Le scénario était écrit d'avance. Avant le début des travaux du Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE), les critiques pleuvaient sur la nature du mandat confié à l'organisme, sur les délais dont il disposait pour remettre son rapport.
Et depuis que la commission d'enquête du BAPE a entrepris ses audiences, la semaine dernière à Saint-Hyacinthe, les éléments les plus militants se sont mis à critiquer la façon dont se déroulaient les travaux et même à attaquer le président de l'organisme, Pierre Renaud, pour remettre en question sa neutralité et sa probité.
Le scénario est cousu de fil blanc. Ces critiques préparent le terrain pour pouvoir dénoncer les conclusions du BAPE, qui seront nécessairement plus nuancées que ce que souhaiteraient les groupes les plus militants. Mieux vaut attaquer tout de suite.
C'est Daniel Breton, président d'un des groupes écologistes, Maîtres chez nous au 21e siècle, que l'on a beaucoup entendu dans le dossier du gaz de schiste, qui s'est lancé dans une attaque extrêmement inélégante et très peu convaincante.
Que reproche-t-il au président du BAPE? Avant d'occuper ses fonctions actuelles, il a été vice-président pour le Québec d'un organisme environnemental, Conservation de la nature, qui achète des territoires naturels pour les protéger de l'exploitation. La faute de M. Renaud, c'est qu'André Caillé, maintenant le porte-parole de l'industrie du gaz de schiste, a été membre, entre 2001 et 2005, du conseil d'administration de Conservation de la nature.
C'est quoi le crime? Est-ce que les deux hommes ont pollué des rivières ensemble? Ils ont fait un peu de forage le week-end? Évidemment pas. Mais on a ainsi réussi à établir une «connexion», à établir une sorte de crime par association.
Le lien est toutefois extrêmement ténu. Quand on connaît un peu le fonctionnement des organismes à but non lucratif, on sait qu'il y a très peu de liens entre les membres d'un conseil d'administration et les employés de l'organisme. D'autant plus que M. Caillé semble n'avoir à peu près jamais assisté aux réunions du conseil dont il était membre. En plus, si M. Caillé avait été invité à siéger à ce conseil, c'était parce qu'il était alors PDG d'Hydro-Québec. Autrement dit, ce que l'on reproche à Pierre Renaud, c'est d'avoir croisé, il y a quelques années, le patron d'Hydro! Pour échapper à ce genre d'accusations, il faudrait être un Zoulou.
Il est amusant de noter que le Journal de Montréal, dans le même dossier, toujours grâce aux bons services de M. Breton, a trouvé une autre tare au président du BAPE, le fait que d'importantes entreprises ont versé des subventions à l'organisme où il oeuvrait, notamment Power Corporation, la compagnie que les journalistes stipendiés de ce quotidien ont pour mission de conspuer. Si le mécénat est condamnable, pas un recteur d'université, pas un directeur d'hôpital ou de musée n'est à l'abri.
Le salissage est d'autant plus gratuit que le président du BAPE ne préside pas la commission d'enquête sur les gaz de schiste. Ce n'est pas lui non plus qui va rédiger le rapport tant attendu. C'est un VP du BAPE, Pierre Fortin, qui préside ces travaux. Il faut dire qu'il subit lui aussi les attaques du militant Daniel Breton, selon qui il fait preuve d'une «complaisance ahurissante» à l'égard de l'industrie. La critique arrive un peu tôt. Il serait plus sage d'attendre le rapport.
Cet incident n'est pas majeur. Mais il illustre bien les dérives de nos débats de société. Le rôle disproportionné d'organismes qui choisissent un militantisme pas très propre, la complaisance de journalistes qui leur servent de porte-voix, et les manoeuvres qui nous éloignent d'une réflexion honnête et éclairée.
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