Il y a quelques semaines, le décès de René Angélil a fait grand bruit médiatique. Sans doute en raison de ses talents largement reconnus (imprésario hors pair, homme d’affaires accompli avec la réussite financière à la clé, grande générosité envers ses amis et apport à la reconnaissance internationale du Québec grâce au talent de Céline Dion, qu’il a su faire rayonner à grande échelle), l’homme a eu droit à des funérailles d’État, après quelques jours en chapelle ardente.
La semaine dernière, un autre personnage non moins important, mais moins visible sur le plan médiatique, nous a quittés à l’âge vénérable de 100 ans. Il s’agit, bien sûr, du père Benoît Lacroix, dominicain de vocation. Celui-ci était, à n’en pas douter, un être hors du commun. Érudit, féru d’histoire, médiéviste, enseignant à l’université durant 40 ans et auteur d’autant de volumes, il était un homme d’une grande ouverture d’esprit et un humaniste qui avait acquis une sagesse certaine grâce à l’étude et, aussi sans doute, à la contemplation.
La différence dans l’accueil et le traitement de ces deux décès n’a pas manqué de me frapper. La question suivante m’est donc venue : pourquoi René Angélil, qui a oeuvré toute sa vie dans le domaine du spectacle, a-t-il eu droit à des funérailles d’État tandis que personne n’a jugé bon d’en faire autant pour le père Lacroix, un passeur de connaissances et un éclaireur de consciences. Je ne veux en rien diminuer les qualités et accomplissements de René Angélil. Lui et le père Lacroix ont chacun acquis des mérites dans les sphères d’action qui étaient les leurs.
Il me semble que la réponse à ma question s’explique par un fait de société et non pas par une appréciation subjective — donc arbitraire — des qualités individuelles et de l’importance des deux personnages en matière d’influence sur la société. À mon sens, on peut voir dans l’hyperimportance médiatique et politique accordée au décès de René Angélil un révélateur du type de société dans laquelle nous vivons, phénomène qui n’est pas particulièrement spécifique au Québec. Nous sommes ainsi face à une représentation de deux univers qui diffèrent par leurs exigences, leurs valeurs, leurs croyances, leur logique d’intérêts et leurs finalités. D’un côté, la société du pain (l’économie, les lois du marché, la prospérité) et des jeux (le spectacle, le divertissement, la médiatisation, le marketing, le modelage stratégique de l’opinion publique, l’extériorisation calculée des émotions, la reconnaissance médiatique). De l’autre, la quête de sens, la spiritualité, la connaissance désintéressée, la contemplation, l’enrichissement de la vie intérieure et la recherche de la sagesse et « d’une vie bonne ». Point n’est besoin d’une longue démonstration pour savoir lequel des deux courants prévaut sur l’autre par les temps qui courent.
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