L’horizon moyen-oriental est de plus en plus chargé. Entre les attentats commis en Irak, les accusations échangées entre Washington et Moscou, l’application forcée du plan de paix d’Annan et des rapports portant l’empreinte de l’ONU, la situation actuelle, pour reprendre les mots du secrétaire général de l’OTAN, est un écho de celle observée il y a vingt ans dans les Balkans. Déclinons.
Au cours des dernières quarante-huit heures, la patronne de la diplomatie américaine a exprimé sa vive inquiétude découlant de l’envoi d’armes lourdes et d’hélicoptères russes au bénéfice de Bachar el-Assad. Évidemment, histoire de ne pas être en reste, son homologue russe a pointé le doigt sur l’acheminement, par l’intermédiaire de l’Arabie saoudite, d’armes américaines aux insurgés libyens. Acheminement effectué géographiquement par l’Irak où, hier, des sunnites ont fait exploser une dizaine de bombes qui ont tué au-delà de 80 personnes. En fait, cette journée s’est avérée la plus sanglante depuis le retrait des militaires américains, il y a un an environ. Ce n’est pas tout.
Un rapport « onusien » assure que l’armée syrienne a utilisé à plus d’une reprise des enfants comme boucliers humains. Un haut responsable de l’ONU a affirmé peu après que la Syrie avait sombré dans la guerre civile. Vingt-quatre heures plus tard, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, reprenait ce constat pour mieux l’accompagner de la proposition suivante : conformément à l’article 7 des Nations unies, il faut rendre obligatoire le plan de paix composé par l’envoyé spécial de la Ligue arabe et de l’ONU, Kofi Annan.
À cette série de facteurs qui ont émaillé le cours de l’histoire des deux derniers jours, il faut greffer les gestes posés antérieurement qui permettent d’avancer que les germes d’une régionalisation du conflit ont bel et bien été semés. À plus d’une reprise au cours des récentes semaines, des tirs ont été échangés entre insurgés syriens et miliciens inféodés à El-Assad en territoire libanais. Des sunnites ayant rejoint l’armée de libération font des allers-retours entre l’ouest de l’Irak, où les sunnites irakiens sont majoritaires, et les zones de combat situées en Syrie. On fera l’impasse sur d’autres faits ou variables pour mieux retenir que la Syrie et l’Irak forment un chaudron à bien des égards identique à celui de la Bosnie, du Kosovo et de la Serbie dans les années 90.
Il en est ainsi parce que la crainte que la Syrie ne sombre dans le chaos a tétanisé la communauté internationale. Il en est ainsi parce que la Chine et la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, se sont appliquées avec une méticulosité criminelle à faire de l’obstruction, à dire et à se dédire. Il en est ainsi parce que les États-Unis, après être partis à l’assaut de l’Irak sous un prétexte si faux qu’il a entamé durablement leur crédibilité, ont quitté l’Irak sans s’assurer que la sécurité était là pour rester.
Pire, le gouvernement américain a laissé les coudées franches à un homme qui est une contradiction de la démocratie. Il s’appelle Nouri al-Maliki. Le problème ? Il est le premier ministre de l’Irak. Il est le dirigeant d’un État qui ne respecte pas l’accord de gouvernement négocié, sous le patronage du vice-président américain, Joe Biden, avec le chef de file de l’opposition, Iyad Allaoui. Il est le chef d’un État qui, au lendemain du départ du dernier soldat américain, a lancé un mandat d’arrêt contre le vice-premier ministre… sunnite !
Il est le chef d’un État où la corruption, la gabegie, la brutalité, l’arbitraire ont réduit l’État de droit, la liberté d’expression et le souci démocratique à des caprices d’Occidentaux crédules. Bref, Al-Maliki et El-Assad logent à la même enseigne. Celle, plus exactement, des rebuts de l’Histoire. La récolte des déchets est loin d’être terminée.
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