« On est dans une ère où, tout à coup, il y a des choses qui ne sont plus acceptables. »
Pour la présidente de l'Union des artistes, Sophie Prégent, une « nouvelle façon » de voir la culture québécoise devra naître de la tourmente dans laquelle le milieu culturel est plongé depuis l'annulation en quelques semaines de deux spectacles traitant de minorités.
« C'est bien dommage, mais la réalité telle qu'on l'a connue - la scène, la télé, le cinéma... Ça n'a plus sa place comme ça. Ça va devoir changer, s'adapter à notre réelle vérité de Québécois. Ça, pour moi, c'est sain. »
« [À partir d'un] sujet très artistique, de gens qui veulent avoir accès à du travail, on est en train de se demander quel est le visage de la société québécoise. »
- Sophie Prégent, présidente de l'Union des artistes
En entrevue à La Presse, l'actrice Sophie Prégent a accepté de revenir sur la fin abrupte des représentations de SLĀV et, tout récemment, à l'annulation de Kanata, spectacles imaginés par Robert Lepage. L'Union des artistes (UDA) n'avait pas encore réagi de façon officielle à la polémique qui fait rage au Québec depuis le début du mois de juillet.
« C'est infiniment regrettable, c'est déplorable que des évènements comme ça puissent arriver », assure-t-elle, affirmant qu'un « spectacle devrait toujours avoir lieu ». Reste que la présidente de l'UDA est d'avis qu'une « prise de conscience collective » était peut-être nécessaire, comme pour marquer la fin d'une époque, d'une façon de faire.
« Les temps ont changé, les temps changent. C'est surtout ce que je retiens. »
« BESOIN DE BOUILLIR »
La représentation de la diversité culturelle dans le milieu artistique n'est d'ailleurs pas un enjeu nouveau pour l'UDA, qui dit plancher sur la question depuis quelques années déjà, notamment avec des membres issus des minorités. « On se doutait bien qu'un moment donné, ça ne suffirait plus de s'adresser à nous », explique la présidente.
« L'Union est en quête d'harmonie là-dedans. On ne souhaitait pas le conflit, au contraire. On essayait tant bien que mal, avec les possibilités, de créer de l'espace, de faire de la place, d'entendre et d'écouter. Il y a une énorme quête de l'Union, là-dedans, parce que ça représente de plus en plus de nos membres et parce que ça nous intéresse », dit-elle.
Environ 25 % des membres de l'Union des artistes sont issus de la diversité culturelle.
Mais force est de constater que la démarche a atteint ses limites. « Je suis convaincue qu'il y a un espace où tout ça peut coexister, sauf que ça avait besoin de bouillir, toute cette affaire-là. Malheureusement, tant et aussi longtemps que ça bout, il y aura peu de place pour le vrai débat », illustre-t-elle, souhaitant « sincèrement » qu'il se fasse après la tempête.
Sophie Prégent déplore que les artisans des deux spectacles aient en quelque sorte payé le prix de cette réflexion à venir. Elle remet en question la « méthode ». « Est-ce qu'il y aurait eu une autre façon de faire ? Sans doute [...] Mais comment on fait pour parler aux gens quand les gens ne nous écoutent pas, ne nous entendent pas ? »
« Un moment donné, il n'y a peut-être plus de méthodes, alors on assiste à des excès, des dérapes. On entend des mots qu'on n'aurait jamais dû entendre... Mais après, on fait quoi, avec ça ? [...] Est-ce que ce qu'on présente comme culture, c'est à l'image de ce qu'on est vraiment ? C'est là qu'il est rendu, le débat. »
LE THÉÂTRE DU SOLEIL DÉNONCE UNE « INTIMIDATION » IDÉOLOGIQUE
Plus tôt dans la journée, la direction du Théâtre du Soleil a décrit comme de l'« intimidation inimaginable dans un pays démocratique » la pression ayant mené à l'annulation du spectacle Kanata, après le retrait financier d'un coproducteur américain.
Dans un communiqué, la troupe établie à Paris affirme que cette pression a été exercée « en grande partie sur les réseaux sociaux, au nom d'une idéologie que le Théâtre du Soleil ne veut pas qualifier ici, mais à laquelle il répondra avec ses propres outils ».
Les responsables du théâtre se disent « convaincus que l'annulation de Kanata n'était en rien le but recherché par l'immense majorité des artistes autochtones francophones rencontrés par Ariane Mnouchkine et Robert Lepage », la semaine dernière, à Montréal.