L’affaire Duffy est un dérapage de plus dans la besace conservatrice, mais qui atteint cette fois le bureau du premier ministre. Stephen Harper a eu beau se faire applaudir par son caucus, le tollé ne s’apaisera pas d’ici son retour d’Amérique du Sud. Mais où donc est passé l’homme qui autrefois se drapait des vertus de l’intégrité ?
Stephen Harper était choqué noir mardi matin : c’est du moins ce qu’il a dit à son caucus, qui s’est empressé de l’applaudir à tout rompre, comme si le mécontentement ne grondait pas. Il y a bien eu un Jacques Demers, toujours candide, pour dire sa honte devant les abus de ses collègues sénateurs. Ou un Vern White, lui aussi sénateur conservateur, pour souligner que la loyauté à un parti ne pouvait pas l’emporter sur tout.
Mais la plupart des députés et sénateurs ont fait le dos rond, enterrant par leurs cris les questions des journalistes à la fin du laïus du premier ministre (qui n’avait de toute manière aucune intention d’y répondre). Le caucus lui-même n’est pas très friand de détails : « Je ne tiens pas à en avoir », a dit le sénateur Jean-Guy Dagenais, à l’image de bien de ses collègues. Et il était savoureux de voir le nombre de députés conservateurs, avant la période de questions mardi, dénoncer aux Communes le chef néodémocrate Thomas Mulcair pour n’avoir pas révélé les curieuses approches que lui a déjà faites le maire Gilles Vaillancourt. Belle journée pour un député de Calgary pour se soucier de ce qui se passait à Laval il y a 19 ans…
Mais les Canadiens ne sont pas tous aussi dociles. Et il manque bien des explications dans ce Duffygate, qui a vu le chef de cabinet de M. Harper, Nigel Wright, remettre un chèque de plus de 90 000 $ au sénateur Mike Duffy afin qu’il rembourse une allocation de logement à laquelle il n’avait pas droit. En retour, le rapport du Sénat qui devait blâmer M. Duffy a été modifié, ce qui aurait été prévu par contrat, selon le réseau CTV. Bref, du camouflage de haut vol, comme on en fait seulement pour protéger les amis. Et Mike Duffy, personnalité connue du Canada anglais, était tout un ami : un champion de la cueillette de fonds pour le parti.
Sont-ce donc les agissements de messieurs Wright et Duffy qui ont fâché le premier ministre ou le fait de les avoir perdus ? En ajoutant le cas de la sénatrice Pamela Wallin, quelle perte de contrôle en une fin de semaine pour le grand manitou Harper !
Ce qui ramène à son propre rôle dans toute cette histoire. Il est inimaginable que l’homme qui a su museler élus, fonctionnaires, scientifiques afin de contrôler tout ce qui émane du Parlement ait ignoré ce qui se passait au sein de son propre bureau, surtout pour un scandale mettant en cause une vedette. Au minimum, il aura refusé de connaître les détails du petit arrangement auquel s’est livré Nigel Wright pour sauver M. Duffy. Auquel cas, M. Harper devrait revisiter le passé. Lui souvient-il que lors de la campagne électorale qui devait le mener au pouvoir en janvier 2006, celle où il promettait intégrité et imputabilité, il avait, en un coup d’éclat, ouvert une valise contenant 132 000 $ pour illustrer les retours d’ascenseurs entre amis politiques qui ne laissent pas de traces ? Avec lui, fini ce genre d’abus !
Depuis, on a vu ministres et sénateurs dilapider des fonds publics en toute impunité ; les nominations politiques abondent (plus récent exemple : juges au Tribunal d’appel de l’assurance-emploi) ; le déni et le secret sont la loi. C’est une bonne chose, au fond, que M. Harper soit parti à l’étranger. Coupé du quotidien, il pourra réfléchir au petit politicien qu’il est devenu. Et à ce qu’il fera, car il n’a pas le choix, pour redresser le cap.
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