La CAQ vient à peine d’entrouvrir la porte à peut-être se poser des questions pour éventuellement jeter un nouveau coup d’œil à l’exploration pétrolière sur Anticosti. Scandale ! En cette matière, même réfléchir n’est plus permis.
Les réactions à cette hypothèse sont formulées dans les thèmes les plus musclés. La critique se formule à peu près comme ceci : « Dans le contexte des changements climatiques, comment un gouvernement pourrait détruire un joyau écologique comme l’île d’Anticosti ? » La question ainsi posée, la condamnation est déjà prononcée.
Faussetés
Si je vous disais qu’à l’intérieur de la question ainsi rédigée, tout est faux. Les trois parties de l’énoncé contiennent de réelles erreurs de fait.
D’abord, la lutte au changement climatique passe par une réduction de notre consommation d’hydrocarbures. Dans tous les scénarios, nous continuerons d’en consommer au moins pour les 30 à 40 prochaines années.
Le fait d’en produire chez nous n’entraîne en rien une hausse de la consommation. Nous ne ferions que remplacer une partie de nos importations par du produit local. Un gain économique considérable. Si nous voulions être exemplaires du point de vue environnemental, il serait même possible de réinvestir les redevances de l’activité pétrolière dans les énergies vertes.
Deuxième fausseté : l’île d’Anticosti n’est pas le joyau écologique décrit. C’est une île très bien du point de vue de la nature. L’écologie y est cependant bouleversée par le fait qu’Henri Menier y a jadis implanté des chevreuils. Sans prédateurs sur l’île, ils sont maintenant en surpopulation, avec des impacts sur l’écosystème.
Le gouvernement Couillard avait posé la candidature de l’île pour une reconnaissance au patrimoine de l’UNESCO. De la politique spectacle. Il y a quelques années, des écologistes s’étaient même mobilisés pour s’opposer à ce qu’on en fasse une réserve écologique québécoise.
Tout détruire ?
Troisième affirmation : l’exploration pétrolière va « détruire » l’île. Anticosti est une île immense, 16 fois la superficie de l’île de Montréal. Une opération pétrolière transformerait le paysage à certains endroits, certes. Il faudrait construire des routes, faire des forages, peut-être un port de mer.
Mais soyons sérieux, on n’y coupera pas tous les arbres ! Selon les scénarios, c’est une proportion limitée de toute l’île qui sera affectée. 5 %, 10 %, 15 % ? L’île ne sera pas un stationnement de béton d’une rive à l’autre !
Remplaçons pour un instant la phrase « détruire un joyau écologique en abandonnant nos objectifs environnementaux » par « utiliser 10 % du territoire d’une île ordinaire, dans le respect de notre politique environnementale ». Peut-être alors pourrions-nous amorcer une discussion plus intelligente.
Si au moins nous allions achever la phase d’exploration qui était prévue, nous aurions un portrait plus clair, nous inclurions des données factuelles à la discussion.
La CAQ jugera-t-elle que nous sommes un peuple assez mûr pour faire cela ? Je n’en suis pas certain.