Les membres de l'Assemblée nationale ont trouvé le moyen de faire une rentrée remarquée après leur long congé estival. Le tout s'est déroulé sur fond de rumeurs d'élections anticipées que Jean Charest serait tenté de déclencher. Dans le contexte de ralentissement économique qui apparaît inévitable, la tenue d'un scrutin n'est pas prioritaire, loin s'en faut.
Ces rumeurs d'élections sont habilement entretenues par les libéraux qui ont ainsi clamé que la défaite de leur candidat à la présidence de l'Assemblée nationale mettait fin à la cohabitation avec les partis d'opposition. Il aurait été pourtant facile d'accepter de bonne grâce que la présidence de la chambre aille à l'opposition. Cela aurait été un vrai geste de cohabitation. Le Parti libéral l'a refusé péremptoirement.
Le message aux adéquistes et aux péquistes a été le même toute la semaine. Le premier ministre et ses ministres ont émaillé leurs réponses aux questions de l'opposition de provocations qui montrent bien qu'il n'y a de leur part aucune volonté de collaborer. Mais il y a plus, on est sur le pied de guerre, comme le démontre l'incursion réussie dans les rangs adéquistes où on a recruté deux députés.
S'il déclenchait des élections pour le 1er ou le 8 décembre, les deux seules dates possibles cet automne, le premier ministre invoquerait le climat régnant à l'Assemblée nationale et demanderait un mandat fort pour affronter la tempête économique. Mais le jupon dépasse. Il n'y a jamais eu de conditions aussi propices à une victoire libérale, et on veut en profiter.
L'Action démocratique est en désarroi, comme l'a illustré la défection de deux de ses députés jeudi. D'autres pourraient d'ailleurs suivre. Depuis un an, ce parti a retrouvé le niveau de popularité qu'il avait en 2003: il avait alors recueilli 16 % des suffrages et fait élire seulement quatre députés. Le leadership de son chef, Mario Dumont, est atteint. Si une élection avait lieu cet automne, le Parti libéral serait vraisemblablement reporté au pouvoir à la tête d'un gouvernement majoritaire, et le Parti québécois redeviendrait l'Opposition officielle. Même si l'opposition que le PQ livrerait au gouvernement Charest serait plus musclée que celle qu'offre actuellement l'ADQ, les libéraux préfèrent un tel scénario, animés qu'ils sont du désir d'écraser ce parti né d'une scission dans leurs rangs.
Le jupon libéral dépasse tellement que les électeurs, qui n'ont déjà pas apprécié que le gouvernement conservateur dépense 300 millions pour une élection fédérale qui nous a ramenés au point de départ, pourraient être tentés de punir les libéraux de leur opportunisme. Car une élection à ce moment-ci n'aurait aucun autre objet que d'éliminer l'ADQ. Or, sa faiblesse est justement ce qui rend futile la tenue d'un scrutin: la perspective d'être écrasé par les libéraux ne peut que rendre ce parti très coopératif pendant encore plusieurs mois. Les députés adéquistes pourront bien élever le ton à la période des questions, mais, venu le moment de voter les budgets de la ministre des Finances, ils n'auront d'autre choix que de composer avec cette réalité.
Le contexte économique actuel exige au contraire que le premier ministre Charest mette de côté la partisanerie et gouverne avec une certaine hauteur. Ces 18 derniers mois, il a adopté des mesures économiques et financières qui rendent aujourd'hui l'économie québécoise moins vulnérable que celle de l'Ontario au ralentissement qui s'annonce. Même s'ils n'avaient pas été conçus à des fins de sécurité publique, ces programmes tombent à point et génèrent une activité économique au moment où on en a besoin. Il faudra faire plus toutefois car la situation est préoccupante, en dépit des paroles rassurantes de la ministre des Finances.
Le principal défi du gouvernement Charest est d'élaborer une réponse concertée au ralentissement économique pour en limiter les effets. Pour ce faire, il doit mobiliser l'ensemble des acteurs socioéconomiques, comme d'autres gouvernements québécois l'ont fait lorsqu'ils ont été confrontés aux mêmes défis. Rappelons-nous le succès qu'avait eu la Corvée Habitation lors de la récession du début des années 80. Si le premier ministre réussit cette mobilisation, les partis d'opposition ne seront pas en mesure de lui mettre des bâtons dans les roues. Tout au contraire, il pourra se présenter devant les électeurs dans 12 ou 24 mois avec un bilan qui lui vaudra alors la reconnaissance des électeurs.
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