Confrontée à une fronde sans précédent, la chancelière allemande pourrait être obligée de quitter son poste dès cette semaine.
La droite allemande a imposé, ce lundi 18 juin, à la chancelière Angela Merkel un ultimatum de deux semaines pour une solution européenne au défi migratoire, faute de quoi le pays fermera ses frontières au risque de provoquer une crise nationale et en Europe.
Si Angela Merkel échouait au niveau européen, sa position deviendrait difficilement tenable tant elle a prôné une réponse communautaire à l'afflux des demandeurs d'asile. Et sa fragile coalition allant de la droite dure bavaroise (CSU) aux sociaux-démocrates pourrait s'écrouler.
Selon l'agence allemande DPA, la CSU du ministre de l'Intérieur Horst Seehofer prévoit, sauf accord européen au sommet des 28 et 29 juin, de refouler aux frontières tous les demandeurs d'asile ayant été enregistrés dans un autre pays de l'UE, le plus souvent l'Italie ou la Grèce, soit la quasi-totalité d'entre eux.
Un responsable du parti bavarois, Hans-Peter Friedrich a indiqué que des mesures de "refoulement vont être élaborées pour début juillet".
Acculée, la chancelière demandait un tel délai depuis plusieurs jours tout en s'opposant à une telle approche unilatérale pour ne pas provoquer un effet domino en Europe.
Pour elle, la survie de l'UE est jeu. "La manière dont agit l'Allemagne va déterminer si l'Europe va rester unie ou pas", a-t-elle mis en garde lundi, selon des participants à une réunion de son parti.
Horst Seehofer avait jeté la semaine dernière un pavé dans la mare en menaçant de décréter les refoulements aux frontières contre l'avis de sa cheffe.
En toile de fond, le périple des 630 migrants secourus en mer qui sont arrivés dimanche en Espagne, épilogue d'une semaine d'errance en Méditerranée qui a illustré de profondes fractures au sein de l'UE sur la question migratoire, au centre du prochain conseil européen des 28 et 29 juin. En Allemagne, l'arrivée de plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016 a créé une onde de choc politique qui ne faiblit pas dans le pays.
Une fragile coalition
Elle a d'abord contribué, comme en Italie ou en Autriche, à l'essor de l'extrême droite, et en même temps provoqué des déchirements au sein du camp conservateur de la chancelière, qui atteignent désormais leur apogée. L'aile la plus radicale sur les migrants de sa fragile coalition gouvernementale – qui va de la droite dure aux sociaux-démocrates –, le parti bavarois CSU, veut imposer un tour de vis à la politique d'immigration nationale.
Objectif : refouler dorénavant à la frontière tous les migrants qui ont déjà été enregistrés dans un autre pays à leur arrivée dans l'UE, le plus souvent l'Italie ou la Grèce. La chancelière centriste refuse. Elle redoute qu'un tel cavalier seul ne crée le chaos et n'obère toute chance d'obtenir une solution commune en Europe, au moment où l'UE discute d'un système d'asile partagé.
"Il s'agit d'un défi européen qui nécessite une réponse européenne", a-t-elle dit ce week-end, prévenant que la "cohésion de l'Europe" était en jeu. Mais l'Union chrétienne-sociale CSU, qui se prépare à de difficiles élections régionales en Bavière en octobre, perd patience. Elle accuse la chancelière et son parti démocrate-chrétien (CDU), avec lequel elle est pourtant alliée depuis 1949, de laxisme.
"La situation est grave mais encore soluble"
La direction de la CSU s'est réunit lundi matin à Munich avec l'objectif d'autoriser son président Horst Seehofer, également ministre fédéral de l'Intérieur, à défier Angela Merkel en imposant les refoulements aux frontières par décret. S'il passait immédiatement à l'acte, la chancelière n'aurait d'autre choix que de le limoger, ce qui provoquerait l'éclatement de la coalition au pouvoir depuis seulement trois mois et probablement de nouvelles élections.
Le ministre de l'Intérieur semble toutefois désormais disposé à accorder un délai de deux semaines à Angela Merkel, jusqu'au sommet de l'UE fin juin, pour qu'elle négocie un accord sur le refoulement des migrants. A défaut, ce sera la crise. "Il est essentiel que le sommet de l'UE prenne enfin des décisions fin juin", a averti Horst Seehofer, dans une tribune publiée lundi par le quotidien FAZ.
"La situation est grave mais encore soluble", a-t-il ajouté.
"Personne à la CSU ne veut faire tomber la chancelière ou faire éclater le gouvernement", a également assuré l'intéressé dimanche, tout en restant ferme sur le fond.
La semaine qui s'ouvre s'annonce donc décisive pour l'avenir politique de la chancelière. Et la partie compliquée, car ce qu'exige son aile droite est précisément ce dont ne veut pas l'Italie, qui en tant que pays d'arrivée des migrants réclame plus de solidarité européenne.
Tensions autour de l'"Aquarius"
Angela Merkel reçoit justement lundi soir son homologue italien Giuseppe Conte, dont le pays refuse désormais l'accès à ses ports aux navires d'ONG transportant des migrants. Puis le lendemain, elle s'entretiendra avec Emmanuel Macron, dans un contexte européen explosif sur les migrants, illustré par les tensions autour du navire "Aquarius".
Une réunion spéciale des principaux dirigeants européens concernés n'est du reste pas exclue avant même le sommet de l'UE de la fin du mois. Angela Merkel est d'autant plus sous pression que sa cote de popularité en Allemagne chute, tandis que l'extrême droite progresse dans les sondages.
Le mécontentement croissant de l'opinion est exacerbé par des faits divers impliquant des migrants et ayant eu un large écho dans l'opinion, en particulier le viol et l'assassinat récents d'une adolescente par un jeune demandeur d'asile irakien arrivé en 2015.
(Avec AFP)