Les sondages l'indiquent: une majorité de Canadiens et une majorité encore plus forte de Québécois souhaitent le retrait de l'armée canadienne en Afghanistan. Les révélations de la dernière semaine à propos de la torture des prisonniers talibans par les services secrets afghans sous le regard détourné des autorités canadiennes qui ne pouvaient pas ignorer ces exactions ne servent qu'à apporter de l'eau au moulin de tous ceux qui souhaitent qu'on quitte ces lieux maudits où meurent nos soldats.
À vrai dire, les Canadiens refusent l'idée qu'on puisse sacrifier des vies à une cause quelle qu'elle soit, mais cela n'est pas toujours dit de façon aussi crue. Dans le cas de l'Afghanistan, par exemple, après avoir crié à l'horreur quand les talibans ont instauré le régime que l'on sait, on a accepté, lorsque ces derniers ont été renversés, d'envoyer des troupes pour assurer la paix, ce qui fut fait par le gouvernement libéral de l'époque. On voulait croire alors que nos soldats seraient des sortes d'agents de la paix, des espèces d'humanitaires en uniforme, émissaires de notre culture pacifiste.
Or l'Afghanistan, que ce soit sous les talibans ou sous la gouverne du président Karzaï, appuyé par les pays occidentaux, demeure le lieu d'une culture à l'opposé de la nôtre, où on ne s'embarrasse pas de droits de la personne quand il s'agit de traiter les ennemis. De plus, le président Karzaï, aussi ouvert et amical qu'il s'affiche, contrôle bien peu son pays divisé en fiefs féodaux et tribaux. Nos soldats, pris entre deux feux, ont dû choisir leur camp. Ce fut donc «la guerre, yes sir!», pour citer le romancier Roch Carrier. Quant à nos responsables politiques, leur naïveté devient criminelle dans ce cas de figure.
En fait, les débats sur l'Afghanistan éclairent notre refus d'assumer des interventions armées dans le monde d'aujourd'hui, où on doit oublier ce rôle de tampon entre factions, comme les forces internationales ont pu le jouer dans l'ex-Yougoslavie ou à Chypre à une autre époque. La réalité du XXIe siècle est tout autre. Ce ne sont plus des pays qui s'affrontent mais des clans, des tribus, des rebelles, et toute intervention de notre part se soldera par le sang versé de nos soldats. Le général Roméo Dallaire a bien posé le problème de ce pacifisme qui comprend sa dose d'hypocrisie déguisée en naïveté.
On se scandalise avec force et à juste titre du génocide en cours au Darfour. Mais qui, au Canada, au nom des valeurs mises en avant par tous les opposants à notre présence en Afghanistan, est prêt à faire la guerre au Soudan et à affronter par la même occasion la Chine, très présente là-bas à cause des ressources minières ainsi qu'ailleurs en Afrique, qui reste de glace, s'en étonnera-t-on, devant les exactions de toutes sortes? Cette Chine, on le sait, enthousiasme par son marché notre monde des affaires à la recherche de clients planétaires. Sur le plan international, le Canada veut jouer à la pureté pour lui-même en laissant ses alliés se salir les mains ou se les ensanglanter. Ces derniers s'agaceront bientôt de ces prétentions, car il y a un prix à payer lorsqu'on appartient à un système d'alliances. On ne peut pas bénéficier que des avantages et se retirer en cas de conflit.
En fait, de plus en plus de gens se sont laissé convaincre que le Canada n'a pas besoin d'armée. Plusieurs estiment que les troupes ne devraient servir qu'en cas de catastrophes naturelles ici ou dans le monde, comme lors de tsunamis ou de tremblements de terre. Pour beaucoup de gens, toutes ces présences canadiennes à l'étranger coûtent trop cher, qu'il s'agisse des missions diplomatiques, d'ambassades, de participations au sein d'organisations internationales et à plus forte raison de déploiement de troupes.
Il existe un fort courant isolationniste drapé dans un discours pseudo vertueux de politiciens démagogiques, en particulier s'ils appartiennent à des formations qui ne risquent guère de se retrouver au pouvoir et, du même coup, d'avoir à gérer une politique étrangère.
Enfin et malgré tout, il faut s'alarmer de ce qui semble bien être une incompétence récurrente des ministres conservateurs, des responsables de la politique étrangère du Canada. Vu de l'extérieur, le pays apparaît ainsi dirigé par des amateurs, bon enfant, certes, mais dépassés par la complexité des problèmes. On semble souvent porté à oublier que gérer la politique est aussi affaire de compétence et de talent. Si l'orientation politique est une question de vision qui repose sur un système de valeurs, ne pouvant donc être évaluée selon des notions de compétence, son application repose par contre sur les qualités personnelles et intellectuelles de ceux qui en sont responsables. Depuis plusieurs mois, les relations étrangères du Canada n'ont pas eu, à cet égard, les dirigeants que les enjeux commandaient.
denbombardier@videotron.ca
À propos de l'Afghanistan
Quant à nos responsables politiques, leur naïveté devient criminelle dans ce cas de figure.
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