Un courant nostalgique
Hélas, sur le présent site, certains auteurs se laissent emporter par un courant qui voudrait retourner à l’illusoire confort amniotique d’une identité canadienne-française essentiellement ethnique. Le projet québécois contemporain se fonde plutôt sur une nation avant tout linguistique et culturelle, précisément française et nord-américaine. Dont l’assiette territoriale est le Québec, que les premiers indépendantistes ont rêvé d’appeler la Laurentie, plutôt que ce tronçon colonial britannique que fut le Bas-Canada. Dans un pays normal, c’est-à-dire indépendant, une immigration peu nombreuse est facilement assimilable, surtout si elle est d’origine diverse ; dans le Canada actuel, c’est l’invasion migratoire de communautés multiples qui menace l’existence même de la nation québécoise.
Des positions boiteuses
Pour critiquer le projet indépendantiste, on se livre parfois ici à un procès d’intention qui, en amalgamant indûment les concepts, s’apparente à une discussion abstraite sur le sexe des anges.
Par exemple, la dénonciation de « la conception toute britannique d’une nation québécoise “ laïque, ouverte sur le monde et inclusive ” ». Pardon ? ! Au contraire, la représentation anglaise du monde est monarcho-religieuse, hostile aux peuples y compris le sien et exclusive à son élite.
Ou encore, ce faux reproche de céder complaisamment à la postmodernité multiculturaliste ou interculturaliste, cette idéologie creuse qui ne mérite plus une telle fixation parce qu’elle nous détourne du projet positif de création de la république. La postmodernité n’est qu’une dérive idéologique, comme en présentent toutes les périodes de l’Histoire, qui cherche à désagréger les fruits mêmes de la modernité.
Finalement, un auteur nous présente une solution : rouvrir la Constitution canadienne. Hein ! ? À partir de quel rapport de forces ? Pour réclamer quoi ? L’égalité des peuples au sein du Canada largement anglicisé de la dynastie trudeauesque, alors que nous sommes l’unique peuple fondateur il y a 410 ans de ce pays irrémédiablement compromis il y a 150 ans par le sournois George Brown ? Il semble que des leçons de l’Histoire se soient perdues dans le magasin général fermé à double tour par le « bon soldat » chrétien.
Défis psychiques
Certes, on ne peut effacer complètement plusieurs siècles de psychisme catholique, mais on peut et on doit transcender ce passé en retenant ses aspects féconds pour l’avenir. Il est surtout impératif de rejeter son affreux esprit de résignation, qui nous plombe encore, dont l’effet est de nous priver d’une volonté de lutte indéfectible aboutissant à la liberté collective. Que dire du dogmatisme religieux, qui bouche toujours l’horizon tant spirituel que politique ! Les zélotes actuels d’un État-providence absolu n’ont fait que succéder au clergé de l’Église catholique, et substituer le Grand Soir marxiste, culturel ou pas, au Ciel. Comme l’affirme Martine Ouellet elle-même, il ne faut pas « plus d’État », mais « mieux d’État ».
Par ailleurs, comme toute époque appelée à disparaître, celle des Lumières est aussi dépassée. La laïcité, quoiqu’elle nous ait affranchis du dogmatisme religieux d’antan, soit catholique, protestant ou juif, n’est pas apte en soi à développer la spiritualité ; d’ailleurs, elle n’a pas su contrer le retour du religieux en Occident, sous sa forme monothéiste la plus agressive, conquérante et violente, l’islam. On aura compris que la laïcité est toujours nécessaire, mais que son statut actuel — officieux au Québec, et même officiel en France — ne suffit plus.
Une nouvelle période de l’Histoire universelle naît, dans l’effort et la douleur. Alors, quel héritage peut apporter le peuple québécois à l’humanité ? Notre outil principal, la langue française génératrice de la culture québécoise, qui assurera, en coopération avec les autres peuples, notre exploration originale des divers domaines — éducation, santé, écologie, économie, énergie, transports, communications, arts et lettres —, ainsi que des dimensions encore inconnues du projet humain.
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