, identité...) au profit de l'entreprise privée, et il faudrait laisser faire en se croisant les bras et en se faisant traiter d'intolérant.
    Madame Chose vit-elle au Québec?

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2008

    Lysiane Gagnon ajoute dans Le soir où la Terre a tremblé - La Presse 2008 11 05
    « La vague d'anti-américanisme féroce qui a déferlé partout était injuste, surtout quand elle prenait la forme de condamnations sommaires et stéréotypées: dominateurs, impérialistes, racistes, les Américains... Enfin, on tenait en mains le prétexte idéal pour le condamner, ce peuple trop gros, trop riche, trop dynamique, trop sûr de lui. L'envie, on le sait, mène à toutes les dérives. »
    Encore ici, le sophisme. Le supposé anti-américanisme dont nous souffririons tant, n'est pas de l'anti-américanisme. Ce dont on parle, et pour la très grande majorité de celles et ceux qu'on prétend à tort être « anti-américains », ce n'est pas de la détestation des états-uniens qu'il est question, mais bien du fait d'être anti-impérialistes. Le fait d'être contre l'impérialisme, contre l'impérialisme énonomique, l'impérialisme politique et culturel de l'État des États-Unis, de ses organisations économiques, militaires et sociétales. Contre les politiques qui favorisent l'impérialisme, contre la domination, l'unilatéralisme. En somme, contre le gouvernement qui à coup de fabrication, se fait élire par les États-uniens, parfois dans le vol des urnes.
    Voilà donc que ce peuple états-unien élit un nouveau président qui pourra peut-être changer la donne à cet égard. Pour peu que la « révolution » qui permet de le faire élire en tant minorité historiquement opprimée, impérialisée, pourra changer la culture impérialiste de ses autorités économique, politiques et culturelles. À commencer par le fait de ne pas se prendre une fois encore pour les seuls et uniques porteurs de flambeau de la liberté et de l'évolution de l'humanité.
    Soit dit en passant, il est étonnant qu'échappe à la supposée sagacité de l'analyste le fait que le président « Sarkozy » est justement issu d'une minorité immigrée de France.
    Pour ce qui est d'élire un anglosquébécois comme Premier ministre du Québec, quand ils décideront de faire partie du Québec non plus seulement en voulant imposer unilatéralement et d'autorité un État du Canada jamais nommément soumis à l'approbation du peuple souverain du Québec, quand l'un d'entre eux se dira Québécois au point de combattre à nos côtés ce Canada là, quand ce combat là aura été gagné, quand le peuple souverain du Québec se sera doté d'un État qui émane de lui, je ne vois pas pourquoi un angloquébécois ne pourrait pas devenir Prédisent de cette République-là. Pour l'heure, la comparaison milite plutôt en faveur du fait qu'élire un Anglo-québécois comme Premier ministre du Québec, se compare plutôt à l'élection de McCain, et non à celle d'Obama.
    Pour qu'un Barack Ogama puisse être élu, il a fallu que le peuple noir vive dans un État dont il ne remet pas en question la Constitution. Il a fallu que cette Constitution qui bannissait l'esclavage s'impose, dans les faits. Il a fallu que le peuple États-uniens renonce à proférer des menaces de représailles quand le peuple noir états-uniens usait de sa liberté de choisir comment il désire vivre et prospérer.
    Ce n'est encore pas le cas au Canada qui s'emploie toujours à menacer les Québécois de représailles politiques, économiques et culturelles. Un État du Canada unilatéral à la Constitution contestée, qui menace de lyncher ou de fouetter le peuple souverain du Québec, dans le cas où il décidait d'user de sa liberté hors le domaine du maître des lieux d'un Canada de l'enfermement. Le jour où ces menaces cesseront, le jour où ce peuple pourra se doter d'un État qui émane de lui, un État qui permet l'effectif usage de la liberté y compris celle de créer un État souverain voisin et ami du Canada sans chantage ni menace, on pourra toujours faire des comparaisons qui s'imposent.
    D'ici là, oui. Les États-unis sont pour le Canada, un phare de l'humanité. Ils sont en mesure de montrer au Canada le chemin qui lui reste à parcourir pour être à la hauteur de ce qui vient de ses passer hier en « Amérique ».
    Les menaces de représailles doivent cesser. C'est la première chose que l'esclavagiste doit abandonner pour libérer « son » esclave de ses chaines trébuchantes et sonnantes ou métaphoriques.
    Le peuple noir des États-Unis a lutté longtemps pour se libérer. Nous luttons depuis près de 250 ans nous aussi. Élire l'un des nôtres à la tête du Canada n'a pas suffit pour rompre avec l'unilatéralisme impérialiste britannique et aujourd'hui canadien, au contraire... espérons que cela se passera autrement aux État-Unis. Il y a de forte chance. Il n'y a qu'au Canada qu'on tient encore les menaces de représailles pour la liberté de choix, et cela sans même s'en sentir quelque honte.